Les Accords de Munich 80 ans après

Le 5 septembre 2018, le JCPA-CAPE de Jérusalem a tenu, avec la Fondation Konrad-Adenauer, une conférence d’experts sur les conséquences des Accords de Munich et les leçons à tirer pour les affaires internationales et le rôle de la diplomatie aujourd’hui. 

Introduction et rappel historique

Depuis sa prise du pouvoir en Allemagne, le chancelier Adolf Hitler multiplia les actions qui remettaient en cause le Traité de Versailles, signé à l’issue de la Première Guerre mondiale. Les pays signataires furent indifférents à sa politique et n’ont pas réagi au réarmement de l’Allemagne ni à la remilitarisation de la région frontalière de la Rhénanie. Soulignons que dans les années 1930, la Grande-Bretagne envisageait de revenir sur le Traité de Versailles, au nom de la réconciliation avec l’Allemagne.

La France avait signé un traité d’alliance avec la Tchécoslovaquie, mais n’était pas prête à la guerre. A la veille d’élections, la France d’Edouard Daladier ne souhaitait pas entrer en guerre sans la Grande-Bretagne.

En mars 1938, l’Allemagne annexe l’Autriche et renforce la politique d’Hitler de regrouper en un seul État allemand l’ensemble des populations de tradition germanique. Pour obtenir la région des Sudètes, une région où se trouve une minorité germanophone, il menace d’envahir la Tchécoslovaquie.

Le Premier ministre britannique, Neville Chamberlain, rencontre deux fois Hitler pour qu’il revienne sur ses intentions concernant la Tchécoslovaquie.

Le 29 septembre 1938, quatre chefs d’État européens : Hitler, Mussolini, Daladier et Chamberlain se réunissent à Munich pour décider du sort de la Tchécoslovaquie. Le lendemain, on officialise l’annexion de la région des Sudètes à l’Allemagne. Daladier et Chamberlain parlent de victoire, et pensent avoir sauvé la paix. Daladier déclare : « La guerre n’est plus une solution. La guerre ne sera jamais plus une solution. »

Chamberlain est accueilli en héros et on le surnomme The peacemaker. Les médias le soutiennent et l’opinion publique est soulagée et reconnaissante. Les Accords de Munich font consensus aussi en France et la majorité des hommes politiques étaient munichois à l’exception de Léon Blum.

Après la signature des Accords de Munich (voir le texte intégral ci-dessous), la France abandonne la Tchécoslovaquie avec laquelle elle avait passé des accords pour garantir ses frontières. Le 30 septembre 1938, Le gouvernement tchécoslovaque capitule. Hitler envahit la Tchécoslovaquie au printemps 1939, puis la Pologne, le 1er septembre de la même année.

Devant le laxisme et l’impuissance des pays occidentaux face à Hitler, Winston Churchill déclare : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre. »

 

L’esprit munichois au Moyen-Orient

Au fil des ans, et à l’instar des années 1930,  nous avons constaté un certain laxisme des occidentaux face aux régimes totalitaires arabo-musulmans. Les exemples sont nombreux et éloquents, en voici les plus marquants :

– La nationalisation du canal de Suez et la fermeture du détroit de Tiran par le colonel Nasser et l’utilisation d’armes chimiques dans la première guerre du Yémen.

– Les différents massacres et l’utilisation d’armes chimiques des présidents Assad père et fils, en Syrie. Récemment dans la région d’Ildib.

– La guerre civile au Liban. La chasse des Chrétiens maronites.

-Les attaques contre les Kurdes par Saddam Hussein et les Turcs.

– Les ambitions hégémoniques et nucléaires de l’Iran et l’Accord de Vienne signé le 14 juillet 2015.

Jacques Neriah, Dore Gold et Yossi Kuperwasser lors de la Conférence du JCPA-CAPE de Jérusalem

Durant la Conférence tenue le 5 septembre 2018 au JCPA-CAPE de Jérusalem, l’ambassadeur Dore Gold, ancien directeur général du ministère des Affaires étrangères, a évoqué les Accords d’Oslo. Il critiqua sévèrement la presse de l’époque qui avait faussement qualifié Yasser Arafat de Nelson Mandela des Palestiniens. C’était le « grand bluff » véhiculé au sein du grand public exactement comme fut « vendu » l’Accord de Munich.

L’ancien général de brigade, Yossi Kupervasser, a critiqué l’administration Obama et l’accord nucléaire signé avec l’Iran. Exactement comme à Munich on a voulu apaiser l’agresseur tout en évoquant une seule alternative : la guerre. Il existe d’autres options et notamment une véritable dissuasion.

