L’ultime mission de Nétanyahou aux Etats-Unis ?

Freddy EytanLe voyage de Nétanyahou aux Etats-Unis, en pleine campagne présidentielle, est une mission difficile, délicate et complexe. Elle aura une influence considérable sur les relations israélo-américaines et des retombées sur l’avenir de la guerre à Gaza et les menaces de l’Iran. Impopulaire au sein de l’opinion israélienne et internationale, Nétanyahou devra donc agir avec tact et sagesse pour améliorer son image et celle de l’Etat juif.

Certes, la tentative d’assassinat de Donald Trump et la convention républicaine ont renforcé la popularité de Trump mais le spectre de la violence politique plane toujours. L’Amérique est meurtrie, déchirée entre les deux grands partis. Insatisfaite des deux candidats, elle recherche encore l’homme providentiel. Pour l’heure rien n’est acquis et tout pronostic jusqu’aux élections du 5 novembre 2024 demeure hasardeux. De ce fait, la politique étrangère n’est pas actuellement une priorité, seules les questions intérieures et socio-économiques dominent les débats et préoccupent les Américains.

Avant sa rencontre avec Joe Biden, le Premier ministre devrait avoir des opinions claires et des plans précis. Le président Biden demeure un ami sincère de l’Etat d’Israël mais aussi éprouve de la méfiance à l’égard de Nétanyahou et doute de sa volonté d’aboutir à un accord pour mettre un terme à la guerre dans la bande de Gaza. D’autre part, les leaders de l’opposition israélienne et les familles des otages doivent s’abstenir de mettre des obstacles à ce voyage. Le vote à la Knesset contre la création d’un Etat palestinien était aussi inutile car tous les sondages le prouvent que la majorité absolue des Israéliens s’opposent farouchement à un Etat terroriste d’obédience iranienne. Les relations avec Washington sont en jeu et prévalent sur toutes les considérations politiques et intérêts de la coalition. Seul l’avenir d’Israël et sa sécurité absolue comptent vraiment.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'exprimant lors de la session conjointe du Congrès à Washington DC, le 3 mars 2015

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’exprimant lors de la session conjointe du Congrès à Washington DC, le 3 mars 2015. (Amos Ben Gershom/GPO)

Le nouveau discours du Premier ministre devant le Congrès a pour but d’apaiser les esprits et faire l’éloge des valeurs universelles que nous partageons avec toute la nation américaine. Soulignons que la majorité écrasante de la communauté juive américaine vote pour le parti démocrate. Malgré son penchant vers les républicains et son souhait ardent de revoir Donald Trump pour la deuxième fois à la Maison blanche, Nétanyahou devrait savoir que Trump est un président imprévisible et rancunier, mais aussi un leader qui adore la franchise et le franc parlé. Dans ce contexte, il doit manœuvrer prudemment, éviter le camouflet à Biden, ne pas intervenir dans les affaires intérieures des Etats-Unis et attendre donc patiemment les résultats des élections du mois de novembre prochain. Se préoccuper avant tout de la sécurité et le bien-être de tous les citoyens israéliens, au Nord et au Sud, être plus sensible à la douleur des familles plongés dans l’inquiétude de leurs proches, apaiser la détresse des milliers de déplacés, et ramener enfin à leurs foyers tous les otages détenus dans des conditions inhumaines.

Biden, Netanyahu

(Avi Ohayon/GPO)

Il a le devoir d’exposer notre juste cause intelligemment et avec conviction sans pour autant donner l’impression que nous dictons l’ordre du jour. C’est seulement ainsi que nous aboutirons à une meilleure entente, et renforcerons notre amitié avec la plus grande puissance de la planète.

Rappelons que depuis la guerre de Kippour de 1973, nous avons obtenu des Etats-Unis plus de 100 milliards de dollars, et sans le pont aérien américain intervenu lors de cette terrible guerre, nous aurions pu avoir de terribles difficultés à la gagner militairement. Tandis que la France nous impose un embargo sur les armes et boycotte des entreprises israéliennes, les Etats-Unis nous ont fourni depuis le 7 octobre 2023, tout l’armement que Tsahal a demandé pour poursuivre la guerre dans la bande de Gaza et faire face aux attaques de l’Iran et du Hezbollah.

(Amos Ben-Gershom/GPO)

Bien entendu, les Etats-Unis tirent aussi profit de notre puissance militaire et technologique puisque, contrairement à d’autres pays où sont installées des bases américaines, Israël s’y refuse et préfère que Tsahal assure exclusivement la défense et la sécurité du pays. Sur le plan du renseignement comme sur le plan technologique, et devant le chaos dans la région, les Américains ont également intérêt à consolider leurs relations stratégiques.

Enfin, pour pouvoir aboutir à une entente parfaite avec Washington, soulignons que dans chaque négociation diplomatique et afin d’aboutir à un accord équitable, il est bien naturel et normal que chaque partie exerce des pressions et exige d’obtenir le maximum. Cependant, le soutien américain est indispensable et le compromis demeure une règle d’or.