Les lignes rouges d’Israël et des Occidentaux
La dernière frappe des Occidentaux était prévue mais elle n’a pas ébranlé le régime criminel de Bachar el-Assad, ni stoppé l’Iran de poursuive ses intentions hégémoniques dans la région, ni non plus dissuadé les Russes de quitter la Syrie.
Certes, ces raids ponctuels sont importants pour prouver que les Occidentaux ont des lignes rouges et qu’ils ne permettront à aucune armée d’utiliser des armes chimiques contre une population civile innocente. Cet avertissement et ces raids sont-ils vraiment dissuasifs ?
Nous le saurons dans les jours et semaines à venir. Rappelons que l’une des cibles atteintes, le centre chargé du programme militaire chimique (CERS), a été déjà frappée par l’aviation israélienne en 2013.
Dans l’attente, les actions entreprises par les Occidentaux contre les capacités chimiques militaires syriennes pourraient susciter des réactions à l’encontre de leurs ressortissants et de leurs intérêts, dont de nouveaux attentats terroristes à Paris et à Londres.
Contrairement à la doctrine de Tsahal de frapper l’ennemi le temps voulu et par surprise, les Occidentaux, eux, demeurent perplexes et hésitent avant chaque représailles, même quand il s’agit de massacre de population civile par des armes chimiques. Quand la décision est prise enfin, ils annoncent à l’avance quelles seront les cibles qui vont être visées et même avertissent certains acteurs de la région.
Depuis sa création, Israël adopte une stratégie différente et ne peut se permettre de suivre tous les consignes et les intérêts des Occidentaux. Hier comme aujourd’hui, nous constatons que leurs réactions demeurent lentes et timides, tandis que les consultations avant de réagir par la force sont complexes et bien longues et passent toujours par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Les états-majors des armées planifient et cherchent des cibles pour pouvoir frapper et dissuader, mais dans l’expectatif, l’ennemi poursuit ses crimes, prend ses précautions, dissimule ses secrets et son arsenal militaire, et se cache peureusement contre toute attaque.
Le peuple juif a connu dans sa longue et pénible Histoire cette valse-hésitation, cette indifférence mortelle de la communauté internationale face aux pogromes et au génocide. Depuis 70 ans nous sommes enfin maîtres de notre destin.
Assad flanqué de Poutine, du président iranien Rohani et du chef du Hezbollah (ABNA news)
Dans notre région, deux conceptions politico-militaires s’affrontent, l’une dirigée par la Russie de Poutine, de la Turquie et de l’Iran et ses satellites, qui justifie tous les moyens et notamment des bombardements massifs et non conventionnels contre une population « rebelle » et civile, dans le but de pouvoir récupérer les territoires perdus. L’autre, celle des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, qui pour des raisons morales et stratégiques ne peuvent sans impunité laisser le boucher de Damas massacrer lâchement sa propre population.
La question est de savoir pourquoi depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie en 2011 n’ont-ils pas réagi fortement ? Pourquoi depuis plus de 7 ans, aucun Etat occidental, y compris les Etats-Unis et la France, n’a pas renversé ce régime criminel ? Comment la superpuissance de la planète n’a-t-elle pas réussi à imposer sa doctrine et à chasser les Russes et les Iraniens de la région ? Pourquoi, aujourd’hui encore, le Président Macron ne souhaite-t-il pas frapper le régime alaouite de Bachar el-Assad et ne préfère frapper que sur Daesh et sur les capacités chimiques ? Comment aussi la Russie a-t-elle pu imposer systématiquement, et à six reprises, son veto au Conseil de Sécurité ? Et pourquoi les Occidentaux n’ont-ils pas réagi avant sans avoir besoin de l’aval de l’ONU ? Dans cette affaire précise, le droit international n’est nullement violé contrairement aux accusations russes.
Pour faire tomber le régime d’Assad, le prétexte que l’administration Obama n’a pas voulu envoyer des troupes sur le sol syrien n’est plus un argument valable car voilà plus d’un an que Donald Trump est installé à la Maison Blanche. Ne poursuit-il pas en sorte la même politique de son prédécesseur concernant ce régime ?
