Les réfugiés juifs originaires des pays arabes

wikipedia-logo1L’EXODE DES JUIFS DES PAYS ARABES

On comptait en 1948, 800.000 Juifs dans les pays arabes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Une génération plus tard, en 1976, la plupart des communautés juives de ces pays avaient disparu, ne laissant rien derrière elles que quelques milliers de Juifs dispersés dans un certain nombre de villes de ces régions. La disparition d’une des plus anciennes communautés juives du monde a été provoquée, en grande partie, par l’intolérance, les discriminations, les lois vexatoires et les persécutions violentes qu’elle a dû subir, depuis les conquêtes de l’Islam. A certaines époques, les Juifs ont bénéficié de la tolérance et de la protection des lois; il leur est même arrivé, dans les pays de la mouvance arabe, de s’élever à des fonctions très importantes. Mais ces périodes furent des exceptions. La proclamation de l’indépendance de l’Etat d’Israël, Etat juif indépendant au Proche- Orient, en 1948, fut d’une part, un prétexte nouveau pour l’intensification et la légitimation des règlements anti-juifs dans les pays arabes, d’autre part, une occasion pour ces pays de se débarrasser des Juifs en leur accordant la permission tacite d’émigrer. Plusieurs Etats arabes ont même dans certains cas encouragé indirectement cette émigration.

LA DEGRADATION DE LA SITUATION DES JUIFS

Au moment de la résolution des Nations Unies sur le partage de la Palestine, des émeutes contre de nombreuses communautés juives se sont produites dans tout le monde arabe. Les violences anti-juives se sont répandues : des synagogues, des maisons, des magasins juifs ont été brûlés et pillés; des centaines de Juifs ont été assassinés dans les rues; des milliers furent emprisonnés pendant des mois comme des criminels. La liberté de leurs déplacements fut contrôlée; l’émigration vers Israël interdite et de nombreux Juifs privés de leur citoyenneté. Les Juifs qui étaient dans le commerce furent spoliés de leurs biens, leurs comptes en banque gelés et leurs propriétés évaluées à des millions de dollars, graduellement confisquées. Comme au cours des siècles précédents, les Juifs furent écartés des administrations gouvernementales ou leur accès au fonctionnariat sévèrement limité. Ils étaient ainsi privés de leurs moyens de subsistance et devenaient des otages dans leur pays d’origine. Ils ne pouvaient plus, en conséquence, continuer à vivre dans ces pays. Les traces des communautés juives florissantes et prospères ont ainsi été totalement effacées à mesure que les Juifs étaient contraints d’émigrer en grand nombre. Le tableau ci-dessous résume éloquemment la disparition des communautés juives des pays arabes entre 1948 et 1976 .

POPULATION JUIVE DES PAYS ARABES EN 1948 ET 1976 (Estimation)

1948 1976
Maroc 265.000 17.000
Algérie 140.000 500
Tunisie 105.000 2.000
Libye 38.000 20
Egypte 75.000 100
Irak 135.000 400
Syrie 30.000 4.350
Liban 5.000 500
Yémen 55.000 1.000
Aden (Yémen du sud) 8.000 0
TOTAL 856.000 25.870

L’EXODE

L’Etat d’Israël a constitué un refuge naturel pour la majorité des Juifs originaires des pays arabes. Certains étaient partis seuls. D’autres ont été transportés en Israël au cours d’opérations massives de sauvetage organisées par les communautés locales et les autorités israéliennes. Les exemples les plus marquants ont été le transfert des Juifs d’Irak et du Yémen, qui ont été transportés en masse au moyen d’un pont aérien entre 1948 et 1951. Il en a été de même pour la communauté juive de Libye, qui a été transportée presque entièrement en Israël. 586.268 Juifs originaires des pays arabes se sont installés en Israël ; plus de 200.000 autres ont émigré vers la France, la Grande- Bretagne et les Amériques. Avec leur descendance, le nombre total des Juifs qui ont quitté leurs foyers dans les pays arabes et qui vivaient en 1977 en Israël était de 1.136.436 soit près de 41% de la population . Au moins 500.000 autres vivaient en France, au Canada, aux Etats-Unis et en Amérique latine. La majorité des réfugiés juifs venus des pays arabes sont arrivés en Israël dans les trois années qui ont suivi son accession à l’indépendance. Sur un total de 586.070 qui sont arrivés jusqu’en 1977, près de 400.000 sont entrés dans le pays entre 1948 et 1951. Les Juifs de ces pays qui immigrèrent en Israël en 1948 étaient inspirés par l’idéal du retour dans la patrie. Toutefois, ils étaient, pour la plupart, des réfugiés chassés de leurs foyers et forcés de quitter une tradition et une culture séculaires du fait de persécutions qui rendaient les conditions d’existence des Juifs dans les pays arabes extrêmement difficiles, voire intolérables. Le tableau ci-dessous montre le nombre de Juifs qui ont quitté les pays arabes pour se rendre en Israël en 1948 et 1972 .

