Les maladresses de la diplomatie israélienne
La diplomatie est l’art du bon sens appliqué aux grandes choses, aux événements en marche, au règlement des conflits en cours et aux contacts discrets et permanents. Ces dernières années, la diplomatie israélienne dénote souvent de la maladresse, elle est imprudente et manque d’habilité et de tact. Les déclarations publiques, celles qu’il ne fallait jamais dire, sont entendues par des ministres et députés. Dans une situation géopolitique délicate et complexe et surtout quand les réseaux sociaux dominent les débats publics, les réactions rapides, irréfléchies, joueront toujours en boomerang. Le fiasco de la « rencontre historique » avec la cheffe de la diplomatie libyenne est un exemple parmi d’autres.
Dans un système électoral calqué sur les primaires présidentielles aux Etats-Unis, où l’Etat-spectacle domine souvent les décisions et les gestes, chaque ministre est avant tout préoccupé par son image dans les médias et son influence au sein de son propre parti politique. De ce fait, les ministres sont des intarissables bavards et les fuites des informations confidentielles sont nombreuses.
Pour récompenser et satisfaire un député influent et garantir la stabilité d’une coalition, le chef du gouvernement est capable d’employer toutes les acrobaties possibles et toutes les combines pour augmenter le nombre des ministres, leurs suppléants et conseillers et en leur allouant des budgets, sur le compte du contribuable. Pour exemple, les affaires diplomatiques et géopolitiques sont traitées par trois ministères et un Conseil chargé de la Sécurité nationale. De ce fait, la politique étrangère israélienne est incohérente, maladroite, et définie dans un système politique qui fixe une large place au moment présent et n’incite pas à privilégier les conséquences et le long terme.
Henri Kissinger nous avait dit un jour : « Israël n’a pas de politique étrangère, les affaires intérieures prévalent toujours sur les affaires internationales ». Il a bien raison. Depuis la création de l’État d’Israël tous les gouvernements qui se sont succédés, qu’ils soient de droite ou de gauche, ont lié leur politique étrangère aux affaires intérieures du pays et à la gestion de leur coalition parlementaire. Même lorsqu’un Premier ministre israélien est en visite officielle à l’étranger, il focalisera son attention sur les sondages d’opinion parus dans la presse, ainsi que sur les méandres de la politique intérieure.
Depuis 1949, les affaires sécuritaires et militaires dominent les préoccupations des chefs de gouvernement. Les opinions et les analyses des généraux sont étudiées sérieusement tandis que les sages conseils des diplomates sont négligés. Depuis Moshé Sharett et Abba Eban, tous les ministres des Affaires étrangères, à l’exception de Shimon Pérès, n’ont pu s’imposer devant les généraux et les chefs des services secrets. Certains ministres ont été même écartés des initiatives de paix et des décisions cruciales.
Pour expliquer et défendre convenablement notre juste cause, il est nécessaire de nommer un ministre compétent, former un corps diplomatique expérimenté, professionnel et apolitique dans le cadre d’un seul ministère. Inconcevable aussi de partager le poste du chef de la diplomatie par une rotation bizarre et insolite.
Ce n’est pas la première fois que des rencontres secrètes sont tenues avec des représentants de pays arabo-musulmans dans lesquels Israël n’a pas de relations diplomatiques établies. Depuis la fameuse rencontre de Golda Meir avec le roi Abdellah 1er de Jordanie en 1949, nous avons enregistré de nombreuses rencontres discrètes dont certaines n’ont pas été dévoilées à ce jour. Suite à de nombreux contacts préliminaires du Mossad, elles ont permis d’instaurer un climat de confiance. C’est une règle d’or que nous avons appliqué depuis toujours.
La publication préméditée de la dernière rencontre avec la cheffe de la diplomatie libyenne a commis de graves dommages aux relations extérieures d’Israël. Désormais, les dirigeants arabes et notamment les Saoudiens seront réticents et très prudents avant de nouer des liens plus étroits avec leurs homologues israéliens.
Dans cette affaire, de nombreuses défaillances et erreurs ont été commises d’autant plus que la Libye est déchirée entre deux gouvernements rivaux, l’un à Tripoli et l’autre à Bengazi. Depuis la chute de Kadhafi en 2011, le pays est plongé dans le chaos de la guerre civile. Nous avons déjà commis une erreur semblable lors de la normalisation avec le Soudan…
Pour nouer des relations diplomatiques avec des régimes fragiles particulièrement en Afrique, des contacts sont nécessaires avec toutes les parties concernées. Les violentes émeutes à Tel-Aviv entre les partisans au gouvernement érythréen aux opposants posent de nombreuses questions locales et internationales notamment sur la politique israélienne à l’égard des pays plongés dans des guerres civiles meurtrières provocant l’afflux de réfugiés en détresse.
En conclusion, nous constatons tristement que sur plusieurs dossiers l’amateurisme est devenu le fléau de l’administration de notre pays.