Ce n’est pas non plus par des messages laconiques et parfois arrogants sur Twitter que la politique étrangère américaine devrait être dirigée.
La Guerre froide est bien déclenchée et la détente entre les deux puissances n’est plus d’actualité. Les relations actuelles entre Washington et Moscou sont graves car les deux leaders demeurent imprévisibles et les acteurs dans la région sont nombreux. Chaque incident risque de déstabiliser toute la région et de plonger le Moyen-Orient dans une guerre d’usure interminable.
Soulignons que les chars turcs foncent toujours sans contrainte sur « les terroristes kurdes » et qu’aucune puissance ne réussit à stopper le fougueux Erdogan.
Les Iraniens, eux, renforcent leur présence en Syrie et au Liban. Sur le terrain, plus de 82 000 combattants libano-syriens sont sous les ordres de 3 000 Gardiens de la révolution islamique.
Israël et ses services du Renseignement suivent avec vigilance et à la loupe chaque mouvement de troupes et les intentions de chaque acteur sur le terrain. Toutefois, il est clair qu’Israël ne pourra jamais tolérer une présence militaire iranienne en Syrie et particulièrement aux portes du Golan. Il s’agit de lignes rouges claires et nettes que l’Iran ne pourra franchir.
Le dialogue n’a jamais cessé entre Benjamin Nétanyahou et Vladimir Poutine (GPO)
Certes, Israël ne souhaite pas une troisième guerre au Liban ni intervenir directement contre le régime d’Assad. Jusqu’à ce jour, chaque livraison d’armes acheminée au Hezbollah a été détruite préalablement par des frappes ponctuelles. Grâce à un mécanisme efficace de coordination entre les services et les armées, il n’y a pas eu, à ce jour, d’incident avec l’aviation russe. Toutefois, un seul accrochage pourrait tout faire basculer vers l’escalade.
Dernièrement, suite à la dernière attaque contre la base T4 de Palmyre, la Russie a été la première à condamner et à dénoncer Israël, mais Poutine qui n’a pas réagi aux centaines de raids effectués depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie n’a pas non plus cessé le dialogue avec Benjamin Nétanyahou.
A ce jour, Assad n’est pas capable de réagir tout seul et ne se contente que de menaces. Quant à l’Iran, sa stratégie est transparente avec le dernier lancement du drone, et donc il faudrait s’attendre tôt ou tard à des représailles, sans exclure des attentats contre des cibles israéliennes et juives à l’étranger.
Même après cette dernière frappe occidentale, la Russie demeure maîtresse du jeu en Syrie, elle détient tous les leviers diplomatiques et militaires jusqu’au jour où les Américains décideront enfin de redevenir les gendarmes du monde et de dicter avec fermeté l’ordre du jour international. Jusqu’alors, Poutine est le seul à pouvoir éviter une implantation permanente de l’Iran au nord de nos frontières. Poutine est conscient des lignes rouges à ne pas franchir et sait parfaitement que ses intérêts stratégiques sont aussi vulnérables.
Israël tient toujours responsable les gouvernements libanais et syrien pour toute attaque contre son propre territoire. Toute violation sera suivie par des raids massifs de Tsahal contre des infrastructures stratégiques civiles, et les populations en souffriront profondément.
C’est clair, l’Iran est directement responsable de l’instabilité au Moyen-Orient. Il est bien temps de mettre un terme à cette grave situation et chasser les dangereux Gardiens de la révolution des pays arabes installés en Syrie comme au Yémen.
Enfin, devant l’escalade au Nord et au Sud dans la bande de Gaza, et au moment où nous nous préparons à fêter notre 70ième anniversaire, nous réaffirmons une fois encore que nous pouvons compter que sur notre foi inébranlable et sur la puissance de Tsahal.
Freddy Eytan
Pour citer cet article :
Freddy Eytan, « Les lignes rouges d’Israël et des Occidentaux », Le CAPE de Jérusalem, publié le 14 avril 2018: http://jcpa-lecape.org/les-lignes-rouges-disrael-et-des-occidentaux/