IMMIGRATION EN ISRAEL DES JUIFS ORIGINAIRES DES ETATS ARABES DU 15 MAI 1948 AU 22 MAI 1972

Pays Nombre
Maroc*
Tunisie*
Algérie* 330.833
Libye 35.666
Egypte 29.325
Syrie*
Liban* 10.402
Yémen*
Yémen du sud (Aden)* 50.552
Irak 129.292
TOTAL 586.070

* Les statistiques par pays n’ont pas été enregistrées pour ces pays avant 1950; il est donc plus facile de donner le nombre global.

LES COMMUNAUTES JUIVES

Maroc

La communauté juive du Maroc existe depuis l’époque de la destruction du premier Temple (596 av. J.C.). Cette antique communauté, la plus grande d’Afrique du nord, comptait 265.000 âmes. 73% de cette population d’artisans, de changeurs, de commerçants, vivaient dans les villes et constituaient 9% de la population urbaine du Maroc. Casablanca comptait en 1947 une communauté juive importante de plus de 86.000 âmes. Marrakech, Fez, Meknès et Rabat, autres grandes villes du Maroc, comptaient chacune plus de 15.000 habitants juifs en 1947 .

L’émigration vers Israël commença à l’initiative de petits groupes arrivés à l’époque de l’accession d’Israël à l’indépendance. Toutefois, les grandes vagues d’immigrants qui amenèrent en Israël plus de 250.000 Juifs marocains furent le résultat de mesures anti- juives suscitées à l’occasion de la fondation de l’Etat d’Israël. Des émeutes éclatèrent le 4 juin 1948 dans le nord du Maroc; des dizaines de Juifs furent tués ou blessés et les Juifs émigrèrent en masse peu de temps après.

De 1955 à 1957, plus de 70.000 juifs marocains arrivèrent en Israël. En 1956, l’émigration vers Israël fut interdite et en 1959 les activités sionistes furent mises hors la loi. A la même époque, plus de 30.000 juifs partirent pour la France ou les Amériques. L’interdiction d’émigrer vers Israël fut levée en 1963 et 100.000 Juifs quittèrent le Maroc pour s’y installer.

Algérie

En 1948, on comptait 140.000 Juifs en Algérie. Avant 1962, 60 communautés possédaient chacune au moins une synagogue, un rabbin et ses propres écoles. De mai à juillet 1962, presque tous les Juifs d’Algérie ont quitté le pays à la suite des accords d’Evian, qui octroyaient à l’Algérie son indépendance. Moins de 500 Juifs sont restés sur place. Pendant la guerre d’Algérie des pressions furent exercées sur les Juifs pour qu’ils soutiennent la cause nationaliste. Un porte-parole du F.N.L. déclarait en 1960 : “Les Juifs supporteront les conséquences de leurs hésitations quand l’Algérie sera indépendante.” Les Juifs subissaient les pressions de la part des autorités françaises également. En conséquence, 14.000 d’entre eux émigrèrent en Israël, tandis que 125.000 partaient pour la France, ne laissant derrière eux que qu’une infime fraction de la deuxième en importance des communautés juives d’Afrique du nord.

Tunisie

Comme en Algérie, l’émergence du nationalisme tunisien suscita une législation anti-juive qui provoqua une émigration importante en 1961. La communauté juive de Tunisie comptait, en 1948, 105.000 personnes dont 65.000 à Tunis. En 1961, on n’en comptait plus que 70.000; et en 1968, 12.000 seulement. Les émeutes et les mesures anti-juives suscitées à l’époque de la guerre des Six jours (1967) avaient amené le départ de 7.000 Juifs pour la France.

La communauté juive de Tunisie était prospère et son statut assez prestigieux pour envoyer un député au Parlement. L’évolution de la politique gouvernementale a suscité l’inquiétude et l’insécurité, et a poussé les Juifs à émigrer en grands nombres. Plus de 50.000 se sont établis en Israël. Le conseil de la communauté juive avait été supprimé en 1958. En 1977, deux mille Juifs vivaient en Tunisie.

