Les points ignorés dans l’accord sur le nucléaire

wikipedia_kupermanCette étude présente certains détails techniques ignorés dans l’accord nucléaire signé avec l’Iran le 14 juillet 2015.

Il s’agit d’un complément aux différentes analyses que nous avons publiées sur les aspects politiques, diplomatiques et juridiques de l’accord de Vienne.

Les déclarations de responsables européens et américains selon lesquelles toutes les voies pour enrichir l’uranium et accéder à la fabrication d’une bombe nucléaire ont été bloquées par cet accord n’ont aucun fondement. En réalité, l’Iran pourra utiliser quatre voies pour enrichir l’uranium à un niveau militaire.

L’accord de Vienne permettra à l’Iran en toute sécurité, en toute légalité, et sans difficultés, de surmonter les principaux obstacles vers la possession d’un arsenal d’armes atomiques et de devenir une puissance hégémonique régionale. L’accord offre légalement à l’Iran la possibilité de raccourcir le laps de temps nécessaire pour produire cet arsenal terrifiant, dans un espace de 10 à 15 ans. Durant cette période, l’Iran pourra produire ou acquérir des matières fissiles et améliorer ses capacités militaires pour protéger son programme nucléaire militaire contre toute attaque.

En réalité, cet accord offre à l’Iran tout ce dont il rêve depuis toujours, et ce, sans aucune concession de sa part. C’est bien entendu extrêmement dangereux pour l’avenir du Moyen-Orient, l’ordre mondial, les intérêts américains et la sécurité d’Israël.

Le principal problème est de savoir comment l’Iran pourra raccourcir le laps de temps nécessaire pour être très proche de la fabrication d’une bombe atomique sans prendre aucun risque. Comment aboutir au seuil du processus fissile légitime qui ne pourra pas justifier une opération militaire ou imposer de sanctions sévères ?

Pour produire des armes nucléaires il est nécessaire d’obtenir des matières fissiles, enrichir de l’uranium ou séparer le plutonium, et ainsi transformer cette matière en une bombe ou une ogive atomique. Elles pourront être lancées contre des cibles précises par des missiles balistiques ou des bombardiers.

Il est toujours possible d’enrichir de l’uranium d’un niveau de 3,67 % à des fins militaires. Contrairement à l’affirmation américaine selon laquelle le laps de temps possible donné à l’Iran (durant les 10 premières années) pour acquérir suffisamment de matière fissile afin de fabriquer une première bombe est d’environ un an ; le temps nécessaire est en réalité que six mois.

Dès le moment où l’Iran expulsera les inspecteurs de l’AIEA, il sera en mesure de réinstaller très rapidement les 13 000 centrifugeuses stockées, selon l’accord, dans l’installation souterraine de Natanz.

Certaines centrifugeuses pourront être installées également dans l’usine d’enrichissement militaire de Fordow qui n’a pas était démantelée.

Il convient de noter que plus d’un millier des centrifugeuses sont modernes du type IR-2M. Une fois l’accord rompu, l’Iran continuera à développer d’autres types de centrifugeuses, dont des IR-6 ou des IR-8 qui pourront être rapidement utilisées pour l’enrichissement de l’uranium. Notons aussi qu’il n’existe dans l’accord aucune restriction sur la quantité d’uranium UF6 non enrichi, que l’Iran possède en quantité abondante. Cette substance est la matière première dans le processus de l’enrichissement.

La construction d’installations clandestines en Iran et l’utilisation de matières premières non contrôlées par l’AIEA pourrait être acquise, si nécessaire, également à l’étranger ; au Venezuela par exemple. Avec une surveillance bien limitée, puisque elle sera effective seulement pour les sites déclarés, il n’est pas du tout certain que ces installations clandestines seront détectées.

Il convient de rappeler que les sites importants de Natanz et Fordow, comme d’ailleurs le réacteur syrien à Deir ez-Zor, ont été détectés seulement après plusieurs années et pas nécessairement par les Américains.

En réalité, cet accord offre à l’Iran tout ce dont il rêve depuis toujours, et ce, sans aucune concession de sa part.

Il n’existe pas de mécanisme efficace pour suivre les activités en matières fissiles de Téhéran à l’étranger, et donc l’Iran pourra sans aucune difficulté engager une coopération nucléaire secrète avec des sociétés étrangères. Plus grave encore, dans une décennie, l’Iran pourra augmenter le nombre de ses centrifugeuses sans aucune limite et produire un grand nombre de bombes dans un laps de temps relativement court.

Après l’expiration, selon l’accord, de l’enrichissement de l’uranium enrichi à 3,67 %, l’Iran sera en mesure de produire et d’accumuler de l’uranium à un niveau beaucoup plus élevé, légalement et sans limite. En d’autres termes, l’Iran sera en mesure de produire un arsenal nucléaire dans un laps de temps très court.

Soulignons que le site de Fordow a été construit uniquement à des fins militaires. Il est installé dans la roche montagneuse et peut contenir 3 000 centrifugeuses. Le fait que cette installation ne sera pas démantelée malgré les promesses du président Obama, prouve bien que l’accord a été honteusement signé.

Quant au réacteur nucléaire d’Arak, les États-Unis ont malgré tout cédé et accepté qu’il produise uniquement de l’eau lourde en quantité modérée.

Toutefois, personne ne pourra empêcher l’Iran de faire des changements dans la structure du réacteur, permettant ainsi d’accroître sa capacité et produire des quantités importantes de plutonium.

