Le vrai visage des Frères musulmans en Egypte
Les Frères musulmans sont depuis longtemps au centre d’une vive controverse politique aux Etats Unis et dans les pays occidentaux. La revue Foreign Affairs a publié dans son numéro de mars- avril 2007, un article de Robert S Leiken et Steven Brooke intitulé “Les Frères musulmans modérés” dans lequel ils donnent une vue plus nuancée du principal mouvement islamiste dans le monde arabe. Dans la même veine, une commission des Affaires étrangères de la Chambre des Communes en Grande-Bretagne a publié en été 2007 un rapport conciliant envers les Frères musulmans en affirmant: ” Tant que les Frères musulmans poursuivent leur engagement à la non-violence et au processus démocratique, nous recommandons que le gouvernement britannique poursuit sa démarche et s’engage à influencer les membres du mouvement islamiste dans cette voie. » Tandis qu’en Occident des voix éminentes appellent à un nouveau dialogue politique avec les Frères Musulmans, dans le monde arabe, au contraire, de sérieux observateurs avertissent sur les ambitions globales et la nature belliqueuse de cette confrérie.
Lors de la réunion de la commission de Défense et de Sécurité du Parlement égyptien qui s’est tenue en janvier 2007, un membre du parlement affilié aux Frères musulmans en Egypte, Mohamed Shaker Sanar, a affirmé sans ambages et publiquement que les Frères Musulmans s’opposent aux valeurs démocratiques occidentales. Il a affirmé que rien n’a changé dans le programme de l’organisation islamiste. « Notre mouvement a été fondé en 1928 pour rétablir le Califat détruit par Atatürk… Avec l’aide d’Allah, les Frères musulmans instaureront la loi de notre Dieu tout grand et tout puissant. »
Récemment, un tribunal fédéral aux Etats-Unis a révélé, au cours d’un procès au Texas contre l’association “Holy Land Foundation”, un document de 16 pages écrit en arabe qui divulgue le but des Frères Musulmans : « Notre mission en Amérique se situe dans le cadre du Grand Jihad. Notre but est l’élimination et la destruction des civilisations occidentales, de l’intérieur”.
Les Frères musulmans et al Qaida divergent quant à la tactique mais partagent une stratégie commune. Al Qaida favorise un implacable Jihad pour détruire les économies des pays occidentaux. Les Frères musulmans soutiennent le terrorisme et le Jihad contre la présence étrangère dans le monde islamique. Leur première priorité est de construire en Occident une infrastructure qui permettra, lentement mais sûrement, d’assurer leur domination durant le 21ème siècle. Aussi loin que le but final soit concerné, il n’existe pas de différences politiques entre Al Qaida et les Frères musulmans.
Les deux organisations ont le même objectif : soumettre le monde entier sous le califat islamique.
Le 23 avril 2007, l’hebdomadaire américain, Newsweek, s’est interrogé sur la présence d’un dirigeant des Frères musulmans dans une réception donnée par l’ambassadeur des Etats-Unis au Caire, Francis Ricciardone. Ce premier contact annonce-il un changement dans la politique de l’administration Bush envers le mouvement radical islamique mondial. Lors de cette même réception, le leader de la majorité du Congrès américain, Steny Hoyer, a eu lui aussi eu un bref échange de propos avec le représentant des Frères Musulmans. Il a pu entendre de la bouche de ce dernier sur “les changements de modération en cours” au sein du Hamas. Rappelons que le Hamas est une branche palestinienne des Frères Musulmans responsable des attentats suicides et reconnue comme une organisation terroriste.
C’est dans ce contexte qu’on peut lire le dernier article de Robert S. Leiken et Steven Brooke sur les Frères musulmans paru en mars dernier.
