Mariage forcé et mauvaise réconciliation
Depuis une décennie toutes les tentatives de réconciliation entre les « deux frères ennemis », le Fatah et le Hamas, ont été vouées à l’échec et rien n’indique à ce stade que la dernière sera la bonne et réussira à former dans les semaines à venir un nouveau gouvernement palestinien viable et stable. Nous avons connu de nombreuses « réconciliations et embrassades » dans le monde arabe et toutes ont rapidement tourné à l’aigre et en ridicule.
Toutefois, comment ne pas être surpris pas cette dernière manœuvre spectaculaire de Mahmoud Abbas, qui semble négocier un accord de paix avec l’Etat juif et entretient en même temps dans les coulisses des liens avec des saboteurs de la paix tels que les dirigeants du Hamas.
Abbas n’a pas eu le courage de le dire ouvertement et n’a pas osé se déplacer à Gaza pour signer lui-même cet accord. Il est toujours indésirable au sein du Hamas. Plus stupéfiant encore, 48 heures avant, Abbas n’avait-il pas confié aux journalistes israéliens à Ramallah qu’il était contre la lutte armée et le terrorisme et souhaitait poursuivre le dialogue avec Israël par la médiation américaine ? N’y a-t-il pas là un sérieux camouflet pour John Kerry et le président Obama ?
Il est regrettable aussi de constater que des députés de la gauche israélienne ont cru que le chef palestinien était un homme sincère et de bonne volonté, ils l’ont même encouragé en venant le voir à son bureau de Ramallah… Mais cela n’est pas étonnant car les experts du problème palestinien et des affaires du Proche-Orient se trompent à chaque fois dans leur analyse. Ils oublient toujours que notre région demeure imprévisible ! Aucun observateur ni aucun service de Renseignement n’a su non plus ce qu’il se tramait et tous sont tombés des nues en apprenant la nouvelle. Personne ne savait qu’Abbas jouait un double jeu et manigançait depuis fort longtemps avec le Hamas. Certains analystes expliquent qu’Abbas n’avait pas le choix puisque Netanyahou lui a claqué la porte au nez et refuse tout compromis. Et puis, on nous dit qu’une réconciliation entre « deux frères » est toujours souhaitable, que l’union est préférable à la guerre civile. Certes ! Mais comment réconcilier l’incompatible ? Deux idéologies et deux chartes différentes ? Comment concilier la paix et la coexistence avec la lutte armée ? Le terrorisme ? Et la destruction pure et simple de l’Etat sioniste ? Certains diront que le Fatah et le Hamas ont en fait le même objectif, l’un prône la « destruction par étapes » et par la « voie diplomatique », l’autre par « la lutte armée ».
En réalité, nous constatons que les leaders des deux mouvements sont en plein désarroi et ne savent toujours pas comment gérer un peuple en détresse. Depuis plusieurs décennies, ils lui promettent monts et merveilles et un Etat viable, et voilà que 66 ans plus tard, ils sont toujours sur la ligne du départ, plongés dans la faillite, la frustration, la corruption.
Rappelons qu’en 2006, le Hamas a créé une « République islamique » à Gaza avec de nombreuses brigades armées, et il est aujourd’hui en position de force pour reproduire ce succès en Cisjordanie. Les chancelleries observent de près ces derniers événements et s’interrogent sur la marche à suivre. Certains gouvernements européens pensent déjà que le Hamas est sur la bonne voie et qu’il abandonnera, tôt ou tard, grâce à la réconciliation avec le Fatah, ses revendications sur la destruction de l’Etat d’Israël. Ils font aussi un parallèle avec le gouvernement libanais où siègent des ministres du Hezbollah chiite.
Mettons les choses au clair : le Hamas, branche palestinienne des Frères musulmans, considère la lutte pour la Palestine non pas comme un conflit politique ordinaire entre deux nations rivales (israélienne et palestinienne), ni même comme une lutte pour l’autodétermination nationale contre un occupant étranger. Pour le Hamas, la Palestine est une bataille, une guerre sainte planétaire qui a pour but d’éviter la prise des intérêts de l’Islam par les infidèles. Les discours des dirigeants du Hamas sont limpides. Tous rejettent l’idée de créer un Etat palestinien indépendant. Leur objectif principal est d’établir un grand Etat islamique de la « mer au fleuve » et au-delà de ses « frontières naturelles »… L’engagement d’utiliser la violence comme un devoir religieux signifie que le Hamas ne pourra jamais accepter un arrangement politique qui ne correspond pas à ses préceptes radicaux. Si un jour il le fait, eh bien, ce ne sera plus le Hamas !
La voie que cherche le Hamas dans un processus politique vise à tromper l’opinion publique internationale et à dissimuler son objectif majeur qui est de détruire l’Etat sioniste. Pourtant, certains en Europe et en Amérique et même en Israël pensent que le Hamas est sincère dans son choix politique.
Le Hamas n’est pas intéressé par la signature d’une paix véritable et sincère avec Israël et tous les appels et déclarations d’accalmie ou de trêves ne sont qu’une tactique réfléchie dans la stratégie du Hamas pour mettre un terme à l’existence de l’Etat juif uniquement par la « la lutte armée ». Dans ce contexte, l’Accord de réconciliation signé avec le Fatah est semé d’obstacles, il s’agit bien d’une véritable supercherie et d’une nouvelle étape pour renforcer cette stratégie. Le Hamas cherche à obtenir, par tous les moyens, le soutien du monde arabe et particulièrement celui de l’Egypte, ainsi que la sympathie de la communauté internationale.
Freddy Eytan