L’Occident en déliquescence

Richard Rossin

Depuis le 7 octobre 2023, le chaos devrait paraitre plus clair dans l’obscurité des cerveaux embrumés. Et pourtant…

Israël se trouve face à un double déni occidental, d’une part celui de son rôle, malgré lui peut être, de défense d’une civilisation qui avait mis la vie, la justice, la tolérance, la liberté et l’égalité des êtres humains en ligne de conduite, et d’autre part, le déni et de l’Histoire, tant en Occident qu’en Orient ainsi que celui des réalités. Circulez, il n’y a rien à voir ! Pour qu’il n’y ait rien à voir, l’inversion des valeurs est indispensable. La victime de nombreuses guerres d’agression, et finalement, de cette attaque barbare, est transformée, contre toute évidence, en bourreau. L’agressé devient l’agresseur. Le phénomène, pas vraiment nouveau, provient d’une sape lente et progressive des fondements intellectuels du monde démocratique avec notamment la remise en cause de sa propre histoire et de ses combats vers l’égalité et la justice ainsi que de l’effacement de la permanence des conflits avec un Islam conquérant depuis sa naissance. Quid des Balkans, de Constantinople, de l’Espagne et du Portugal, de la France méridionale, de la Sicile, de la Grèce, quid des pirates barbaresques ? Aujourd’hui, l’Islam, c’est-à-dire la Oumma, la communauté musulmane, conduit le seul colonialisme pérenne et en expansion. On en voit les effets en Afrique, en Asie, en Europe et même en Amérique avec ses actions violentes et ses revendications opposées aux valeurs et usages locaux. Une guerre de civilisation.

Tout cela naquit de l’apparition d’une concurrence victimaire sans objet, d’une déconstruction absurde de l’Histoire, de la mise en avant d’un « crime » de colonisation ; tous les peuples au cours des temps n’ont-ils pas colonisé ? Ce n’est pas parce qu’on connait rarement leurs tribulations guerrières que ces conquêtes coloniales n’existèrent pas ; les grands empires africains d’autrefois, par exemple, en sont les témoins. Et l’Islam lui-même est des plus grands colonisateurs. Le plus effarant dans la décolonisation de l’Algérie, toujours mise en avant, est que la France ait livré cette région aux précédents colonisateurs arabes qui avaient fait disparaitre les civilisations berbères, leurs langues, leurs écritures et jusqu’à leur passé glorieux. Depuis, dans une sorte de christianisme mal digéré, la France, l’ancienne fille ainée de l’Eglise, bat sa coulpe sans cesse. Bienvenue en absurdie.

Par ailleurs, il n’est pas impossible qu’un fond séculaire de prévention antijuive, une brume pérenne d’un long passé, ne soit présent dans les attitudes occidentales face à Israël… il suffit de voir la résurgence incroyable d’un antisémitisme virulent et ses appels au génocide : from the river to the sea1, sans réponse des Etats, sans prendre l’occasion d’élever le débat et mettre en avant les valeurs d’humanité. Circulez, il n’y a rien à entendre non plus.

Ces dérives-là se nourrissent de mises en équivalences abusives entre les morts d’une tentative génocidaire (clairement annoncée et documentée par les assassins eux-mêmes) et les morts – malgré toutes les tentatives d’épargner les civils gazaouis – dans la réaction militaire israélienne inévitable. Ces dérives se sont inscrites aussi dans le vocable ridicule de vengeance que certains ont voulu appliquer à cette défense israélienne. Face à l’inhumanité absolue de l’attaque, une attaque qui avait pris alibi de la défense d’un peuple mais dont l’objectif réel est l’instauration d’une théocratie moyenâgeuse, la réponse ne peut être qu’une guerre contre le totalitarisme avec ses ostracisations, l’asservissement des femmes, le massacre des homosexuels, la dhimmitude opposée aux non-musulmans, un guerre pour des valeurs et pour la justice, réponse qui se trouve être, qu’Israël veuille le voir ou non, une défense de ce qui fit le monde démocratique occidental. Israël reste fidèle à l’enseignement de Hillel l’ancien : là où il n’y a pas d’homme efforces-toi d’en être un.

Alors, ces atermoiements des dirigeants occidentaux ont un goût de suicide. Ils ne prennent pas l’occasion des drames pour défendre leur culture et leurs valeurs, ils laissent aller, rejoignent les dispensateurs de morale à courte vue et sans réflexion. Ces appels au cessez-le feu qui ne s’adressent qu’à Israël ne profiteraient qu’aux terroristes, à leur réarmement et à l’abandon des Gazaouis à la barbarie islamiste encore au pouvoir. Ces appels à une solution à deux Etats que les mouvements arabes ont toujours et persévèrent à refuser2. D’où vient cette antienne sans substance ? Du rêve que les Arabes pensent comme les promoteurs de l’idée, que la prospérité et le développement économique seraient des items du mode de pensée islamique. Déni du choc de civilisations. Les soumis à l’idéologie islamiste ne rêvent depuis toujours que d’une planète soumise à leur loi, la sharia, à n’importe quel prix. Ils ne cesseront jamais… Ils commencent par attaquer le petit Etat d’Israël, peut-être parce qu’ils ont cru que ce pouvait être un ventre mou ; après tout, entre ce qu’était le territoire du mandat de la SDN pour le foyer National Juif et ce qu’il en reste… La région du petit Etat d’Israël avait eu le malheur d’être colonisé par les Musulmans en 638 et les Juifs y furent rétifs à la conversion malgré les lois de la dhimmitude.

