Moshé Yaalon au CAPE devant la presse française et francophone d’Israël

Moshé Bougy Yaalon, Premier ministre suppléant et ministre des Affaires stratégiques, était l’invité du premier forum destiné à la presse française et francophone en Israël organisé par Le CAPE-JCPA.

Forum-Rencontre avec Moshé Bougy Yaalon

Les développements en cours dans le monde arabe

Les aspects populaires, politiques, sociétaires, religieux et économiques des différents soulèvements et révoltes intervenus depuis plus de six mois au Maghreb et au Proche-Orient sont évidemment suivis de très près en Israël, dont le gouvernement a fait à ce propos un double constat : d’une part, ces explosions attestent d’une volonté populaire et des aspirations réelles des peuples concernés à plus de liberté et au respect des droits de l’homme pour en finir avec les régimes dictatoriaux et despotiques omniprésents dans ces deux régions ; d’autre part, le caractère souvent assez flou de ces soulèvements et de leurs revendications, en même temps que l’absence de traditions et d’élites démocratiques bien ancrées dans les pays en question risquent de générer au Maghreb et au Proche-Orient une situation d’instabilité et de confusion qui risque de durer de longues années…

Un processus de déstabilisation qui risque aussi d’être exploité, voire récupéré par les forces islamistes (comme les Frères musulmans en Egypte, en Syrie et en Jordanie) et du « Djihad global » (comme Al-Qaïda à Gaza, en Jordanie, au Liban, en Lybie, en Tunisie et au Yémen), en même temps que par l’Iran des mollahs chiites (qui est partout impliqué dans les conflits régionaux : de l’Afghanistan et au Pakistan, en passant par le Liban, la Syrie, Gaza, le Bahreïn, le sud de l’Arabie Saoudite et toute la région du Golfe persique. Une confluence de forces très déterminées à créer ici et là de nouveaux régimes islamistes ouvertement hostiles à Israël et à l’Occident.

Une mauvaise compréhension des enjeux du conflit israélo-palestinien

Deux distorsions apparaissent – notamment dans certains pays occidentaux – relatives à leur propre « grille de lecture » du conflit séculaire israélo-palestinien, qu’ils voient à tort comme la source de tous les conflits de cette région et qu’ils lient souvent à toutes les autres causes (pourtant très distinctes) de déstabilisation existant au Proche-Orient:

1/ Le fait souvent ignoré qu’avant même l’irruption des révoltes populaires dans le monde arabe, le Proche-Orient n’a jamais été une région stable, car il existe non pas « un seul » conflit, mais bien « des » conflits proche-orientaux : l’opposition radicale Chiites-Sunnites ; la volonté hégémonique de l’Iran notamment face à l’Arabie Saoudite ; l’aspiration des minorités kurdes du Liban, de Syrie, d’Irak, de Turquie et d’Iran à créer leur propre Etat ; l’oppression accrue des minorités chrétiennes dans les pays arabes (Coptes en Egypte, Chrétiens de Gaza et de Bethléem sous contrôle palestinien) ; la récente entrée en jeu de la Turquie qui affiche elle aussi des aspirations de « puissance régionale ».

Autant de développements ou de conflits – sans nul rapport avec Israël et le conflit avec les Palestiniens – qui opposent partout des forces islamistes ou djihadistes à des forces plus pragmatiques et modérées.

2/ L’illusion presque rassurante selon laquelle le conflit israélo-palestinien ne serait qu’un conflit « territorial » – sur des territoires « disputés » – susceptible d’être finalement un jour résolu par un simple « compromis territorial »… Alors qu’il s’agit d’un conflit identitaire opposant deux cultures historico-politiques différentes.

A preuve, le fait que toutes les factions palestiniennes réunies (Fatah, Hamas et Djihadistes) s’entêtent depuis des décennies à refuser de reconnaître à Israël le droit d’exister en tant qu’Etat-nation du peuple juif dans cette région. Tout simplement parce qu’elles estiment que les Juifs ne constituent au mieux qu’une religion et ni un peuple ni une nation, ce qui ne leur confèrerait aucun droit sur la « terre de Palestine » !