Libye

La communauté juive de Libye comptait 38.000 personnes en 1948; les mesures anti-juives ont amené sa liquidation totale. Les émeutes anti-juives de 1945 et 1948 suscitèrent des pogroms, des meurtres et la destruction des biens de la communauté. Avec l’accession de la Libye à l’indépendance et son admission dans la Ligue Arabe en 1951, la situation empira.

Les Juifs furent forcés d’émigrer en masse. La plupart, 35.612 immigrèrent en Israël, et 30.000 y étaient déjà arrivés en 1951. L’émigration illégale vers l’Italie, commença dès 1949; elle amena finalement 2.107 Juifs libyens en Israël. Des communautés entières furent déracinées : celle de Zliten (604 personnes) arriva en Israël en juillet 1949. D’autres communautés encore, comme celles de Tripoli et, notamment, celles des antiques cités de Garian-Trigina et Jefren (près de 15.000 personnes) arrivèrent en Israël en 1950 . Il ne restait en Libye en 1960 que quelques centaines de Juifs. L’hostilité croissante après la guerre des Six Jours les obligea à fuir en abandonnant tous leurs biens. En 1977, il restait une vingtaine de Juifs en Libye.

Egypte

Le nombre des Juifs établis en Egypte en 1948 était évalué à 75.000. En 1956, ils n’étaient plus que 40.000; dix ans après, ils étaient 2.500 et en 1977 il n’en restait qu’une centaine. L’exode des Juifs d’Egypte a été suscité par une suite ininterrompue de mesures anti- juives. Les débouchés économiques et l’emploi des Juifs fut restreint en 1947. Leurs biens furent confisqués en 1948 et ils furent arrêtés par milliers.

Les Juifs furent donc forcés de fuir en abandonnant tous leurs biens. 25.000 Juifs égyptiens étaient arrivés en Israël en 1957. 10.000 autres s’étaient enfuis à Alexandrie. Toutefois, les institutions juives de bienfaisance, les écoles et les synagogues avaient été fermées dans la plupart des cas .

Irak

La communauté juive d’Irak est l’une des plus anciennes et des plus grandes du monde arabe; elle comptait 135.000 personnes en 1948. Plus de 77.000 vivaient à Bagdad, c’est à dire un quart de la population de la capitale. C’était une communauté prospère et prestigieuse. Les Juifs occupaient, avant la seconde Guerre Mondiale, des positions importantes dans le commerce et l’administration .

En 1977, il restait 400 Juifs en Irak. La grande majorité de cette population a été intégrée en Israël après qu’elle eut quitté l’Irak à la suite des persécutions anti-juives qui se sont intensifiées à partir du vote de l’ONU sur la partition de la Palestine, en 1947, et qui se sont poursuivies même après la signature des accords d’armistice en 1949. Des centaines de Juifs furent tués ou emprisonnés au cours d’émeutes anti-juives. Les biens juifs furent confisqués et le sionisme déclaré délit majeur.

Les Juifs furent ainsi forcés de fuir en abandonnant leurs biens. De 1949 à 1952, 123.371 Juifs irakiens furent transférés en Israël par un pont aérien au cours de l'”Opération Esdras et Néhémie” . Peu de Juifs sont restés en Irak et ils sont en butte aux vexations et aux menaces continuelles des autorités.

Syrie

Il y avait en Syrie, en 1943, 30.000 Juifs, répartis essentiellement à Alep (17.000) et Damas (11.000). Des émeutes anti-juives éclatèrent dès 1945 et 1947 et furent suivies de la suppression des droits civils de la population juive. L’émigration avait été limitée dès 1945.

Les biens juifs furent pillés et détruits et les comptes en banque bloqués en 1949. 15.000 Juifs avaient quitté la Syrie dès 1948; 10.000 vers les Etats-Unis, 5.000 vers Israël. En 1977, il restait 4.350 Juifs en Syrie : 3.000 à Damas, 1.000 à Alep et 350 à Kamishli. Leurs déplacements étaient limités et les contacts avec le monde extérieur interdits. Ceux qui possédaient de la famille en Israël étaient souvent en butte aux vexations des autorités.

Liban

L’émigration des Juifs du Liban a suivi un cours assez différent de celui des Juifs des autres pays arabes, dirigé par des Arabes chrétiens, le Liban et ses structures politiques permettaient une tolérance relative à l’égard des Juifs.

