Plus jamais ça, vraiment ?
Petit retour en arrière, 1938 et 39 : les journaux lors des périples des navires, chargés de Juifs, lancés à la mer par les Allemands et refusés dans tous les ports du monde, écrivaient si ces malheureux retournaient en Allemagne, nous savons bien le sort qui leur est réservé. Et la Conférence d’Evian de 1938 sur les réfugiés juifs d’Allemagne que personne n’accueillit. Rappelez-vous de la nuit de cristal dont les drames étaient publics. Bizarrement, après-guerre, après la défaite allemande qui avait demandé un tel effort militaire dans lequel, à raison manifestement, personne n’exprima l’idée d’une population innocente, bizarrement donc, on entendit d’abord des on ne savait pas. Pourtant, ces « on », n’avaient-ils vu, de leurs yeux, les expositions antisémites, n’avaient-ils vu, de leurs yeux, leurs concitoyens juifs marqués d’une étoile jaune ? Pourtant, ils savaient les lois discriminatoires et les spoliations … Et les rafles ! les rafles, ne les avaient-ils pas vues ? N’avaient-ils jamais vu la sinistre milice ou des policiers pourchasser des Juifs ? S’ils ne pouvaient sûrement pas faire grand-chose, ils savaient, bien évidemment. Alors, pourquoi la litanie de la méconnaissance ? Trop de honte à supporter ?
Puis, après la révélation documentée de l’horreur des camps et le procès de Nuremberg, sans d’ailleurs que l’allégation de la méconnaissance ne disparaisse, apparut l’invocation du le plus jamais ça. C’est fou ce que l’on peut dire pour se sentir quelqu’un de bien… à moindre frais.
Immédiatement après le 7 octobre 2023, on a pu entendre le terme de pogrom. Un mot d’origine russe qui désigne les attaques, par les cosaques ukrainiens, des villages de Juifs : meurtres, viols, pillages et incendies. Le 7 octobre 2023, il y eut certes des massacres aveugles de civils désarmés, des viols, y compris d’enfants et de nourrissons, des Gazaouis accourus en masse de la ville pour participer à la curée et aux pillages mais ce n’était pas un pogrom, c’était au-delà. Les pogromistes ne prenaient pas vraiment le temps de torturer. Seuls les nazis avaient osé mettre un nourrisson dans un four. Jamais, à ma connaissance, les pogromistes avaient, devant leurs enfants, énucléé un père et couper les seins d’une mère avant de mutiler les très jeunes enfants eux-mêmes, amputant l’un de ses doigts, l’autre d’un bras. Puis ils ouvrirent le réfrigérateur et commencèrent à déjeuner, enfin tuèrent tout le monde.
Et quid des travailleurs thaïs, népalais ou philippins massacrés ? L’acharnement filmé à en décapiter un à la houe !
Les actes ont du sens, surtout ceux-là. Ils sont des messages clairs comme les assassinats de professeurs, de policiers et de prêtres en France. Ces messages, ici, là-bas, partout, tout le monde les a vus ou en a entendu parler. Quelques jours. Mais la mémoire est labile. Le plus grave dans la politique de l’autruche, n’est pas de mettre la tête dans le sable…
Viser intentionnellement des populations civiles est un crime de guerre et un crime contre l’humanité, et quand c’est en masse comme c’est le cas depuis le 07 octobre 2023, oui depuis, car cela ne cesse pas, c’est un crime avec intention génocidaire. Ne pas les condamner, voire même soutenir les auteurs de ces actes, c’est être complice ! S’il y avait encore une normalité judiciaire, les complices devraient encourir les mêmes poursuites que les assassins. Mais qui parle de poursuites ? ni contre les acteurs, ni contre les incitateurs, ni contre les complices.
Voilà qu’on ose même maintenant renverser les rôles. Qui se souvient de la condamnation sans preuve du bombardement par Israël d’un hôpital à Gaza city, il y a seulement quelques jours ? Condamnations martiales par des politiciens, des journalistes, des associations dites humanitaires ? Mais c’est un missile prétendu défectueux tiré par des gazaouis eux-mêmes qui s’était abattu sur un parking sans grands dégâts ; quand la vérité s’est sue : aucune indignation, le mal est fait. Reste l’étonnante précipitation de l’opprobre internationale… Le curieux deux poids, deux mesures fonctionne à plein, il est toujours demandé à Israël des preuves des exactions commises contre lui mais jamais aucune preuve n’est demandée aux Palestiniens, ce qu’ils disent est toujours pris pour argent comptant. Le bombardement trois jours plus tôt par le Hamas de l’hôpital Barzilaï d’Ashqelon n’avait pas suscité une telle réprobation unanime. Donc, nous voici au-delà d’une guerre de l’information. Préjugés, idéologie. Enfin idéologie, ni pacifiste, ni socialisante, les premières cibles furent un festival de musique par des pacifistes, des kibboutzim, seules expériences vivantes de villages communautaires strictement égalitaires.
