Manfred Gerstenfeld (1937-2021)
Témoignage
Longtemps à la présidence du Conseil d’administration du JCPA-CAPE, Manfred Gerstenfeld fut un admirable collègue. Je l’aimais comme on aime un ami, comme on aime selon la tradition juive, un maître. Il vient de nous quitter et il nous laisse un grand vide.
Né à Vienne, il passa toute sa jeunesse à Amsterdam. Après avoir obtenu son doctorat, il s’installa à Paris. Consultant financier de grandes entreprises en Europe, il fait son Alya et devient PDG d’une société de conseil économique. Il collabora, entre autre, avec la banque Leumi et avec certains services de Tsahal.
Durant une douzaine d’années au JCPA-CAPE, il fut le rédacteur en chef du The Jewish Political Studies Review, et coéditeur de la lettre de Jérusalem / Points de vue, Post-Holocauste-antisémitisme.
Manfred fut sans doute la plus grande autorité en matière du nouvel antisémitisme. Considéré comme l’analyste le plus qualifié de l’antisémitisme et l’antisionisme, il fut honoré de plusieurs prix internationaux prestigieux. Ces dernières années, il focalisa ses ouvrages sur la politisation des mouvements des droits de l’Homme. Il avait aussi mis en garde contre la montée en puissance des organismes internationaux anti-israéliens tel que le BDS.
J’admirais sa volonté de fer et son courage exemplaire dans cette noble bataille. L’audace d’un Juif rescapé de la Shoah, fier de son héritage, de son peuple, de son patrimoine. Toute sa vie, il a combattu avec acharnement contre le fléau de l’antisémitisme. Contre la bête immonde qui lève la tête en Europe et particulièrement en France. Dans ses recherches et ouvrages, il dénonçait la banalisation du nouvel antisémitisme, déguisé en antisionisme. Un fléau véhiculé par l’extrême droite et l’extrême gauche à la fois, et par leurs leaders politiques. Il lançait des cris d’alarme contre tous ceux qui mêlaient cause palestinienne, djihadisme, détestation du sionisme et haine d’Israël, et ignoraient les nobles valeurs du judaïsme. Ce nouvel antisémitisme qui reprend la thèse classique, ignoble, insupportable, du complot juif face à chaque crise économique, à chaque échec politique ou devant une pandémie tel que le Covid 19.
Dans ses diverses interventions à la télévision, dans les débats et colloques, il exigeait de regarder cette vérité en face. Il s’alarmait contre l’indifférence des chancelleries et l’hypocrisie des intellectuels de gauche. Il était parmi les premiers à dénoncer l’islamo-gauchisme au sein des universités. La proximité flagrante et le laxisme de certaines personnalités politiques en France envers l’islamisme.
Fou de rage contre tous ces professeurs prétendant tenir le monopole de la vérité qui éduquaient à une pensée unique en plongeant leurs étudiants dans la crainte de réagir et dans l’ignorance.
Malgré ses grandes colères contre nos détracteurs, il était toujours disponible à écouter patiemment une opinion différente que la sienne, mais demeurait intransigeant sur les faits et les chiffres, et sur les étapes de la marche à suivre. Humaniste, Manfred était aussi un gentleman. Il aimait son prochain, aidait autrui, toujours prêt à rendre service, à apporter un bon conseil. Erudit, laborieux, polyglotte, Manfred écoutait ceux qui s’adressait à lui avec bienveillance, poliment et avec amabilité.
Quelques jours avant sa mort, il m’annonça par mail qu’il était fort souffrant en ajoutant étrangement qu’il appréciait beaucoup notre amitié…Bouleversé, je voulais en savoir plus sur son état de santé et appela son domicile. Sa secrétaire, Liora me répondit tristement : « il est bien malade…il dort profondément. Je m’excuse, j’ai essayé de le réveiller mais en vain…bien entendu, je lui transmettrais votre message…». Ce fut mon dernier contact… J’ai perdu un ami, un maître.
Je conseille de lire et relire les nombreux ouvrages, articles et recherches de Manfred Gerstenfeld pour pouvoir effectivement mieux connaître tous les combats de cet homme. Comprendre le véritable fléau de l’antisémitisme en Europe, ses enjeux actuels et ses conséquences néfastes à long terme.
Manfred fut sans doute une personnalité hors du commun, un combattant courageux pour la cause d’Israël et du peuple juif. Celui qui mena jusqu’à son dernier jour une véritable bataille, celle de la vérité historique et contemporaine à la fois.