Malgré cette situation relativement favorable, les Juifs se sentaient en danger et émigrèrent vers la France, l’Italie, la Grande-Bretagne ou l’Amérique; une partie s’est établie en Israël en 1967.

En 1974, il restait 1.800 Juifs au Liban, en majorité à Beyrouth. En décembre 1976, une source informée évaluait leur nombre à 500.

Yémen

L’Opération “Tapis volant”, le pont aérien qui amena 48.818 Juifs yéménites en Israël en 430 vols de 1949 à 1950, est un autre exemple de l’exode d’une communauté juive toute entière évacuée de son milieu d’origine dans le monde arabe. 55.000 Juifs vivaient en 1948 dans deux grandes villes et 150 agglomérations rurales. Quelques centaines seulement y sont restés.

L’émigration des Juifs du Yémen vers la Palestine a commencé en 1881, année où 2.000 d’entre eux y arrivèrent. Près de 15.000 les rejoignirent de 1919 à 1948, poussés par leurs convictions sionistes ou leur foi religieuse. Ceux qui vinrent en 1950 fuyaient la persécution et les difficultés croissantes de la condition qui leur était faite.

Aden

L’histoire moderne des persécutions subies par les Juifs à Aden est longue et douloureuse. Le 2 décembre 1947, les Arabes proclamaient une grève de solidarité contre la résolution de l’ONU sur le partage de la Palestine. Une centaine de Juifs furent assassinés, la grande synagogue incendiée, les biens juifs pillés et détruits. Ces émeutes se reproduisirent en 1958, 1965 et 1967.

Les 8.000 Juifs d’Aden furent forcés de fuir. En 1959, 3.000 d’entre eux se trouvaient en Israël. Beaucoup avaient fui vers les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Aucun n’est resté à Aden.

Conclusion

L’évolution du climat politique au Moyen-Orient après la seconde Guerre Mondiale, et la fondation de l’Etat d’Israël ont poussé les communautés juives qui vivaient dans cette région de si longue date, à chercher un refuge contre les persécutions et la sujétion auxquelles elles avaient été soumises de tout temps. Avant cette époque, peu de Juifs avaient quitté les pays arabes malgré l’insécurité et les explosions périodiques de violence de la populace. L’émigration même vers la Palestine, alors sous la domination ottomane, n’assurait pas la sécurité. Tout aussi important était le sentiment d’une affinité profonde avec la culture autochtone, partagé par la majorité des Juifs de ces pays, tout comme le sentiment d’un lien organique avec l’environnement, lien élaboré au cours des siècles et qui éloignait le désir de chercher refuge ailleurs. C’est l’intensification des persécutions, à la suite du nouveau climat suscité par la guerre, qui avait provoqué d’immenses déplacements de populations, et la création de l’Etat d’Israël, qui rendaient inévitable l’exode des Juifs des pays arabes.

Cependant, il convient de dénoncer le mythe selon lequel l’antisémitisme du monde arabe ne serait que l’expression d’une opposition au sionisme. Albert Memmi dénonce ce mythe dans l’introduction de son ouvrage Juifs et Arabes (Gallimard, Paris, 1974, p.8.) : “Les propagandistes arabes musulmans proclament que ces conflits sont la conséquence du sionisme… D’un point de vue historique, c’est un pur non-sens, le sionisme ne fut pas à la source de l’antisémitisme arabe. La vérité est tout à fait à l’opposé, comme ce fut le cas en Europe. Israël est la réponse à la répression que les Juifs ont rencontré dans le monde entier, y compris la répression que nous, les Juifs des pays arabes, eûmes à endurer.”

LES EPREUVES DE L’EXODE VERS ISRAËL

Ainsi, la très grande majorité des 856.000 Juifs qui vivaient dans les pays arabes en 1948 se sont réfugiés en Israël. Le reste s’est dispersé dans le monde entier. Dans leurs pays d’origine, beaucoup étaient prospères et considérés dans leurs communautés. Ils furent, en fait, expulsés de force et durent abandonner leurs biens personnels et ceux de leurs communautés. La majorité d’entre eux se sont retrouvés en Israël dénués de tout.

Quand les Juifs quittèrent les pays arabes, ces gouvernement s’empressèrent de promulguer les décrets appropriés qui leur permettaient de confisquer leurs biens. De sorte qu’à leur arrivée en Israël, ils étaient dépourvus de tout moyen de subsistance et ils dépendaient entièrement du nouvel Etat qui, lui-même, luttait à cette époque pour sa survie. Le jeune Etat, pauvre et dépourvu de ressources naturelles, en butte à de graves difficultés économiques, était également attaqué quotidiennement par des voisins hostiles.