Quant à la Convention de Genève invoquée, son article 19 prévoit : la protection due aux hôpitaux civils ne pourra cesser que s’il en est fait usage pour commettre, en dehors des actes humanitaires, des actes nuisibles à l’ennemi. Les choses sont claires. Et plus loin : Toutefois, la protection ne cessera qu’après une sommation fixant, dans tous les cas opportuns, un délai raisonnable et demeuré sans effet. Israël envoie même, partout et toujours, des sommations pour les civils à proximité d’objectifs militaires installés au milieu des populations… Mais Israël n’a encore jamais encore visé un hôpital sous lequel, chacun sait, se terrent les états-majors terroristes.
Donc, les associations humanitaires, précipitamment, condamnent. Pourtant elles ont des équipes sur place qui ne vérifient évidemment rien. Ce n’est pas leur travail. Pire, dans une interview la responsable locale de MSF bredouille qu’elle ne sait pas s’il y a des terroristes armés dans l’hôpital… puis bredouille encore qu’on en parle… Quand on sait qu’on ne peut même pas aller pisser sans demander la permission au Hamas qui contrôle tout, ça laisse tout de même pantelant. Avec tristesse, je me tourne vers quelle belle idée fut cette association…
Devant les horreurs dans le sud israélien, l’indignation des journalistes, des chefs d’Etats et des parlementaires fait long feu… L’indignation est l’indignation, elle est sans éthique, juste une morale étique, indigente et sans conséquence. Dans les rues parisiennes pas de je suis Charlie ni de ils n’auront pas ma haine dont connait la grande efficacité, par contre, les graffitis antisémites se multiplient.
Beaucoup parmi les donneurs de leçons de politique, de stratégie, les analystes en experts auto proclamés disent qu’il ne fallait pas faire ni cela ni ceci, mais restent incapables de dire ce qu’il aurait fallu faire. Probablement se laisser assassiner pour qu’ils puissent continuer leur vie tranquille et chercher d’autres bons et mauvais points à distribuer et reprendre les plus jamais ça.
Dans le monde du Hamas et autres officines islamistes, personne ne pense que torturer et massacrer est mal, au contraire, tous sont sûrs de faire le bien avec la même assurance que les nazis, autrefois. C’est leur idéologie. Nous l’avons partout vu à de nombreuses reprises. Ils en sont fiers, filment leurs exactions et les diffusent sur les réseaux désociabilisés. La Charte du Hamas affirme ces prétentions.
Dans le monde occidental certains, avec toute leur innocence évidemment, prennent le parti des assassins et défilent, les poursuiveuses de harcèlements sexuels restent muettes devant les viols de femmes et d’enfants ; qui ne dit mot, consent. Les psychopathes, s’agitent, en distillateurs professionnels de la judéophobie avec leur Staline de pacotille et leur végan au cerveau de courge. Ils ont leurs complices : les relativistes qui mettent dos à dos agresseurs et agressés (à l’inverse de ce qu’ils clament sur le conflit russo-ukrainien) … et les mises en équivalence des morts intentionnellement visés avec ceux qui eurent le malheur d’être là au mauvais moment ou parce qu’ils servaient de boucliers humains. Ce sont les psycho-apathiques qui n’ont d’empathie que verbale. Ils sont les plus nombreux.
La mémoire est labile et l’idéologie prime sur l’humanité. MSF et la Croix Rouge ne répondent pas aux appels à l’aide pour la surveillance de l’état des otages… parmi lesquels des survivants de l’holocauste, des malades et des nourrissons. Oui, des nourrissons sont otages.
Tous, l’ONU en tête, en appellent à un cessez-le-feu auquel ils n’avaient pas appelé lors de l’agression par le Hamas.
Israël est bien seul, comme le furent les Juifs jadis. L’expérience des précédents cessez le feu qui avaient permis au Hamas, par au moins quatre fois, de se réarmer de plus en plus lourdement, ne sert à rien à ces donneurs de leçons qui ne se les ont jamais imposés dans le conflit mondial, en Irak, en Bosnie etc… Ils seront les responsables d’un prochain conflit si un cessez-le-feu intervient trop tôt.
Devant ce naufrage de la pensée et de l’humanité, devant les aveuglements, je crois qu’il faut faire une large distribution de miroirs faciaux.
Richard Rossin
Ancien secrétaire général de MSF, cofondateur de Médecins du Monde et du Comité un bateau pour le Vietnam, ancien Délégué Général du Collectif Urgence Darfour, ancien Vice-Président de l’Académie Européenne de Géopolitique, écrivain