Jacques Neriah, ancien conseiller diplomatique du Premier ministre Itzhak Rabin, a déclaré que le Moyen-Orient demeure une jungle où la loi du plus fort détermine l’ordre du jour. Chaque parole, discours ou décision devrait être interprétée par des actes.

Enfin, soulignons que dans les années 1930, L’Etat d’Israël n’existait pas et les Juifs ne pouvaient pas mobiliser le monde libre à leur cause, combattre seuls et arrêter les folies d’Hitler dès 1933, bien avant le déclenchement de la guerre et la Shoah.

CAPE de Jérusalem

 


Annexe

Texte des Accords de Munich

Les quatre puissances : Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, tenant compte de l’arrangement déjà réalisé en principe pour la cession à l’Allemagne des territoires des Allemands des Sudètes, sont convenues des dispositions et conditions suivantes réglementant ladite cession, et des mesures qu’elle comporte. Chacune d’elles, par cet accord, s’engage à accomplir les démarches nécessaires pour en assurer l’exécution :

  1. L’évacuation commencera le 1eroctobre.
  2. Le Royaume-Uni, la France et l’Italie conviennent que l’évacuation du territoire en question devra être achevée le 10 octobre, sans qu’aucune des installations existantes ait été détruite. Le gouvernement tchécoslovaque aura la responsabilité d’effectuer cette évacuation sans qu’il en résulte aucun dommage aux dites installations.
  3. Les conditions de cette évacuation seront déterminées dans le détail par une commission internationale, composée de représentants de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de la France, de l’Italie et de la Tchécoslovaquie.
  4. L’occupation progressive par les troupes du Reich des territoires à prédominance allemande commencera le 1eroctobre. Les quatre zones indiquées sur la carte ci-jointe seront occupées par les troupes allemandes dans l’ordre suivant :
  • La zone 1, les 1eret 2 octobre ;
  • La zone 2, les 2 et 3 octobre ;
  • La zone 3, les 3, 4 et 5 octobre ;
  • La zone 4, les 6 et 7 octobre.

Les autres territoires à prépondérance allemande seront déterminés par la commission internationale et occupés par les troupes allemandes d’ici au 10 octobre.

  1. La commission internationale mentionnée au paragraphe 3 déterminera les territoires où doit être effectué par plébiscite. Ces territoires seront occupés par des contingents internationaux jusqu’à l’achèvement du plébiscite. Cette commission fixera également les conditions dans lesquelles le plébiscite doit être institué, en prenant pour base les conditions du plébiscite de la Sarre. Elle fixera, en outre, pour l’ouverture du plébiscite, une date qui ne pourra être postérieure à la fin du mois de novembre.
  2. La fixation finale des frontières sera établie par la commission internationale. Cette commission aura compétence pour recommander aux quatre puissances : Allemagne, Royaume-Uni, France et Italie, dans certains cas exceptionnels, des modifications de portée restreinte à la détermination, strictement ethnologique, des zones transférables sans plébiscite.
  3. Il existera un droit d’option permettant d’être inclus dans les territoires transférés ou d’en être exclu.

Cette option s’exercera dans un délai de six mois à partir de la date du présent accord. Une commission germano-tchécoslovaque fixera le détail de cette option, examinera les moyens de faciliter les échanges de populations et réglera les questions de principe que soulèveront lesdits échanges.

  1. Le gouvernement tchécoslovaque libérera, dans un délai de quatre semaines à partir de la conclusion du présent accord, tous les Allemands des Sudètes des formations militaires ou de police auxquelles ils appartiennent, dans la mesure où ils désireront cette libération.

Dans le même délai, le gouvernement tchécoslovaque libérera les prisonniers allemands des Sudètes qui accomplissent des peines pour délits politiques.

Munich, le 29 septembre 1938.

Le chancelier du Reich,
Adolf Hitler.

Le premier ministre du Royaume-Uni,
Neville Chamberlain.

Le président du Conseil français,
Édouard Daladier.

Le chef du gouvernement italien,
Benito Mussolini.


Voir la vidéo de la conférence du JCPA-CAPE sur le site en hébreu :


Pour citer cet article :

CAPE de Jérusalem, « Les Accords de Munich 80 ans après », Le CAPE de Jérusalem, publié le 13 septembre 2018 : http://jcpa-lecape.org/les-accords-de-munich-80-ans-apres/

 

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