Les enjeux de la diplomatie publique israélienne

Alan Baker

Ces dernières années, l’implication d’Israël dans des opérations militaires, contre le Hezbollah ou contre le Hamas, notamment lors de la dernière opération « Gardien des murs » de mai 2021, se caractérise pour la diplomatie publique israélienne par un grand dilemme. En terme hébraique courant, la question est de savoir comment faire de la bonne « hasbara » ? Quels sont les moyens pour mieux expliquer la juste cause de l’Etat Juif ? Comment la défendre devant la propagande palestinienne, et face à certains médias manipulés par nos détracteurs et ennemis.  

Au fil des ans, nous constatons que la diplomatie publique israélienne a bien du mal à convaincre les médias internationaux et les chancelleries occidentales.

Il est clair que de nombreux médias étrangers et éléments politiques ont généralement un point de vue globalement négatif, critique et même hostile à l’égard des activités d’Israël. Ils préfèrent adhérer à la propagande qui décrit les Gazaouis comme des victimes et opprimés, ceux  qui combattent « légitimement » contre l’ « occupation», représentée par  la puissance militaire de Tsahal.

L’utilisation généralisée d’images à sensation véhiculées par la propagande palestinienne montrant des destructions et des victimes, y compris des enfants, renforce donc le point de vue négatif, les critiques souvent hostiles dans les médias internationaux.

Au début de toute opération militaire, Israël est généralement considéré sur la défensive face au besoin de protéger ses civils contre les attaques massives de missiles et de roquettes, ainsi que contre les actes de terreur le long de ses frontières. Cela est illustré par les tentatives de s’infiltrer dans son territoire souverain à travers des tunnels offensifs utilisés pour attaquer des citoyens israéliens dans les villes et villages frontaliers.

Hamas

(Capture d’écran/Safa News)

Au départ, Israël obtient en général une certaine sympathie internationale  pour son droit fondamental en vertu du droit international à l’autodéfense face à l’agression et au terrorisme. Cela est vrai tant qu’Israël et ses citoyens sont perçus par le monde comme des victimes de la terreur et de l’agression,

Dans cette situation temporaire, la tâche de la diplomatie publique, notre hasbara, apparaît comme simple, évidente, voire superflue. La plupart des responsables étrangers sont unanimes quant à la légitimité de la réponse d’Israël visant à protéger la vie de ses citoyens et l’intégrité territoriale de l’État.

Cependant, la vague internationale de sympathie et de reconnaissance du droit d’Israël à l’autodéfense face à l’agression et au terrorisme est bien éphémère.

Manhattan

(Capture d’écran/Twitter/Times of Israel)

Dès que la machine de propagande du Hamas fournit aux sources médiatiques occidentales, assoiffées d’images de destruction, y compris des images d’enfants blessés et de cadavres, toute sympathie et compréhension pour Israël disparaissent et sont rapidement oubliées. La sympathie subit une sorte de « métamorphose » et elle est remplacée par le dédain, la critique et la condamnation.

Avec la diffusion d’images, de nombreuses accusations régulièrement répétées sont rapidement portées contre Israël par des dirigeants de la planète, des médias et des ONG de défense des droits de l’Homme, notamment sur :

« Le recours à une force excessive et disproportionnée »

« Une punition collective »

« Agressions délibérées et aveugles contre des résidences privées et des bâtiments publics »

« Des dommages injustifiés aux infrastructures civiles »

« Victimes civiles »

La création d’une fausse équivalence est un phénomène régulièrement répété et utilisé uniquement à l’égard d’Israël. A tous prix on cherchera un équilibre égal entre le Hamas et Israël. Une telle équivalence cynique  ignore, la distinction logique et nécessaire entre les actions d’une organisation terroriste autoritaire cherchant arbitrairement et délibérément à cibler des civils israéliens, et même à nuire à ses propres citoyens, face à un État démocratique souverain qui exerce ses droits reconnus à la légitime défense par le Droit international.

Ces phénomènes de fausse équivalence et d’équilibre, ainsi que l’envie irrésistible de faire preuve d’impartialité, ignorent délibérément les mesures qu’Israël prend pour respecter et défendre les normes humanitaires visant à réduire le nombre des victimes. De tels efforts incluent des avertissements et des appels à l’évacuation des civils avant de répondre aux attaques à la roquette par des actions contre des cibles militaires légitimes.

Il semblerait que la plupart des éléments politiques et médiatiques, que ce soit par la sensation des faits ou par parti pris politique ou autre, préfèrent s’abstenir de présenter une représentation vraie, précise et honnête de la situation. Ils omettent de reconnaître le fait qu’Israël respecte sa prérogative militaire de se défendre et ses obligations humanitaires, et en même temps, se donne beaucoup de mal pour respecter les normes humanitaires internationales pour protéger des civils.