Il suffit encore de voir que ce conflit séculaire porté par l’Islam, au Moyen Orient et ailleurs, s’est doté depuis des années de la création d’un peuple en 19643 en étendard du monde musulman (59 pays) avec sa Ligue Arabe (21 pays). Depuis la prise du pouvoir en 1979 des Ayatollahs, une offensive shiite ensanglante la planète et aussi la France avec des arrières pensées nucléaires. L’Iran a tissé sa toile au Liban, au Yémen, en Syrie et a tenté d’étendre son influence au Soudan avec ses deux objectifs : d’une part s’emparer de La Mecque4, le lieu central de l’Islam, et d’autre part, mener sa guerre contre l’Amérique (le grand Satan) et Israël (le petit Satan). Le premier dirigeant reçu par Khomeiny fut Yasser Arafat, tout un symbole.

Le rôle de l’Iran dans les offensives contre Israël le 07octobre 2023 est une évidence : Hamas, Djihad Islamique, Hezbollah, Houthis yéménites. Les Etats sunnites suivent plus ou moins mollement ou en tous cas, peu choisissent clairement leur camp et laissent faire. L’offensive Houthie – on peut être surpris de l’armement extrêmement moderne de ces derniers – met en péril illégalement la circulation navale, certes vers Israël (est-ce un alibi ?), mais aussi et surtout, vers le canal de Suez, ce qui est un problème international. Une coalition se constitue pour libérer les détroits et rétablir la liberté de navigation. Il suffit d’une goutte d’eau pour mettre le feu aux poudres, si j’ose… En outre, de ce blocus, la Chine risque d’être la principale victime ; va-t-elle rejoindre la coalition ? Après tout, il y eut bien une alliance américano-soviétique dans le précédent conflit mondial.

La guerre passe aussi par la manipulation de l’opinion publique : des hordes de manifestants sont lancées qui soutiennent le mouvement islamiste et ses revendications partout dans le monde, singulièrement dans des universités prestigieuses, particulièrement américaines largement subventionnées par le Qatar. Une option sur l’avenir ! Il faut encore voir, ultime faiblesse, l’infiltration de plus en plus dense des institutions, notamment en Europe, par les officines islamiques influentes. Il suffit de voir pour apprécier le caractère mondial de l’offensive.

Naturellement, son offensive transformée en catastrophique militaire, le Hamas, dans sa droite ligne de communication, essaie de se trouver un soutien pseudo-juridique avec un renversement ahurissant des intentions : le Hamas ouvertement génocidaire fait accuser Israël d’une intention de génocide !

Une saisine est déposée par l’Afrique du Sud, l’un des Etats les plus insécures de la planète, plaque tournante des financements du Hamas et du Hezbollah et organisateur des conférences judéophobes de Durban5. Ce pays, non affecté par le conflit mais instrumentalisé, vise à jouer un rôle d’influence dans ce qu’il est convenu d’appeler le Sud Global. À la Cour de Justice internationale, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve de l’accusation qui incombe à l’accusateur devant tout autre juridiction. Ce qui est visé d’abord est une ordonnance contraignante à titre conservatoire exigeant une suspension des opérations militaires israéliennes. La CJI, après délibéré, ne prononce pas cette ordonnance ce qui, au passage, confirme qu’il n’y a pas à l’évidence de risque de génocide en cours. Pourtant, la Cour s’est décrédibilisée en recevant seulement la plainte.

Les empires non occidentaux observent ce conflit avec intérêt et se demandent comment ils vont pouvoir tirer leur épingle de ce jeu avec bénéfice. Il n’est question ici, ni de morale, ni d’éthique. Juste de rapports de force dans d’autres tensions.

En réalité, ce conflit n’est qu’une des batailles de la troisième guerre mondiale dans laquelle des alliés naturels jouent contre eux-mêmes, ils veulent jouer « perso » comme on dit en football et se présentent isolément. Un bon moyen de perdre. L’Occident trouvera-t-il une colonne vertébrale ?


  1. Du fleuve à la mer c’est-à-dire sans Israël↩︎

  2. 1937,1947, 1967, 2000 etc… cf une dernière déclaration de Khaled Mashal.↩︎

  3. Pas d’Histoire ni antique ni moderne, pas de langue particulière, pas de culture particulière, pas de monnaie particulière ni de dirigeants particuliers, la région était, depuis des siècles, latérale dans l’empire ottoman démantelé en 1918.↩︎

  4. Le GIGN français est intervenu le 20/11/1979.↩︎

  5. Notamment 2001.↩︎