Ainsi la direction actuelle de l’Autorité palestinienne (AP – dont le président est Mahmoud Abbas) se dit-elle certes prête à une solution basée sur l’existence de « deux Etats vivant côte à côte », mais pas de deux peuples (l’un palestinien, et l’autre juif qui a donc lui des droits historiques et nationaux sur cette terre censée être « partagée » !)…

Voilà pourquoi les accusations de la propagande arabo-palestinienne – souvent reprises par certains secteurs en Occident traitant par exemple Israël d’« Etat-Apartheid » – alors que la seule minorité arabo-chrétienne de tout le Proche-Orient en plein développement est justement celle des Chrétiens d’Israël ! – sont sans aucun fondement.

Comment sortir de l’impasse actuelle du processus de négociations avec les Palestiniens ?

-Israël ne tient pas du tout à « contrôler » ou à « dominer » les Palestiniens : ni à Gaza – dont il s’est retiré unilatéralement en août 2005 -, ni en Judée-Samarie. Voilà pourquoi son gouvernement est prêt à s’asseoir dès demain matin à la table des négociations avec l’AP – mais évidemment pas avec le Hamas qui nie toujours à Israël tout droit à l’existence, même dans ses frontières de 1949.

Les représentants israéliens à ces pourparlers auront trois questions très claires à poser à leurs interlocuteurs palestiniens :

1/ L’AP et l’OLP sont-elles prêtes à reconnaître Israël en tant qu’Etat-nation du peuple juif ?

2/ Sont-elles prêtes à accepter  considérer que le futur accord censé être signé par les deux parties marquera bel et bien la fin définitive du conflit : pas seulement sur les revendications « actuelles » et « tactiques » des Palestiniens, mais aussi sur l’ensemble de leurs revendications dites « historiques », comme leurs pseudos-« droits » – scandés sans cesse dans tous les médias, discours et manuels scolaires de l’AP – sur la Galilée, le Néguev, Haïfa, Yafo, Netanya, Ashdod, Ashkelon, Beer-Shev’a, Ramleh, Bet-Shan, Safed et Tibériade, sans parler de Jérusalem ?! Sans non plus qu’on ne revienne sans cesse sur le « serpent de mer » du problème des réfugiés qu’il faudra alors régler une fois pour toute sans évidemment submerger Israël d’un tsunami de réfugiés arabes.

3/ Sont-elles prêtes à tenir compte aussi des impératifs sécuritaires d’Israël – devenus d’autant plus incontournables dans le Proche-Orient agité et incertain d’aujourd’hui – comme la nécessité d’une démilitarisation de l’Etat palestinien, du maintien d’une présence militaire israélienne dans la Vallée du Jourdain et en certains points stratégiques de Judée-Samarie, ainsi que la poursuite du contrôle israélien sur l’espace aérien des deux Etats !?

-En ce qui concerne « l’échéance de septembre » à l’ONU, il est peu probable que les Palestiniens saisissent le Conseil de Sécurité (CDS) afin de lui demander de reconnaître leur éventuelle proclamation unilatérale d’indépendance de leur Etat sur les territoires acquis par Israël pendant la Guerre des Six-Jours de juin 1967. Et ce, la bonne et simple raison qu’ils ne disposent pas d’une majorité certaine au sein du CDS, et que surtout ils se heurteront à un véto américain.

S’ils s’adressent à l’Assemblée générale de l’ONU pour faire reconnaître cette proclamation seulement formelle de leur Etat, ce ne sera qu’une réédition d’un événement sans conséquence déjà intervenu en novembre 1988 à Alger à l’initiative de l’OLP d’Arafat quand les Nations Unies ont une première fois « reconnu » l’Etat palestinien auto-proclamé : une décision à caractère exclusivement « délibératif » qui n’a eu en fait aucune suite concrète.