Plus inquiétant encore, dans une quinzaine d’années, l’Iran sera en mesure de construire de nouveaux réacteurs nucléaires à l’eau lourde. Ils pourront  produire du plutonium en quantités considérables, de sorte qu’après traitement, ils pourront être utilisés à des fins militaires.

 

Certaines questions débattues avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) demeurent secrètes mais apparemment très problématiques. Certains nous disent que l’Iran n’a pas fourni d’informations complémentaires car  l’administration américaine connaît parfaitement le dossier et l’ensemble des installations. Ceci est évidemment absurde : aucun service de renseignement au monde ne sait vraiment tout ce qui se trame dans l’ombre ; plus encore, les informations sensibles ne sont pas toujours de sources américaines. En outre, l’Iran s’est engagé à fournir (jusqu’à la fin du mois d’octobre 2015) des preuves tangibles sur ses activités passées, comme la collecte d’échantillons radioactifs dans le site de Parchin.

Le président de l’AIEA, Yukiya Amano, a même promis d’annuler des clauses de l’accord si l’Iran ne respectait pas ses engagements sur cette question. Cependant, il est difficile d’imaginer qu’il prendra une telle décision devant les fortes pressions des puissances mondiales, bien que ses intentions soient sans doute sincères.

Tout comme l’enrichissement, l’inspection de la militarisation des centrales nucléaires demeure compliquée et ne pourra être efficace dans le contexte actuel. Dans tous les cas, il est impératif de pouvoir procéder à des inspections immédiates sur les sites suspects. Mais voilà, l’Iran s’oppose à des visites d’inspecteurs sur les sites du ministère iranien de la Défense, de l’armée, des services de renseignement et de la Garde révolutionnaire. Il refuse également d’enquêter, d’interroger et de surveiller tous les scientifiques qui ont travaillé dans le passé sur la militarisation du projet nucléaire. Comment donc prouver que les Iraniens se sont livrés à des activités interdites dans ce domaine ? Comment croire que les Iraniens ne produiront pas et ne veulent pas produire des armes nucléaires ?

Si c’est vraiment le cas, pourquoi l’Iran a-t-il investi plus de 150 milliards de dollars sur ce projet ? Comment expliquer qu’il s’agit vraiment d’enrichissement d’uranium à des fins civiles ?

En utilisant de l’uranium enrichi, l’Iran veut aussi développer des ogives nucléaires pour ses missiles balistiques non seulement pour les Shiab3, qu’il possède en quantité, et peuvent couvrir l’ensemble du Moyen-Orient, mais également pour une nouvelle gamme de missiles capables de transporter une ogive nucléaire à une distance allant jusqu’à 10 000 km, vers la côte Est des États-Unis.

L’accord n’interdit pas le développement de tels missiles, mais ne permet pas une aide extérieure pour leur développement durant les huit prochaines années.

 

Il existe dans l’accord de Vienne d’autres lacunes techniques :

  • Les restrictions sur les achats d’armes seront levées après cinq ans. Cela signifie que l’Iran sera en mesure de signer des contrats d’armements, et d’utiliser ces armes au moment voulu. Soulignons que rien dans l’accord n’évoque un changement dans la politique iranienne en matière de soutien au terrorisme, de violations des droits de l’Homme, ou concernant les déclarations belliqueuses prônant la destruction d’Israël ou niant l’Holocauste.
  • Le mécanisme pour rétablir les sanctions est compliqué et difficile à appliquer, et, d’ici là, l’Iran aura déjà rempli ses coffres de plusieurs milliards de dollars. Les investissements étrangers reprendront de plus belle avec la reprise des échanges commerciaux.
  • Les Américains ont déjà fait clairement entendre que les violations dans le domaine des achats militaires ne provoqueront pas le renouvellement de sanctions internationales.
  • Le statut de l’Iran dans la région et dans le monde sera renforcé par cet accord. Les Iraniens, dont le but est de devenir une puissance hégémonique, proclament ouvertement leur intention de venir en aide à leurs alliés dans la région. Pendant ce temps, l’Occident ne cache pas son intention d’accorder à l’Iran un rôle de premier plan sur les dossiers brûlants tels que le combat contre Daesh. Cela prouve que les Etats-Unis ne sont pas capables de le faire sans leur aide ; une preuve de faiblesse américaine qui influencera à long terme ses propres intérêts. L’Iran pourra donc proclamer qu’il est au même niveau que les Etats-Unis, et la plus grande puissance du Moyen-Orient.
  • Israël, qui n’est pas associé à l’accord, devrait faire face à de nouveaux dangers et menaces par l’amélioration de ses services du Renseignement et ses capacités de défense contre une éventuelle attaque de l’Iran. Le président Obama déclare comprendre les inquiétudes israéliennes et son opposition à l’accord et promet de remédier par une aide substantielle. Cependant, l’accumulation d’armes au Moyen-Orient, en particulier d’armes non conventionnelles, porte atteinte à la supériorité qualitative d’Israël. Enfin, les pays signataires n’ont pas été préoccupés par les dangers qu’encoure l’Etat Juif. Pourtant les menaces sur Israël pèsent également sur l’ensemble des intérêts sécuritaires des Occidentaux.

Yossi  Kuperwasser


Pour citer cet article :

Yossi Kuperwasser, « Les points ignorés dans l’accord sur le nucléaire », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/les-points-ignores-dans-laccord-sur-le-nucleaire/


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