Dans ce contexte, l’accusation peut-être la plus ridicule contre Israël au niveau international, y compris par les dirigeants politiques, est celle

d’« équilibrer les pertes ». Cette comparaison suggère que la réalisation d’un « décompte des corps » – en comparant le nombre généralement faible de victimes israéliennes (en raison des systèmes de défense antimissile israéliens et des garanties de défense civile) avec le nombre relativement élevé de victimes palestiniennes (en raison de la pratique palestinienne de mettre en danger les civils en les utilisant comme boucliers humains) est légitime.

Le message cynique impliqué par ceux qui font référence à plusieurs reprises à cette équation absurde est qu’il serait préférable, ne serait-ce que par souci d’équilibre, que le nombre de victimes israéliennes soit plus élevé ?!

Le dilemme de la diplomatie publique d’Israël réside dans les circonstances uniques et sans précédent qui existent dans la région :

  • Utilisation palestinienne de tirs de roquettes massifs et aveugles visant la population civile israélienne afin de causer un maximum de pertes humaines et de destruction de biens.
  • La capacité d’Israël à protéger sa population contre les missiles avec le système de défense Dôme de fer, capable de réduire considérablement le risque de dommages aux civils et aux biens.
  • Utilisation palestinienne des résidences privées de leurs dirigeants et commandants supérieurs.
  • Abus palestinien de sa population civile, hôpitaux, écoles, mosquées, maisons privées et bâtiments publics comme boucliers humains, en violation flagrante du droit international humanitaire, les exposant au risque de subir des représailles israéliennes ciblant des cibles militaires légitimes délibérément situées parmi les populations, y compris les positions de tir et les bunkers pour stocker des armes et missiles, comme quartier général et centres tactiques de coordination, les faisant ainsi des objectifs militaires légitimes.

Le phénomène de creuser des dizaines de kilomètres de tunnels tactiques et offensifs sous les routes, les places publiques, les structures civiles, les écoles, les hôpitaux, les mosquées et sous les villes de Gaza (connues sous le nom « métro de Gaza »), même lorsque la vie civile se déroule à la surface. De tels tunnels tactiques deviennent ainsi des cibles militaires légitimes.

La pratique militaire d’Israël est de minimiser les dommages collatéraux aux civils non impliqués dans le conflit, comme l’exige un État respectueux des lois s’engageant à appliquer les normes du droit international humanitaire.

Ces caractéristiques uniques ne sont pas rapportées par les médias internationaux. Il semble qu’il a un besoin naturel de préjuger Israël négativement et de favoriser les « opprimés ».

Malheureusement, il existe des raisons de supposer que l’attitude constamment partiale et hostile des médias internationaux envers Israël,   est-elle également émaner d’un antagonisme de longue date? Bien enraciné chez certains journalistes au sein des comités de rédaction ?

Le problème unique de la diplomatie publique d’Israël, lorsqu’il s’accompagne du manque inhérent d’équité et d’intégrité dans la couverture médiatique mondiale, a bien entendu, de sérieuses implications pour les diplomates israéliens à travers le monde, ainsi pour les communautés juives d’Europe et d’Amérique du Nord, qui devront répondre aux accusations portées contre Israël par les médias et par les principaux acteurs politiques.

À la lumière de ces caractéristiques singulières du défi de la diplomatie publique israélienne, la question se pose de savoir s’il est possible de les exploiter avec plus de succès pour créer une meilleure compréhension des défis sécuritaires et moraux auxquels Israël est confronté ?

Étant donné la tendance internationale automatique et constante à ignorer ces attributs particuliers, et à la lumière de la facilité et de la volonté de la communauté internationale de blâmer et de condamner Israël, de déclarer à l’avance la culpabilité d’Israël et de créer une équivalence déformée et fausse, il sera difficile de changer cette réalité.

Cependant, il est possible de renforcer le contenu et la crédibilité de la diplomatie publique israélienne. Les éléments politiques et médiatiques étrangers pourraient être convaincus par la logique et la légitimité de l’activité militaire d’Israël en insistant sur plusieurs points :

Plutôt que d’interviewer les médias par des dirigeants, des politiciens, des militaires, des diplomates et des juristes israéliens, il serait préférable de s’appuyer sur d’éminents experts militaires et juridiques étrangers, y compris des officiers ayant une expérience dans diverses zones de combat à travers le monde. Ils peuvent de manière crédible expliquer les opérations militaires et les prérogatives légales d’Israël, sans être perçus comme des propagandistes politiques israéliens.

Les officiers supérieurs de l’armée israélienne, les commandants et autres membres du personnel engagés dans les opérations militaires en cours ne devraient pas être autorisés à comparaître devant les médias israéliens et internationaux. Une telle divulgation met non seulement en péril leur sécurité personnelle et familiale, mais les expose également aux dangers d’éventuelles accusations et commissions d’enquête internationales, ainsi qu’à d’éventuelles poursuites judiciaires devant les tribunaux internationaux.

