L’Iran libre d’accomplir ses ambitions nucléaires

wikipedia-logo1En juillet 2003, suite à l’invasion américaine en Irak, l’Union européenne a ouvert des négociations diplomatiques afin d’essayer d’arrêter le programme nucléaire iranien. 

Quelques mois plus tard et à la suite de la chute de Saddam Hussein, le chef de la Libye, le colonel Kadhafi décide de mettre un terme à son programme militaire nucléaire. Au moment même où les pays occidentaux  avançaient dans leur détection du programme nucléaire  libyen et suite à la guerre d’Irak, les Iraniens décident de geler  leur propre programme nucléaire. C’est donc dans ce contexte que nous devons analyser le rapport d’estimation des différents services de renseignements américains (NIE), publié en décembre 2007.

Le NIE admet effectivement que l’arrêt du programme nucléaire iranien provient des travaux de détection occidentale et des pressions internationales. Téhéran était en effet exposé à son projet nucléaire antérieur et non déclaré.
Parallèlement à son programme nucléaire, l’Iran a développé un système approprié de missile à longue portée. Ses missiles, Shihab 3, peuvent porter une ogive de 700 kilos et atteindre une distance de 1300 à 1500 kms. Ces missiles  sont sous le commandement de la Garde révolutionnaire qui est affiliée directement au chef suprême du régime, Ali Khamenei, et non au président Ahmadinejad,
De ce fait et selon les dernières manœuvres iraniennes, nous constatons que ces missiles sont pointés aussi bien sur Tel Aviv que sur Riyad.
Dans le paragraphe c  qui figure dans le résumé du rapport de la NIE on indique que l’Iran a fait des progrès significatifs en 2007 en installant à Natanz des centrifugeuses. Se basant sur cette constatation, les services de renseignement militaires israéliens estiment que vers la fin de l’année 2009, l’Iran serait techniquement capable de produire suffisamment d’uranium enrichi pour fabriquer une arme nucléaire.
Le paragraphe D  qui figure dans le rapport de la NIE  affirme que les Iraniens ont développer toute une gamme de capacités techniques qui pourraient être appliquées dans le cas échéant pour produire des armes nucléaires. Ainsi le programme civil iranien  pour l’enrichissement de l’uranium pourrait produire assez de matériel fissile pour la fin 2009 ou 2010.
Le paragraphe F de la NIE indique que l’Iran utiliserait probablement des installations sous terrains  plutôt que les sites nucléaires affichés pour la production de l’uranium hautement enrichi pour l’armement.
Enfin, le paragraphe H qui figure dans les notes du NIE, indique que l’Iran possède la capacité scientifique, technique et industrielle de produire des armes nucléaires.
A mon avis, la distinction qu’ont fait entre les programmes nucléaires militaires et  civils n’est qu’artificiel. L’enrichissement de l’uranium, indispensable pour l’usage civil ou militaire, se poursuit toujours. Dès que l’Iran aura assez d’uranium enrichi, il sera capable dans un délai de trois à six mois, de construire une bombe nucléaire.
La NIE a clairement affaibli le soutien international qui a pour but d’appliquer des sanctions plus sévères contre l’Iran. Ce rapport a aussi affaibli les positions de la Turquie et des pays sunnites modérés dans la région. Ils cherchent à former une coalition contre l’Iran.
Ironiquement, le NIE a ouvert la voie à l’Iran pour réaliser, sans aucune interférence, ses ambitions nucléaires militaires.
Juste après la publication de ce rapport de la NIE la presse internationale a publié largement l’information sans la contredire. Ainsi, la Russie et l’Iran sont parvenus rapidement à un accord sur un calendrier précis afin d’achever la livraison du plutonium aux bases nucléaires à Boushar.
Ceci a été suivi par une ouverture envers l’Iran. Un accord économique d’un montant de 2.3 milliards de dollars  a été signé entre la Chine et l’Iran. Le président iranien Ahmadinejad s’est rendu officiellement à Riad et de nouveaux contacts se sont noués avec le Caire pour la première fois depuis l’assassinat du président Sadate en 1981.
Déjà en août 2002, l’opposition iranienne, les Américains et les Européens ont obtenu des informations sérieuses sur le programme militaire nucléaire qui se développer en Iran sous une couverture civile. Le programme militaire nucléaire est sous la responsabilité du ministère de la Défense tandis que le programme civil est sous la tutelle de la commission de l’énergie atomique iranien.
Tout projet nucléaire est composé de trois éléments :
1)un système de « distribution », exigeant un développement de missiles balistiques.
2)l’accumulation du matériel fissile exploité par l’uranium enrichi et la production du plutonium.
3)l’armement- chargement du missile par une ogive munie de matériel fissile.
Certains éléments du programme nucléaire iranien ont été effectivement mis en place.
Au début de l’année 2003, les Iraniens ont concentré tous leurs efforts dans l’installation de centrifugeuses à Natanz. Ils ont réussi à construire plus de 164 centrifugeuses. Actuellement ils sont capables d’acquérir plus de 3000 centrifugeuses.
Nous avons constaté aussi que le développement de missiles balistiques n’a jamais cessé,  an dépit du fait que l’enrichissement de l’uranium fut interrompu.
Dans la même veine, les Iraniens se sont toujours préoccupés par l’obtention de matériaux et composants nécessaires pour l’enrichissement de l’uranium. Au début de 2004, nous avons appris que l’Iran a tenté de se procurer le plus rapidement possible un matériel de haute tension approprié pour le fonctionnement des systèmes d’armes nucléaires. Le ministère iranien de la Défense a aussi supervisait  les recherches de mines d’uranium  dans le sud-est du pays.
Dans ce contexte, l’Iran poursuit sans relâche, le développement d’une gamme de missiles balistiques de longue portée, soit de 3500 à 5000 kilomètres pouvant ainsi atteindre toute l’Europe, à l’exception peut- être du Portugal. Le potentiel des missiles pourrait même arriver à une portée de 6000 à 10000 kilomètres et atteindre la côte Est des Etats-Unis. La technologie originale des missiles a été livrée aux Iraniens par la Corée du nord et les Iraniens avaient fait des efforts considérables pour améliorer leur gamme de missiles balistiques.
Etant donné que l’Iran n’a pas de programme spatial  il est peu probable que leurs missiles balistiques d’une portée de milliers de kilomètres ont pour but de transporter uniquement des ogives conventionnelles.

