Normalisation avec les Palestiniens à double tranchant
Les dernières provocations du Hamas prouvent que le mouvement islamiste à Gaza joue avec le feu et ne craint pas l’escalade. Le gouvernement Bennet ne peut tolérer des tirs de roquettes sur son territoire mais devrait aussi être très prudent dans la normalisation très risquée avec Mahmoud Abbas. Le leader palestinien à Ramallah est aussi responsable de la situation explosive actuelle.
La visite de Mahmoud Abbas au domicile de Benny Gantz a ainsi provoqué de nombreuses réactions en Israël et chez les Palestiniens. Pour certains, elle présente un signe d’espoir pour pouvoir enfin reprendre les négociations de paix. Pour d’autres, elle ressuscite un vieux dirigeant palestinien et une autorité moribonde.
Le Premier ministre, Naftali Bennet, ainsi que ses collègues de droite au sein de l’opposition comme dans la coalition, ont vivement critiqué la rencontre de Gantz. Est-il possible d’entamer un dialogue amical avec celui qui avait personnellement lancé une campagne de poursuites judiciaires contre les officiers et les soldats de Tsahal devant la Cour Pénale Internationale pour crimes de guerre ?
Bennet refuse à ce jour de rencontrer Abbas et s’oppose farouchement à un Etat palestinien. Il n’est pas question, pour lui, de rendre les territoires conquis en 1967. Israël devrait annexer, doubler la population juive sur le plateau du Golan et construire de nouvelles implantations en Cisjordanie.
Cependant, devant les pressions de l’administration américaine et l’Union européenne, le tandem Bennet-Gantz est engagé à renforcer l’Autorité palestinienne de Ramallah et lui offrir même un soutien financier et sécuritaire. Il souhaite éviter que le Hamas islamiste prenne le pouvoir également en Cisjordanie mais à quel prix ?
Voilà plus d’une décennie que le chef de l’OLP n’a pas rencontré un membre du gouvernement en Israël. Sa dernière visite remonte à 2016, lors des obsèques de Shimon Pérès à Jérusalem, Nétanyahou a eu avec Abbas qu’un bref échange de politesses.
Depuis l’installation d’une coalition avec des ministres des partis de gauche, soutenue par le parti islamiste Raam, la conduite du gouvernement Bennet à l’égard des Palestiniens se trouvait dans l’obligation de modifier les positions antérieures intransigeantes.
La visite d’Abbas au domicile de l’ancien chef d’état-major de Tsahal, actuel ministre de la Défense, est cette fois-ci plus que symbolique.
Elle marque un tournant dans les relations avec les Palestiniens. Gantz a voulu rétablir la confiance et surtout éviter une nouvelle vague terroriste en Judée-Samarie et à Jérusalem.
Conscient des dangers, proches et lointains, Gantz pense qu’il est le seul dans ce gouvernement capable de gérer le dossier palestinien. Il agit donc par étapes en calculant minutieusement les intentions d’Abbas. Il souhaite ainsi gagner la sympathie au sein de l’administration américaine, et des points dans les sondages, en vue de barrer la route à Lapid et se présenter comme l’héritier d’Itzhak Rabin.
Cependant, le nouveau leader du centre-gauche prend des risques considérables en misant sur Mahmoud Abbas.
A 86 ans, au pouvoir depuis la mort de Yasser Arafat en 2004, le vieux chef palestinien refuse de nouvelles élections législatives et présidentielles et demeure corrompu et impopulaire.
Le refus catégorique de Bennet de créer un Etat palestinien et le risque d’un retour de Nétanyahou au pouvoir avaient mis Mahmoud Abbas dans un grand embarras sur la marche à suivre. Pour l’heure, il accepte de dialoguer avec Gantz mais ne pourra pas résister aux pressions alarmantes de la rue palestinienne ni aux exigences du Hamas de reprendre les hostilités.
Abbas ne maitrise pas ses propres troupes et n’a aucune chance de voir les frères ennemis, le Fatah et le Hamas, se réconcilier et former ensemble une seule entité.
Abbas a promis à son peuple un Etat palestinien indépendant. Ce rêve ne pourra jamais se réaliser sans un changement fondamental dans la conduite de l’ensemble des leaders palestiniens et de leurs intentions d’éradiquer « l’Etat sioniste ».
Abbas ne pourra jamais se contenter d’un soutien économique. Il persiste à croire que toute la Palestine, du fleuve à la mer, lui appartient. Il ne changera pas, de son vivant, de narratif et ne renoncera jamais au « retour » des réfugiés palestiniens.
Son refus systématique de reconnaître l’État juif et ses propos antisémites l’éloignent de tout partenariat concret à long terme.
Abbas joue un double jeu et préfère le combat par étape en se focalisant sur la voie diplomatique, le BDS et la délégitimation, plutôt que la lutte armée et le terrorisme.
Cependant, donner l’impression à Mahmoud Abbas que ce gouvernement, dont la majorité demeure très fragile, serait capable sans conditions préalables, de faire des concessions considérables, pourrait mettre Israël en danger existentiel.
Face à un adversaire implacable et imprévisible, les apparences, l’amabilité et la générosité ne fonctionnent pas.
Le gouvernement actuel ne peut se bercer d’illusion et refaire, par naïveté ou pour des raisons électorales, les graves erreurs du passé.
Son devoir est d’assurer la sécurité à tous les citoyens, œuvrer pour la paix avec ses voisins arabes, et mener une politique cohérente, en défendant, en priorité, les intérêts stratégiques, sécuritaires et diplomatiques de l’Etat d’Israël.