L’intervention de l’Iran en Syrie
Le recrutement de combattants du Hezbollah en Syrie a pour but de sauvegarder la ligne de défense de l’Iran, qui longe la frontière avec la Syrie, et de remplacer l’armée syrienne dans la bataille qui l’oppose aux rebelles dans différentes villes du pays.
Le Hezbollah paie un lourd tribut quotidien pour protéger le régime de Bachar el-Assad. De nombreux combattants, dont des commandants supérieurs des Gardiens de la Révolution, ont trouvé la mort sur le sol syrien. Récemment, le général Hossein Hamadani, un vétéran de la guerre Iran-Irak, a été tué dans la région d’Alep.
L’Iran se trouve dans l’obligation d’envoyer des renforts en coordination avec la Russie. Ces forces supplémentaires sont arrivées ces jours-ci.
La crise en Syrie se transforme progressivement en une crise régionale durable, mais également en un conflit international du fait de l’intervention russe.
L’Iran soutient le régime alaouite minoritaire pour des intérêts stratégiques, idéologiques et religieux. La Syrie constitue pour Téhéran une première ligne de défense contre Israël, et aussi un tremplin pour défendre la population chiite au Liban contre les attaques de l’Organisation de l’État islamique.
Il est évident que l’Iran et la Russie cherchent à combler le vide que les États-Unis ont laissé dans la région. Soulignons que Qasem Soleimani, commandant de la Force el Qods, a effectué dernièrement une visite secrète à Moscou malgré les restrictions imposées à son encontre dans le cadre des sanctions internationales.
Au cours de ces dernières semaines, l’Iran intensifie son intervention en Syrie, en tandem avec la Russie, pour sauver le régime de Bachar al-Assad.
Déjà, en 2013, Hojjat al-Islam Mehdi Taeb, l’un des sherpas de la politique étrangère iranienne, avait déclaré que « la Syrie demeure la 35ième province stratégique de l’Iran ». Aujourd’hui ces propos prennent une nouvelle ampleur.
Taeb poursuivait son raisonnement en précisant : « si l’ennemi nous attaque et veut conquérir la Syrie ou le Khuzestan [une province iranienne à minorité arabe dans le sud-ouest du pays, située près de la frontière irakienne] notre priorité serait de défendre en premier lieu la Syrie, car en la protégeant, l’Iran serait plus en mesure de garantir l’intégrité territoriale du Khuzestan ; par contre, si l’Iran venait à perdre la Syrie, alors il sera même incapable de protéger sa capitale Téhéran. »
Pour les stratèges iraniens l’armée syrienne n’a pas la capacité de combattre dans des zones urbaines. Ainsi, les 60 000 combattants volontaires du Hezbollah ont pour mission de remplacer l’armée syrienne dans les difficiles combats de rues.
La crise en Syrie, déclenchée avec les bouleversements causés par le Printemps arabe, a certes renforcé la position intransigeante de la Russie et de l’Iran, mais a démontré en revanche la confusion et l’hésitation régnant chez les Occidentaux dirigés par les États-Unis.
Les différents porte-parole américains ont faiblement condamné l’intervention russe, affirmant qu’elle nuisait à la campagne contre l’État islamique. Par exemple, la sous-Secrétaire à la Défense, Christine E. Wormuth, a déclaré que le « soutien de la Russie et de l’Iran à Assad et à son régime a prolongé le conflit en Syrie. Ces deux États continuent à soutenir politiquement et militairement un régime qui assassine systématiquement son propre peuple, favorisant ainsi la montée en puissance de l’EI [Daesh] ».
Le général Lloyd J. Austin, chef du Commandement central des États-Unis, a reconnu lors d’une audition au Sénat qu’un programme évalué à un montant de 500 millions de dollars, et destiné à construire une nouvelle armée de rebelles syriens, se trouvait dans une impasse, et que les États-Unis ne pourront plus atteindre l’objectif de former aussitôt 5 000 soldats syriens.
La politique actuelle des États-Unis qui est presque inexistante au Moyen-Orient a du mal à suivre le rythme vertigineux des changements géopolitiques dans notre région.
Vivement encouragé par la signature de l’accord de Vienne sur le nucléaire, l’Iran poursuit de plus belle ses interventions hégémoniques en Syrie, au Yémen et partout ailleurs.
La mise en œuvre de l’accord sur le projet atomique, et en particulier la levée progressive des sanctions, devrait augmenter les fonds du Trésor iranien. Avec ses nouvelles ressources financières l’Iran pourra soutenir le régime d’Assad et se découper avec l’appui russe des zones d’influence au Moyen-Orient.
A l’heure actuelle, l’Iran se concentre sur la campagne en Syrie (et aussi sur la stabilisation du Yémen). Il considère la Syrie comme un élément essentiel pour construire un nouvel ordre régional. Cependant, Téhéran continuera à renforcer sur le long terme le camp de la « résistance anti-israélienne » des organisations palestiniennes à Gaza et en Cisjordanie.
La nature prolongée de la crise en Syrie et ses développements dramatiques occasionnels, telle que l’intervention russe, reflètent à la fois la gravité de la crise pour le monde arabe et sur le plan international. L’implication de l’Iran intensifie encore plus la méfiance des Arabes, entre les anciens empires perse et turc, et entre sunnites et chiites.
En conclusion, la crise syrienne constitue une sorte de microcosme des enjeux que nous allons affronter dans les mois et les années à venir.
Michael Segall
Pour citer cet article :
Michael Segall, « L’intervention de l’Iran en Syrie », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/lintervention-de-liran-en-syrie/
N.B. : Toutes nos illustrations sont libres de droits.