Tout rapport sur l’activité de combat et les performances des forces de Tsahal doit être effectué uniquement par l’unité désignée du porte-parole de Tsahal, sans qu’il soit nécessaire de révéler l’identité des commandants opérationnels et des commandants supérieurs de division impliqués dans l’opération. Les hommes et les femmes du bureau du porte-parole doivent être choisis en fonction de leur intelligence, de leur sincérité et de leurs capacités linguistiques. Dans la mesure du possible en termes de sécurité personnelle et familiale, les apparitions dans les médias et les missions diplomatiques internationales de hauts citoyens israéliens arabes et druzes, y compris des universitaires, des professionnels des médias, des religieux et des dirigeants municipaux, devraient être encouragées. De telles personnalités sont clairement d’une grande valeur diplomatique et médiatique et d’une grande crédibilité vis-à-vis de l’opinion publique internationale.

L’établissement récent de relations normales et amicales avec les dirigeants des pays arabes du Golfe et du Maroc à la suite des « Accords d’Abraham », permet des contacts professionnels avec des institutions universitaires, militaires et des instituts de recherche.

À la lumière des intérêts communs entre ces États et Israël dans le combat contre les islamistes, des personnalités de premier plan dans ces pays pourraient être encouragées à offrir un soutien public et médiatique aux efforts d’Israël pour se défendre contre le terrorisme. Un tel soutien serait d’une grande crédibilité internationale et d’une valeur médiatique.

Cependant, il est important aussi d’éviter des retards dans la réponse aux plaintes des médias, comme celle de la destruction des bureaux de l’Associated Press à Gaza qui partageait ses locaux avec des unités de guerre électronique du Hamas. Pour le faire, les représentants diplomatiques d’Israël à l’étranger et les dirigeants des communautés juives en Europe et en Amérique du Nord doivent être équipés, en temps réel, de réponses concrètes et professionnelles aux allégations des médias et à la propagande hostile dirigée contre Israël.

La publicité généralisée donnée par la propagande du Hamas montrant des enfants palestiniens dans des manifestations et des défilés militaires, portant souvent des uniformes militaires et tenant des armes, est, selon toute norme morale, une exploitation choquante, immorale et illégale des enfants. Il s’agit d’une violation flagrante des conventions internationales interdisant l’exploitation des enfants aux opérations militaires.

Hamas

Compte tenu de la sensibilité internationale – en particulier en Europe et en Amérique du Nord – au phénomène de la maltraitance des enfants, et surtout à la lumière de l’utilisation constante par le Hamas d’images d’enfants blessés, toute exploitation de ce type à des fins miliaires et de propagande devra figurer largement comme un élément central de la diplomatie publique israélienne.

De même, l’opinion publique occidentale est particulièrement sensibles aux dommages écologiques et biologiques causés par le Hamas à travers l’utilisation systématique de ballons incendiaires et d’autres dispositifs pour allumer des feux de forêt et détruire des champs de céréales et des réserves naturelles et animales. Les attaques du Hamas provoquent également une pollution considérable et des vagues massives de fumée contre la population israélienne à proximité de la frontière.

La tentative du Hamas dans le cadre de l’opération « Gardien des murs » d’établir une interdépendance permanente, totalement fausse et artificielle entre les événements de Jérusalem et celles des actions du Hamas, appelle à une diplomatie publique concertée pour bloquer tout lien et tentative.

Le message d’Israël dans ce contexte doit être basé sur le postulat que la gouvernance de la ville de Jérusalem, dans tous ses domaines, y compris la protection des lieux saints, le maintien de l’ordre public, la gestion de la vie quotidienne et toute question juridique civile liée à la propriété dans la ville relèvent de la seule responsabilité d’Israël et elle n’a aucune affinité ou lien avec la bande de Gaza.

Les accords d’Oslo de 1995-9, signés par l’OLP et Israël, attestés et contresignés par plusieurs pays et approuvés par l’ONU, reposent sur un accord entre Israël et les dirigeants palestiniens (l’OLP, et non le Hamas) selon lequel la question de Jérusalem fait l’objet de négociations sur le statut permanent des territoires. En tant que tel, le Hamas n’a aucun statut et ne peut pas manipuler artificiellement la communauté internationale pour qu’elle accepte ce faux lien.

En conclusion, nous espérons que la diplomatie publique sera efficace, convaincante et crédible pour utiliser toutes ces suggestions pour pouvoir améliorer la compréhension des activités militaires israéliennes dans le but unique de se défendre contre le terrorisme, la supercherie et la propagande mensongère.

Nous souhaitons également une prise de conscience de la part des chancelleries, des médias et des institutions internationales, et un changement dans leur regrettable habitude de préjuger automatiquement Israël sans tenir compte des faits, des informations fiables et de la vérité sur le terrain.

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