Les Etats-Unis et Israël face à la Cour pénale internationale
La Cour pénale internationale est de nouveau au centre des débats de la politique étrangère américaine.
Cette fois-ci le débat influence non seulement les intérêts américains, mais aussi ceux de ses principaux alliés, notamment Israël.
La Cour pénale internationale (CPI) est la première cour permanente fondée le 17 juillet 1998 par traité international, adopté par le Statut de Rome, qui demeure son fondement juridique. Son but est de contribuer à mettre fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale : crimes de guerre, crimes contre la paix et crimes contre l’humanité.
Cette organisation internationale indépendante n’appartient pas directement au système des Nations unies. Elle siège à La Haye, aux Pays Bas.
En mars 2019, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a averti que Washington imposerait des restrictions à tout membre du personnel de la CPI qui enquêtait sur des citoyens américains ou alliés. Au début du mois d’avril, le département d’État américain a déjà annulé le visa d’entrée aux Etats-Unis délivré à Fatou Bensouda, procureur en chef de la CPI. Il avait auparavant annoncé son intention de mener une enquête sur des soldats américains en Afghanistan.
Depuis que la CPI a été créée en 1998, les États-Unis demeuraient perplexes sur les objectifs de ce tribunal international. Les puissances occidentales avaient œuvré pour sa création suite à l’incapacité de l’ONU à prévenir le massacre de 8 000 musulmans de Bosnie à Srebrenica, (pendant la guerre des Balkans), et le massacre de 800 000 membres de la tribu Tutsie au Rwanda par la majorité Hutu de ce pays. Le tribunal a été fondé suite aux multiples et alarmants appels pour mettre fin à l’impunité de personnes qui se sont livrées à des massacres de masse de civils ou au nettoyage ethnique, ainsi qu’à d’autres actes odieux.
Certes, le président Bill Clinton a signé le Statut de Rome en 2000. Mais il ne l’a pas envoyé au Sénat américain pour ratification. Celle-ci était bien entendu nécessaire pour que le traité devienne un engagement contraignant des États-Unis.
En 2002, l’administration Bush a fait part au Secrétaire général de l’ONU que les États-Unis n’avaient nulle intention de ratifier le Statut de Rome. L’architecte de cette politique américaine à l’égard du CPI était à l’époque comme aujourd’hui, John Bolton, actuel conseiller à la Sécurité nationale auprès du Président Trump.
La CPI est fondée sur le principe de complémentarité, à savoir qu’elle n’est pas compétente dans le cas où un crime présumé a été commis dans un État qui n’a pas de système judiciaire efficace pour engager des poursuites, et un manque de capacité ou de volonté politique.
Néanmoins, les Américains craignaient, à juste titre, que la CPI ne soit utilisée de manière abusive pour pouvoir délivrer des mandats d’arrêt à des militaires américains, même si l’armée américaine dispose de son propre système d’enquête sur de présumés soupçons et allégations.
Le logo de la Cour pénale internationale
Les préoccupations d’Israël sont similaires à celles des États-Unis. Dans le passé, les Israéliens ont été confrontés à des institutions multilatérales de ce genre qui avaient formulé des allégations sans fondement contre des soldats de Tsahal, qui auraient, selon elles, commis des crimes de guerre.
Rappelons par exemple que le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies a publié le rapport Goldstone en 2009, affirmant que des soldats israéliens avaient délibérément tué des civils palestiniens à Gaza. Par la suite, le juge Goldstone a renoncé à cette conclusion centrale contenue dans son propre rapport. Mais la riche expérience israélienne a servi d’avertissement sur la manière dont les enquêtes internationales peuvent être biaisées par les préjugés de leurs auteurs.
Les États-Unis ont pris conscience des dangers concernant la politique du CPI à l’égard d’Israël. La loi américaine interdit tout soutien économique à l’Autorité palestinienne si elle déclenche un processus plaçant les Israéliens sous enquête au sein de la CPI. Une telle initiative a donné également lieu à la fermeture des bureaux de l’OLP à Washington, en septembre 2018.
Les États-Unis et Israël sont préoccupés par la politisation de la CPI. Au moment du vote sur le Statut de Rome, le chef de la délégation israélienne, le juge Eli Nathan, a expliqué comment la politisation du document fondateur de la CPI avait amené Israël, l’un de ses partisans, à voter contre. Le juge Nathan, survivant de la Shoah, avait évoqué les initiatives de célèbres juristes juifs qui, après l’Holocauste, avaient appelé à traduire les criminels de guerre en justice.
Cependant, le Statut de Rome est allé au-delà des crimes les plus odieux tels que le génocide, l’agression, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Il avait donné compétence à la CPI pour traiter également de questions politiques telles que les colonies de peuplement. Un grand nombre de pays du Tiers monde avait applaudi ce changement, mais celui-ci était incompatible avec les intentions des rédacteurs du texte originel.
En 1998, lors des discussions sur le texte du Statut de Rome, la question soulevée était celle des règlements, mais le débat entamé entre États sur la CPI a dévoilé que toute question politique pouvait être convertie en arme juridique par le biais du mécanisme de la CPI.
Les États-Unis, conscients comme Israël de ce problème, ne peuvent plus soutenir ce qui était au départ une noble cause mais qui, par la suite, s’est transformée en une idée sérieusement déformée.
Dore Gold
Regarder l’analyse de Dore Gold en vidéo :
Pour citer cet article :
Dore Gold, « Les Etats-Unis et Israël face à la Cour pénale internationale », Le CAPE de Jérusalem, publié le 21 avril 2019 : http://jcpa-lecape.org/les-etats-unis-et-israel-face-a-la-cour-penale-internationale/
Illustration de couverture : Le siège de la Cour pénale internationale à La Haye.
NB : Sauf mention spéciale, toutes les illustrations sont libres de droits.