     Dans le cadre de ma fonction de directeur des services de renseignements militaires de Tsahal, j’ai informé plusieurs dirigeants européens sur les plans nucléaires militaires iraniens. J’ai rencontré personnellement des hommes d’influence et des décideurs dans plusieurs pays dont en Italie, en France et en Grande Bretagne. La plupart des dirigeants européens ont montré une compréhension sur la question mais leur réaction fut timide et non encourageante.
Les Européens m’ont dit qu’ils ne comprenaient pas pourquoi Israël essaye de les faire peur en brandissant la menace nucléaire militaire de l’Iran, alors qu’ils avaient vécu eux mêmes avec une telle menace lors de la Guerre froide. Ils partageaient également cette opinion qui demeure actuelle, voire : en cas où l’Iran parviendrait à une capacité nucléaire militaire, les USA et Israël « résoudraient le problème.»
Pour conclure, il serait erroné de dire que les ambitions de l’Iran d’acquérir des armes nucléaires ont été suspendu en se basant seulement sur la lecture du rapport du NIE et à cet égard nous devrions être très vigilants sur la marche à suivre.

Le général (réserve) Aharon Zéevi Farkash a été le chef des renseignements militaires de Tsahal de 2001 à 2006.
Ses propos sont basés sur un exposé qu’il a fait le 1er janvier 2008 au Cape de Jérusalem.