Les immigrants arrivaient par centaines de milliers (et beaucoup étaient les rescapés épuisés des camps de la mort nazis et des camps des personnes déplacées). En 1949 seulement, 240.000 immigrants furent accueillis en Israël . De 1948 à 1951, un total de 687.739 immigrants sont entrés dans le pays, c’est-à-dire pratiquement l’équivalent de la population de l’Etat en 1948.

Contrairement aux Etats arabes qui avaient laissé aux soins de l’ONU les réfugiés qu’ils auraient dû prendre en charge, Israël et les Juifs du monde s’employèrent, tant bien que mal, à leur intégration. Toutefois, du fait des circonstances, le processus de cette intégration fut long et pénible. Les immigrants étaient dénués de tout et il fallait tout leur fournir. Arrivés en grandes masses, ils durent attendre que les logements pour les abriter et qui faisaient défaut puissent être construits.

La ma’abara, le camp de transit (chez les Arabes les mêmes camps étaient nommés “camps de réfugiés “) était la forme la plus fréquente de logement temporaire. Des milliers d’immigrants furent entassés dans des camps étroits composés de baraquements, et de tentes de toute sorte. Souvent les immigrants ne trouvaient à leur arrivée qu’un terrain vide.

Le manque de main-d’œuvre à cette époque retarda la construction de logements pour les énormes masses d’immigrants. Ceux-ci n’avaient pas d’autre choix que de construire leurs propres logements avec les moyens du bord. Des familles de dix personnes ou plus furent obligées de s’entasser à l’étroit. Les vivres manquaient aussi et les maladies étaient fréquentes en ces années de détresse .

La relation ci-dessous décrit un des aspects des épreuves endurées par les réfugiés juifs venus des Etats arabes, à leur arrivée en Israël.

La grande majorité des réfugiés originaires des Etats arabes étaient logés dans des tentes détrempées par les pluies et inondées durant le dur hiver 1949-1950. Les prévisions envisageaient un séjour de quelques semaines seulement dans les camps d’immigrants ; après quoi, les immigrants devaient être transférés à leur domicile définitif. En réalité, toutefois, du fait du très grand nombre des immigrants qui étaient arrivés en Israël, le rythme de ces transferts était insuffisants et la durée du séjour se prolongeait à trois, quatre, puis six ou huit mois…

Un des principaux camps d’accueil des immigrants était celui de Roch-Ha’ayin, où se trouvaient au moment du plus haut taux d’occupation, en 1950, quelque 15.000 immigrants étaient yéménites. Ils étaient tous logés dans des tentes, à quinze par trente. Les quelques bâtiments du camp abritaient l’hôpital et les dispensaires, la crèche, la cuisine, le réfectoire et l’école. Beaucoup de ces immigrants étaient arrivés dans un état de faiblesse extrême et la mortalité était élevée ; on comptait parfois jusqu’à 20 morts en un jour. De ce point de vue, la situation s’améliora rapidement ; la mortalité baissa et les gens reprirent des forces. Presque tous souffraient du trachome (98% exactement) au moment où ils sont arrivés au camp de Roch-Ha’ayin. Après quatre mois de séjour et de soins constants, qui étaient souvent administrés contre le gré des parents, cette proportion tomba à 20%. L’état de santé des enfants était également très insuffisant. Beaucoup d’adultes et d’enfants souffraient de maladies vénériennes.

En 1951, on comptait encore 256.000 immigrants dans les camps de transit ; c’est-à-dire, le cinquième de la population d’Israël qui comptait alors 1.400.000 habitants.

Conclusion

La présence ininterrompue des Juifs en Palestine couvre 33 siècles ; au Moyen-Orient, en Afrique du Nord et en Arabie, 25 siècles. Cette présence a suscité des liens moraux et matériels très profonds avec ces pays : 25 siècles de naissances, de mariages, de morts ; de communautés créées, développées puis quittées par décret de déportation ou par la ruine économique ; de foyers, synagogues, écoles, boutiques, construits et reconstruits après chaque pogrome ou catastrophe naturelle ; de routes de commerce parcourues ; de légendes, contes chansons, maximes sur les villes et les villages ; de fêtes et commémorations et solennités distinctes ; de coutumes diététiques, de vêtements, de folklore ; 25 siècles de communautés d