Le gouvernement d’Israël n’est donc pas très inquiet face à cette perspective qui ne mènera à rien !D’ailleurs, les Palestiniens – qui ont compris le revirement diplomatique intervenu aux Etats-Unis et en Europe depuis le discours très argumenté de Benjamin Netanyahou devant le Congrès américain – commencent à changer de ton. De plus, comme le Fatah et l’AP rencontrent actuellement de grosses difficultés pour former un gouvernement commun avec le Hamas djihadiste de Gaza, certains responsables de Ramallah songent à nouveau à la nécessité d’une reprise des négociations avec Israël.

Le rôle grandissant de l’Iran dans la plupart des conflits du Proche-Orient

Depuis près de trois décennies, la République islamiste d’Iran soutient et aide tous les éléments, courants et mouvements arabo-islamistes – chiites comme sunnites – présents dans la région qui luttent contre ce que les mollahs de Téhéran appellent le « petit Satan » (à savoir Israël) et le « grand Satan » (les Etats-Unis, leaders du monde occidental).

Or aucun conflit territorial ou de frontières n’oppose l’Etat hébreu à l’Iran, ce qui n’empêche nullement les dirigeants de Téhéran de répéter à l’envi vouloir « rayer Israël de la carte du Proche-Orient » ! Preuve supplémentaire que les conflits israélo-arabe et israélo-palestinien ne sont pas seulement à caractère territorial.

-Comme l’Iran chiite souhaite devenir une puissance hégémonique – d’abord au plan régional en prenant sa revanche historique contre le monde sunnite, et ensuite au plan mondial en devenant un jour une superpuissance planétaire -, ses dirigeants agissent dans deux domaines complémentaires :

*1/ Ils s’emploient à tirer les ficelles – en les finançant massivement et en les entraînant – d’entités ou de groupes terroristes comme le Hezbollah (devenu voilà six mois le maître politique et militaire du Liban), le Hamas de Gaza, les réseaux mondiaux de Al-Qaïda, et aussi les miliciens salafistes et autres du « Djihad global ».

2/ Pour appuyer leur stratégie hégémonique, ils se sont dotés depuis 30 ans d’un vaste arsenal d’armes non-conventionnelles (chimiques et biologiques), ainsi que d’une vaste panoplie de missiles balistiques assez sophistiqués à courte et moyenne portées capable de les lancer dans toute la région, jusqu’aux portes de l’Europe… Et ce, en poursuivant leur course à la maîtrise de l’arme nucléaire, qui est devenue à la fois le but et le moyen suprêmes du régime fanatique des mollahs iraniens.

Face à ce réel danger régional et planétaire qui menace le monde occidental voire la planète tout entière, le gouvernement d’Israël développe une politique fondée sur quatre axes : la nécessité de poursuivre et d’élargir l’isolement international – politique et diplomatique – du régime iranien ; le besoin d’aggraver encore les sanctions économiques contre l’Iran ; le soutien – que devraient amplifier les USA et les pays occidentaux – aux mouvements de l’opposition iranienne contre ce régime despotique qui assassine (par pendaison ou devant des pelotons d’exécution) plus de 500 de ces propres citoyens dissidents chaque année ; le maintien et la préparation d’une option militaire crédible et réalisable d’Israël et des pays occidentaux contre les installations nucléaires iraniennes.

Et ce, afin que le monde occidental ne continue plus à se faire malmener voire ridiculiser par ses propres velléités de « dialogue constructif » avec les dirigeants iraniens – lesquels ne cherchent en fait par là qu’à les abuser et qu’à gagner encore plus de temps afin d’affermir leur hégémonie régionale, elle-même fauteuse d’un large phénomène de déstabilisation de tout le Proche-Orient.

En un mot, il faut absolument que le régime « non-conventionnel » iranien soit stoppé dans sa course folle à l’arme nucléaire !

Intervention de Moshé Yaalon au CAPE devant la presse française et francophone d’Israël