Obama, la Syrie et Israël

L’engagement diplomatique américain avec la Syrie intervient à un moment particulièrement délicat, et tombe à quelques mois avant les élections libanaises, où la coalition au pouvoir est confrontée à une vive contestation pour la conduite des affaires et sur le rôle du Hezbollah.
Sur la base des antécédents avec la Syrie, il y a peu de raison d’être optimistes. La Syrie demeure une dictature qui exerce son influence régionale par le biais du soutien au terrorisme dans les pays voisins et par extension, des 30 années d’alliance stratégique avec Téhéran.
Suite à l’assassinat de Rafiq Hariri, le président Bush a rappelé son ambassadeur à Damas et a limité ses contacts avec la Syrie. Aujourd’hui, le président Obama fait des ouvertures diplomatiques et entame des pourparlers avec Damas en sachant parfaitement qu’un « réalignement stratégique » de Damas est peu probable ; Même des changements modestes dans la politique syrienne pourraient prendre des mois ou des années à discerner. Entre temps, les risques existent avec la fin de l’isolement international de la Syrie et l’éventuelle victoire du Hezbollah lors des élections libanaises au mois de juin prochain.
Au début du mois de février dernier, le Département américain du Commerce a approuvé une autorisation de vendre à la Syrie des pièces détachées du Boeing 747. Des avions ont été cloués au sol durant plusieurs années en raison de manque des pièces. L’administration Bush a refusé la vente dans la crainte que des avions civils soient utilisés pour le transport de matériel militaire au Hezbollah depuis l’Iran, la Corée du Nord et la Syrie. Quelques semaines après, le Département américain du Trésor a autorisé le transfert de 500,000 $ aux enfants atteints du cancer à une association de bienfaisance syrienne présidée par Asma, l’épouse du président Assad. Ces deux décisions ont été considérées comme un assouplissement des sanctions américaines, et une ouverture diplomatique importante diplomatique envers Damas
Le 26 février, une réunion s’est tenue au Département d’Etat avec l’ambassadeur syrien à Washington, Imad Mustapha, et le chargé des affaires du Proche Orient, Jeffrey Feilman.
Une semaine plus tard, au sommet de Sharm el Cheik, la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, serre chaleureusement la main et échange des paroles avec son homologue syrien, Walid Mouallem. Clinton a ensuite annoncé que deux émissaires américains se rendront à Damas.
Toutefois, la nomination de l’ambassadeur Feltman comme principal interlocuteur pour les pourparlers avec la Syrie a été accueillie avec déception par Damas. Rappelons que Feltman, a été ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth en 2004-2007 et n’a jamais été tendre avec la politique de la Syrie à l’égard du Liban.
Madame Clinton a souligné l’obligation de son administration pour des réponses concrètes pour obtenir un certain avantage aux Etats-Unis et ses alliés.
Feltman a décrit la rencontre avec le ministre des Affaires étrangères syrien Mouallem comme « constructive » mais lors d’une conférence de presse il a dit : “nous avons abordé des domaines ou nos intérêts se chevauchent, nous avons aussi des sujets où nos intérêts divergent…Cela fait partie du processus et nous allons voir comment cela va évoluer. »
Plusieurs journalistes syriens ayant des liens étroits avec le régime d’Assad estiment que les négociations bilatérales en cours pourront être productives, mais Washington devrait tout d’abord supprimer l’acte de sanctions et retirer la Syrie de la liste des Etats qui sponsorisent le terrorisme.
Le quotidien syrien Al Watan estime qu’il faut distinguer entre le terrorisme et la résistance », et s’interroge si le Hamas et Hezbollah sont effectivement des groupes terroristes ? La réponse est négative dit-il.
La Syrie a également exprimé son mécontentement quant à la nomination de l’ambassadeur Feltman et le 25 février dernier, le chef du Centre d’Etudes des données stratégiques à Damas, écrit dans le quotidien Al-Hayat que « Feltman souhaite préserver le « néo-conservatisme » et joue tout simplement hors de la diplomatie américaine actuelle.
L’engagement américain avec Damas est largement centré sur l’examen des relations syriennes avec Téhéran. Si cela réussit, ce qui est peu probable, Washington gagnera plusieurs avantages stratégiques. Damas entraînerait la fin de l’appui au Hamas et aux autres organisations terroristes palestiniennes, au Hezbollah, et au mouvement des insurgés en Irak ; Ce changement améliorerait dramatiquement la situation pour les alliés de Washington à Bagdad, Beyrouth, et Jérusalem, y compris le Fatah et le gouvernement israélien.
Concernant les relations avec le Liban, le président des Etats-Unis et la secrétaire d’Etat ont publié des déclarations en faveur de la souveraineté du Liban et l’administration américaine a annoncé une contribution supplémentaire de 6 millions de dollars pour le tribunal international chargé de poursuivre les assassins de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri. (La Syrie est le principal suspect).
En tout état de cause, étant donné le fossé qui divise la Syrie et Israël, en particulier en ce qui concerne le statut des relations bilatérales de Damas avec l’Iran – la participation américaine est loin d’être une garantie de succès.
L’attitude du nouveau Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou dans ce processus est clairement moins définie. En 1998, lors de son précédent mandat, Netanyahou a poursuivi des négociations secrètes avec la Syrie et aurait accepté de céder le Golan à la Syrie. Pendant sa campagne électorale en 2009, Netanyahou a promis de ne pas rendre ce territoire à la Syrie. Néanmoins, Netanyahou a dit qu’il serait disposé à parler avec la Syrie pour essayer de convaincre Damas de mettre fin à son soutien au Hamas et au Hezbollah.
En Israël, la notion de « rendre » le Golan à la Syrie est impopulaire et risque d’avoir des difficultés et une approbation de la Knesset.
Un observateur israélien a souligné que la réalisation d’un accord ne serait pas seulement la réorientation stratégique de Damas, mais « dépendra de la volonté des Etats-Unis à offrir à la Syrie des “avantages sucrés” sous forme d’une aide économique, d’une reconnaissance de son statut au Liban, et en fermant le dossier de l’implication syrienne dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri.”
En conclusion, l’administration Obama a pris des premières mesures pour engager Damas dans un processus. Ces mesures préliminaires ont été prudentes et attentives pour pouvoir équilibrer les efforts dans les intérêts américains au Liban.
Dans les mois à venir, Washington continuera à parler avec la Syrie pour tester les intentions du régime. Compte tenu de la barre fixée par la secrétaire d’Etat Clinton, si Washington reste attaché à ses principes il sera difficile d’envisager des progrès à court terme. Dans le même temps, plus les Etats-Unis sont investis dans l’engagement – même en l’absence de progrès tangibles – il deviendra de plus en plus difficile de sortir de ce processus. Au fil du temps, cela pourrait conduire à une érosion des normes élevées actuelles définies par l’administration, et de gains diplomatiques non garantis pour Damas.
Sur la base des antécédents de la Syrie, il y a peu de raison d’être optimistes que l’administration Obama réussisse là où d’autres ont échoué. Washington ne devrait pas nécessairement être critiqué pour avoir essayé, et Israël ne devrait pas abandonner sa quête pour la paix avec ses voisins.