L’obsession palestinienne, réponse à Alain Gresh

wikipedia-logo1Dans un récent article sur son blog – De quoi la Palestine est-elle le nom-, le journaliste Alain Gresh du Monde Diplomatique, qui couvre le conflit israélo-arabe depuis de nombreuses années, essaie d’expliquer pourquoi un conflit mineur comme le conflit israélo-palestinien occupe une place si importante sur la scène internationale. L’intention suscite l’intérêt connaissant le traitement quasi-pavlovien du Monde Diplomatique envers le conflit et sa grille de lecture tiers-mondiste simpliste. Malheureusement, Gresh ne peut pas s’empêcher de reprendre ses travers habituels, oubliant de poser les bonnes questions tout en donnant les mauvaises réponses usuelles: Israël est un fait colonial et les Palestiniens subissent une horrible injustice que le monde ne peut pas supporter.

Sur un point indéniablement, Alain Gresh a raison : il y a disproportion entre l’intensité réelle du conflit israélo-arabe et sa place dans le débat mondial. Quelques chiffres aident à mettre les choses en perspective: en 62 ans de guerres israélo-arabes, le conflit a tué environ 100,000 personnes, dont un quart d’Israéliens environ, surtout dans les premières années du conflit. Sur ces 20 dernières années par contre, le nombre de mort est inférieur à 10,000. C’est évidemment beaucoup et surtout beaucoup trop.

Le conflit bosniaque, impliquant en tout et pour tout une population de 4 millions de personnes, a fait disparaitre, de 1992 à1995, plus de 100,000 personnes ; les deux guerres en Tchétchénie depuis 1994 ont éliminé à peu près autant de monde, sur une population d’à peine 1 million âmes ; la guerre au Congo dont vous n’avez jamais entendu parler a fait plus de 4 millions de morts depuis 1997, et pourtant, c’est le conflit israélo-arabe qui fait la une de journaux du monde entier. Gresh a donc raison de se demander pourquoi. Antisémitisme ? Hypocrisie ? Dépendance face au pétrole arabe ? Peur des minorités musulmanes ? Bien sur que non, nous explique le journaliste du Monde Diplomatique: c’est uniquement parce que les Palestiniens sont victimes de la pire, et spécifiquement, de la dernière injustice au monde – les Tibétains, Kurdes, Berbères, et autres peuples réellement oppressés apprécieront – et chacun sait comme la communauté internationale déteste et combat toutes les injustices…

On peut aussi se dire, à l’inverse d’Alain Gresh, que la focalisation sur Israël alors qu’existent des crimes et injustices largement pires que ceux dont Israël est accusé, quand bien même ils seraient vrais, démontre l’existence de motifs largement inavouables.

C’est à juste titre qu’Alain Gresh décide de rappeler l’Histoire pour comprendre le présent. Sauf que sa mémoire semble étonnamment sélective. Tout ce qui peut contredire sa thèse est écarté. Il présente les travaux des anciens fumeux « nouveaux historiens » comme une vérité révélée alors qu’ils ont été démontés depuis des années. Et il élimine les faits qui le gène. Le refus arabe de la partition en 1947 ? Oublié. De même que le refus tout aussi massif des Arabes a la paix contre tous les territoires proposée par Israël au lendemain de la guerre des Six Jours en 1967. Ou le refus, jusqu’à aujourd’hui du Fatah et de l’OLP à accepter le principe de deux Etats pour deux Nations. Car si le Fatah demande la création d’un Etat palestinien, il refuse de reconnaître Israël comme Etat du peuple juif. Pas la peine de rappeler la position du Hamas qui se bat pour l’annihilation physique d’Israël.

Tout aussi étonnamment, Alain Gresh ne semble pas vouloir poser les bonnes questions. Il constate l’obsession médiatique, en Europe surtout, envers le conflit israelo-arabe et ne se demande pas ce qui la motive. Il remarque que les jeunes arabo-musulmans vivant dans le monde occidental  s’identifient aux Palestiniens mais ne ressent pas le besoin de comprendre pourquoi, comme si c’était naturel. Or, ça ne l’est pas. Pourquoi des jeunes français dont les parents ou les grand-parents viennent d’Algérie devraient-ils porter un intérêt particulier à la cause palestinienne ? Parce qu’ils sont musulmans ? Mais ils ont manifesté le plus total désintérêt envers les musulmans bosniaques ou tchétchènes. Parce qu’ils sont arabes ? Mais, là encore, on ne les a pas vu se mobiliser lors de la guerre civile en Algérie qui pourtant les touchait directement, ni contre les tyrannies et les atteintes aux droits de l’Homme qui sont monnaie courante dans ces pays.

Les raisons ne seraient-elles pas plutôt à chercher, par exemple, du coté des politiques des gouvernements arabes comme européens visant à détourner la colère des populations arabes défavorisées vers un bouc-émissaire ? Et quel meilleur bouc-émissaire  que le Juif ?
Gresh dénonce le « deux poids-deux mesures » dont jouirait Israël. On permettrait à Israël ce qu’on ne permet à personne d’autre. Alain Gresh vit-il sur la même planète que nous ? Si deux poids/deux mesures il y a, il est à l’encontre d’Israël. Israël est condamné systématiquement pour des actions qui ne suscitent même pas de réactions lorsqu’elles sont menées par d’autres pays. Plus du tiers des résolutions du Conseil de Sécurité depuis sa création concernent Israël. Aucun pays n’a été plus condamné, attaqué, menacé sur la scène internationale. A-t-on vu l’esquisse d’une action contre la Russie après ses massacres en Tchétchénie ou son invasion préméditée de la Géorgie en Août dernier ? Lorsque l’OTAN bombarda la Serbie qui ne lui avait rien fait, tuant 1500 personnes, a-t-on parléd’action disproportionnée alors que pas un soldat de l’OTAN ne fut blessé ? De qui Alain Gresh se moque-t-il ?

Gresh pêche avant tout par aveuglement idéologique. Son long rappel des causes historiques du conflit n’est qu’un cache-sexe pour avancer une thèse qui repose sur une grille de lecture simpliste: le monde se divise entre « dominants » et « dominés », entre forts qui ont par définition toujours tort et faibles qui ont toujours raison quoi qu’ils fassent. Ainsi pour Gresh, les pays arabes pro-américains seront toujours pires que le plus horrible régime islamiste, parce que ce dernier est « du bon coté ». Israël suscite une haine particulière, pas parce que ce pays est un « fait colonial » mais justement parce qu’Israël est un pays issu de la lutte contre la colonisation. Il est la preuve vivante que les pays décolonisés peuvent réussir, être modernes, puissants, occidentalisés et alliés des Etat-Unis. Israël est le miroir qui renvoie aux autres pays, et aux pays arabes en particulier, l’image de leur propre désastre, et c’est pour ça qu’il doit payer.