Le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), qui cherche à influencer le système politique américain a affiché dans le site Web du Foreign Affairs des nouveaux éléments sur la voie de la modération des Frères Musulmans. Ces arguments ont été repris par James Traub dans un article publié le 29 avril 2007 dans le magazine du New York Times. Il affirme que « Le mouvement des Frères musulmans en Egypte qui soutient publiquement le Hamas, pourrait être précisément l’organisation islamique modérée la plus apte que l’administration américaine recherche depuis longtemps. »
L’ouverture d’une relation entre Washington et les Frères Musulmans représenterait un revirement majeur dans la lutte des Etats-Unis contre le terrorisme. Dans le monde arabe, les Frères Musulmans ont été toujours considérés à l’origine de l’idéologie du Jihad et comme catalyseurs à la montée des organisations islamistes extrémistes. Le 25 juillet 2005, un ancien ministre koweitien de l’éducation, Dr. Ahmad Al-Rab’i, a affirmé dans le journal Al-Shark al-Awsat, que les fondateurs des nouveaux groupes terroristes au Moyen-Orient naissent “sous le manteau » des Frères Musulmans. Une récente note de Foreign Office britannique a révélé que « le gouvernement égyptien perçoit les Frères musulmans en Egypte comme le visage politique d’une organisation terroriste. »
Dans le monde arabe nous entendons un différent son de cloche. Ainsi, Tarik Hassan, chroniqueur au quotidien gouvernemental égyptien, al-Ahram, alerte le 23 juin 2007 ses lecteurs en écrivant que les Frères Musulmans préparent une violente prise du pouvoir en Egypte. Ils se serviront de « milices masqués » pour pouvoir répéter le même scénario du Hamas dans la bande de Gaza. Le 23 octobre 2007, le chroniqueur du Al Shark al Awsat saoudien, Hussein Shobokshi écrit « A ce jour, les Frères musulmans n’ont apporté que fanatisme, divisions, extrémisme, et dans certains cas effusions de sang et meurtres. »Ainsi, les deux régimes arabes et les faiseurs d’opinions dans le monde arabe sont sérieusement réservés sur ” la nouvelle modération” des Frères Musulmans.
L’attaque du 11 septembre a incité l’administration américaine à changer aussi bien sa politique intérieure qu’étrangère et à lancer une campagne globale contre l’islam radical qui prêche le Jihad mondial, et contre les pays qui développent l’armement de destruction massive et qui menacent les Etats-Unis.
L’idée de promouvoir la démocratie dans les régimes obscurs se trouve au cœur de la politique étrangère du Président Bush. Le président américain cherche à soutenir les gouvernements démocratiques ou ceux qui aspirent à la démocratie et exerce des pressions sur les régimes arabes pour qu’ils adoptent les principes de la démocratie et les droits de l’homme comme un moyen de combattre le fondamentalisme religieux. L’initiative du Président Bush a éveillé chez certains un souhait et un moyen efficace pour créer une alternative à Al-Qaïda et à la confrérie des Frères Musulmans mais d’autres pensent que les conditions au Moyen-Orient ne sont pas encore mures et qu’une telle initiative pourrait atteindre le résultat contraire et ouvrirait la voie à une main mise de l’islam radical sur les régimes actuels.
Le mouvement des Frères musulmans a été fondé en Egypte en 1928 par Hassan al-Banna comme une organisation cherchant à lutter contre la sécularisation de l’Etat naissant égyptien. Le mouvement a évolué comme une organisation qui s’est vue comme objectif de lutter contre la civilisation occidentale dans son ensemble, afin de faire avancer la “civilisation musulmane”. La confrérie s’est rapidement étendue dans une douzaine de pays du Moyen-Orient et au-delà de ses frontières.
Aujourd’hui, les Frères musulmans en Egypte participent aux activités politiques et défendent le processus démocratique pour la simple raison que ce processus peut être exploité sans difficultés majeures et pourrait servir de tremplin pour établir un régime islamique qui effacerait par la suite les valeurs démocratiques. Dans la plateforme électorale des dernières élections au parlement égyptien nous pouvons lire que: ” les Frères Musulmans prêchent le chemin d’Allah… et par conséquent ils accomplissent les commandes d’Allah par des moyens pacifiques, en utilisant les institutions constitutionnelles existantes et les urnes. »
La plateforme de la confrérie note encore que « le pouvoir en Egypte doit être républicain, parlementaire, constitutionnel et démocratique conformément à la Sharia islamique, » et que la « Sharia garantit la liberté pour tous ». L’organisation n’accepte pas le principe de séparation du culte de l’Etat. Elle affirme que la règle islamique à laquelle ils y aspirent est une réalisation démocratique.
