Les Frères musulmans dans le collimateur égyptien
La chaine Al-Arabiya TV a rapporté ces jours-ci que l’enquête de Mahmoud Ezzat, 76 ans, président par intérim des Frères musulmans, a révélé des informations importantes et dangereuses sur l’investissement des fonds de la confrérie dans le financement des activités terroristes en Egypte. Ezzat contrôlait des fonds estimés à plus de 19 milliards de dollars.
Au mois d’août 2020, et après 7 ans de cavale et chasse à l’homme, Ezzat avait été arrêté avec d’autres complices. Il est considéré comme l’un des principaux acteurs du terrorisme égyptien. Ezzat est notamment responsable de l’assassinat en 2015 du procureur égyptien Hicham Barakat, du chef de la sécurité égyptienne le général Adel Rajaei et de l’officier de police Wael Tahon en 2016, ainsi que d’un attentat d’une voiture piégée en 2019 qui avait tué une vingtaine de personnes.
Ezzat avait déjà été emprisonné deux fois pour espionnage et participation à une évasion de prison avec de nombreux détenus, au moment du soulèvement populaire contre le président Moubarak en 2011.
Selon un communiqué du ministère égyptien de l’Intérieur, Ezzat a été arrêté dans un appartement résidentiel situé à l’Est de la capitale. Lors de la perquisition, les forces de sécurité ont découvert plusieurs ordinateurs, des téléphones portables avec des programmes cryptés pour assurer la communication et la gestion des dirigeants et des membres de la confrérie dans le pays et à l’étranger.
Recherché depuis 2013, Ezzat assumait la présidence par intérim de la confrérie musulmane depuis l’arrestation du dirigeant des Frères musulmans, Mohamed Badie. Il fut arrêté lors du coup d’État militaire mené par le ministre de la Défense de l’époque, et le président actuel de l’Egypte, Abdel Fatah al-Sissi. Ce dernier avait également démis de ses fonctions son prédécesseur Mohamed Morsi. Depuis juillet 2013, Sissi mène une campagne de répression sans merci contre les dirigeants et les partisans de la confrérie islamique.
Fondée en 1928, la confrérie s’est établie dès le milieu du XXe siècle comme le principal mouvement d’opposition en Egypte, ainsi que dans d’autres pays de la région. Membre de la confrérie depuis les années 1960 et du bureau exécutif depuis 1981, Ezzat a purgé des peines de prison sous les présidents Nasser, Sadat et Moubarak. Il est décrit comme “homme de fer” au sein de la confrérie. Ezzat a été condamné par contumace à deux condamnations à mort et à trois peines à perpétuité.
Considérée comme une organisation terroriste depuis l’été 2013, la confrérie est aujourd’hui quasiment anéantie.
Plus de 900 de ses partisans ont été tués en une seule journée, en août 2013, lors de manifestations dans la capitale. Des milliers de partisans des Frères musulmans ont été emprisonnés, des dizaines exécutés, et d’autres ont fui vers des pays plus accueillant, tel le Qatar ou la Turquie. Rappelons que l’ancien président Mohamed Morsi est décédé en plein procès en juin 2019.
Les responsables égyptiens de la sécurité ont réussi à ouvrir les mécanismes de financement des activités terroristes des Frères musulmans et du Hamas en Égypte.
Cependant, d’autres pays islamiques tels que la Turquie, le Pakistan, la Malaisie et l’Indonésie autorisent les Frères musulmans et le Hamas à investir des fonds dans leurs pays pour financer leurs activités terroristes.
Mahmoud Ezzat était le principal bailleur de fonds des Frères musulmans, coordonnant les contacts avec les Frères musulmans du monde entier et les dirigeants du mouvement, qui ont fui au Qatar et en Turquie et ont obtenu l’asile.
La mise en accusation d’Ezzat indique que les Frères musulmans égyptiens fonctionnaient comme une « mafia internationale multi-armée » infiltrée en Égypte et dans certains pays arabes.
Parmi les hommes d’affaires égyptiens arrêtés figurent :
- Safwan Thabet, propriétaire de l’une des plus grandes entreprises laitières. Arrêté le 2 décembre 2020, il est accusé de financement d’une organisation terroriste.
- Sayed Sowerky, propriétaire d’une importante chaîne de magasins d’articles ménagers et de vêtements.
- Khaled al-Azhari, ancien ministre du Travail sous la présidence des Morsi (Frères musulmans).
- Hatem Abdul Latif, ancien ministre des Transports sous Morsi.
- Samir Abdel-Halim Afifi, propriétaire de la Nile Cotton Company.
L’enquête a révélé que trois autres sociétés égyptiennes avaient investi des fonds au sein de la confrérie des Frères musulmans. Ces entreprises de cosmétiques, de gestion de centres sportifs et de services de déménagement et d’enlèvement de déchets ont financé des actions terroristes.
L’enquête égyptienne a également révélé une activité financière liée à l’organisation Hamas. L’enquête a annoncé que les Frères musulmans investissaient de l’argent du Hamas dans plusieurs sociétés en Égypte et à l’étranger, en échange de 30% des bénéfices.
Les dirigeants du Hamas avaient collecté des fonds dans plusieurs pays arabes, dont la Syrie et l’Algérie, en plus de l’aide financière qu’ils reçoivent de l’Iran. La confrérie aurait pris 60% de ces dons et les 40% restants furent répartis entre les dirigeants du mouvement islamiste installé à Gaza. 30% des bénéfices sont transférés automatiquement au Hamas.
Depuis sa création, les Frères musulmans d’Égypte s’efforcent d’établir des méthodes juridiques pour investir de l’argent et protéger les biens contre la confiscation par le gouvernement égyptien. Alors que les détails de l’enquête sont révélés, le gouvernement égyptien a déjà agi pour geler les fonds et les biens conformément à la loi égyptienne, qui exige la saisie de fonds et de biens appartenant à des organisations terroristes.
Enfin, malgré ce grand coup porté à la confrérie égyptienne, soulignons qu’il existe encore des pays arabo-musulmans qui permettent aux Frères musulmans et au Hamas de gérer les activités financières et monétaires sur leur territoire, comme la Turquie, le Pakistan, l’Indonésie et la Malaisie.