Les défis du président Sissi
Une vague de terreur déferle ces jours-ci en Egypte, en plein mois sacré du Ramadan.
Ces attentats étaient prévisibles. Ils marquent en effet deux dates importantes pour les organisations terroristes : le premier anniversaire de la proclamation de la fondation du Califat islamique en Syrie et en Irak, et le deuxième anniversaire de la chute du pouvoir des Frères musulmans et la destitution de Mohamed Morsi en Egypte.
L’organisation de l’Etat islamique (Daesh) a tenu sa promesse d’intensifier ses attaques durant ce « mois de feu et de terreur ». Elle considère cette fête religieuse comme une « bonne occasion » de semer partout la terreur. Après une série d’attaques en France, en Tunisie et au Koweït, les djihadistes ont choisi l’Egypte, et symboliquement le nord du Sinaï où est installé leur groupe Ansar Beit al-Maqdis.
Cette filiale de Daesh domine en effet le nord de la péninsule et cette zone problématique est considérée comme une partie intégrante du Califat islamique.
Ces derniers mois, le président égyptien Abdel Fattah El-Sissi a renforcé ses effectifs dans le Sinaï par des unités d’infanterie et de blindés, et par des forces spéciales expérimentées dans la lutte contre le terrorisme. L’armée égyptienne a également réussi à recruter plusieurs tribus bédouines locales pour combattre contre les djihadistes.
Cependant, l’armée égyptienne rencontre des difficultés quotidiennes et a du mal à lutter contre ce nouveau genre de terrorisme.
Le 1er juillet 2015, dans la région de Cheikh Zoweid dans le Sinaï, 70 soldats égyptiens ont été tués et de nombreux blessés dans une attaque coordonnée avec les djihadistes du groupe Ansar Beit al-Maqdis. Ces attaques simultanées contre plusieurs cibles et avant postes-militaires furent menées à la fois par des tirs de mortier et des voitures-piégées.
Selon les rapports de l’état-major égyptien, une centaine de terroristes armés, dont certains vêtus en uniformes de l’armée, ont pris part à ces attaques. C’est la première fois que l’organisation islamique a déployé dans le Sinaï une si importante force militaire, une si impressionnante frappe de feu, indiquant ainsi une amélioration considérable dans sa capacité opérationnelle.
L’armée égyptienne a mobilisé ses avions de chasse et des raids furent lancés par des F-16 pour appuyer les troupes au sol.
Un porte-parole de l’armée a indiqué que plus d’une centaine de terroristes ont été tués. Sur les photographies publiées nous pouvons voir de nombreux corps de combattants de l’organisation terroriste jonchant le sol, habillés en uniforme de l’armée égyptienne et équipés de toute sorte d’armes et d’engins militaires.
Le quotidien égyptien Al-Youm al-Saba’a a rapporté que des terroristes étrangers ont combattu aux côtés des djihadistes, tandis que le journal Al-Masry Al-Youm rapporte que ces terroristes venaient plutôt de la bande de Gaza. Ils se seraient infiltrés à travers les tunnels et auraient déjà participé à des attaques contre l’armée égyptienne.
Rappelons que quelques jours seulement avant cette attaque audacieuse et spectaculaire, le Procureur général égyptien, Hisham Barakat, a été assassiné dans un attentat à la voiture piégée dans le centre du Caire.
C’est la première fois depuis de longues décennies qu’un juge influent et respectable de la Cour est victime d’un attentat perpétré par des terroristes islamiques, sans oublier bien entendu, l’assassinat du président Anouar el-Sadate, le 6 Octobre 1981, lors d’un défilé militaire. Juste avant ces derniers assassinats, les Frères musulmans avaient publié une fatwa appelant à leur mort.
Des responsables du Renseignement égyptien estiment que les Frères musulmans, qui ont été mis hors la loi, continueront à commettre des assassinats politiques; et ce, pour deux raisons principales : prendre une revanche sur le gouvernement Sissi qui a éliminé les principaux dirigeants de leur confrérie ; revenir sur la scène politique pour ne pas perdre l’influence sur certaines parties de la population égyptienne.
Ces responsables de la sécurité égyptienne pensent aussi que l’échec des Frères musulmans à organiser de grandes manifestations populaires les incite à perpétrer des attaques spectaculaires, à fort retentissement au Caire et dans le nord du Sinaï, pour provoquer un choc dans l’opinion.
Walid al-Barsha, fondateur du mouvement Al-Gamaa al-Islamiyya, a déclaré au journal égyptien Al-Youm al-Saba’a que les Frères musulmans avaient récemment mis en place des « comités spéciaux» de jeunes militants pour perpétrer des opérations violentes en Egypte.
Le journal Al-Masri al-Youm a rapporté que ces jeunes membres des Frères musulmans ont appelé sur leurs pages Facebook à commettre de nouveaux assassinats de hauts responsables du gouvernement, et notamment des attentats contre le président Sissi et le ministre de la Justice Ahmed al-Zend.
Le Président Sissi dirige l’Egypte depuis déjà deux ans et fait face à de nombreux problèmes sécuritaires et économiques. Il mène également des relations complexes et délicates avec l’islam radical. Il combat avec détermination et force contre le terrorisme dirigé et commis principalement par des membres des Frères musulmans au Caire, dans plusieurs villes de province, et contre Daesh dans le Sinaï.
Sissi a adopté les mêmes mesures radicales entreprises par ses prédécesseurs, les présidents Gamal Abdel Nasser et Anouar el-Sadate.
Il a envisagé également la médiation des Etats arabes, mais toutes les tentatives de « réconciliation nationale » avec les Frères musulmans ont été vouées à l’échec.
Le 30 juin 2015, Sissi a annoncé qu’à la lumière de l’assassinat du Procureur général Barakat, il accélérera l’application des peines de mort et des réclusions à perpétuité prononcées contre les dirigeants des Frères musulmans.
La dernière vague sanglante dans le Sinaï encourage le président Sissi dans ce sens. Son combat est sans doute très rude, mais il s’agit pour lui d’une inlassable lutte pour la survie de son pouvoir et l’avenir du pays des Pharaons.
Dans tous les cas, il ne pourra plus céder au terrorisme aveugle mené par ses compatriotes ni laisser propager un Islam cruel et radical.
Yoni Ben Menahem
Pour citer cet article :
Yoni Ben Menahem, « Les défis du président Sissi », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/les-defis-du-president-sissi/