Dans la même veine, le guide suprême des Frères musulmans en Egypte affirme dans une interview donnée le 17 septembre 2007, au quotidien égyptien Al-Karama, que “la Sharia est la solution”. Muhammad Mahdi Akef précise que” les droits de l’homme et la démocratie devaient être intégrés dans les règles de la Sharia”. Selon le guide suprême, seul l’islam qui a été donné aux hommes par Allah, est l’expression d’une véritable démocratie. « L’islam a précédé toutes les doctrines et les idéologies conçues par les hommes. Le message absolu du ciel contient toutes les valeurs que le monde laïc prétend avoir inventé. L’islam et ses valeurs sont antérieurs à l’occident. Il est fondé sur une véritable démocratie et liberté illustrées par la Choura (le Conseil consultatif sous les califes). Elle prévoit l’égalité dans la pratique et elle est transparente ; elle n’opprime jamais et ne prive quiconque de ses droits. C’est donc sur cette base et avec ces valeurs que les Frères Musulmans appellent à la justice, l’égalité et la liberté.”
Le 30 avril 2005, le Guide déclare au quotidien égyptien Al Ahram que “les Frères Musulmans s’opposent à la démocratie américaine car elle est corrompue et sert les intérêts du président des Etats-Unis.
“Nous manifestons contre toutes les interventions étrangères et contre toute démocratie qui sert les américains. La démocratie américaine est corrompue parce qu’elle veut détruire la nation islamique, sa foi et sa tradition. La démocratie occidentale est « irréaliste et fausse ».
L’idéologie de la confrérie musulmane est présentée sur son site officiel avec le slogan: « le prophète Mahomet est notre chef et notre dirigeant, et le Jihad est notre voie. » Le Jihad représente une stratégie globale au-delà de la légitime défense et pour but d’élargir les frontières de l’Etat islamique pour rassembler les êtres humains sous la bannière islamique. “Nous devons rétablir le califat à travers les trois continents pour conquérir l’Ouest, et pour finalement instituer un Etat islamique unifié. Nous aboutirons à notre but lorsque l’étendard de l’Islam flottera et le Jihad sera proclamé.
Nous constatons que les Frères Musulmans ne cachent pas leurs aspirations mondiales et la voie de la violence qu’ils entendent suivre pour les atteindre. Ils le feront par étapes, depuis l’individu et la famille en passant par le peuple et la nation pour enfin aboutir à l’union des nations et à la constitution d’un seul et unique Etat islamique.
Dans ce contexte, les dirigeants des Frères Musulmans insistent sur le combat contre Israel et glorifient la résistance des mouvements terroristes dont le Hamas et le Jihad islamique.
« Le véritable objectif » est l’expulsion des sionistes de la terre de Palestine. L’Etat d’Israël est un « un corps étranger qui, en vertu de sa nature ne peut pas demeurer sur la terre sainte arabe et islamique et nous devons tout faire pour s’en débarrasser….Pas question de reconnaître un jour une entité sioniste. Nous devons établir sur les ruines de l’Etat d’Israel un état arabe gouverné par la loi islamique”.
En conclusion, nous constatons que rien n’a changé au sein de cette confrérie qui a été fondée en 1928. Toutes les tentatives de nuancer les objectifs des Frères Musulmans et de les présenter sous une voie nouvelle et modérée sont vouées à l’échec. Il faut lire leurs déclarations dans la presse arabe pour comprendre et mieux connaître leurs réelles intentions. Ici, le masque est tombé.
Jonathan Dahoah-Halevi est colonel de réserve de Tsahal et spécialiste des mouvements islamistes au JCPA. Pour lire l’intégralité du texte en anglais avec ses notes, prière de cliquer sur Jerusalem viewpoints.