L’éphémère «Printemps arabe» et l’aveu de défaite d’Obama
Au début du « Printemps arabe », des experts de l’Islam et du Moyen-Orient avaient publié des analyses élogieuses sur les Frères musulmans, d’autres évoquaient avec enthousiasme la fin des dictatures et des royaumes arabes et la mise en place de nouveaux régimes égalitaires où les peuples arabes pourraient enfin se prononcer sans crainte et en toute liberté. Dans l’édition française du journal égyptien Al Ahram, datant du 8 juin 2011, Alain Gresh, directeur adjoint du Monde diplomatique, affirmait avec émotion : « les révolutions arabes ont créé un nouvel espoir… Ils pourront enfin libérer leurs terres occupées !… Le seul moyen de faire avancer le processus de paix c’est isoler Israël ! L’Egypte a un rôle à jouer : bâtir un axe mondial pour montrer que seul le gouvernement israélien renonce à la paix » ! Sans commentaire !
Nous sommes déjà après la troisième année du déclenchement du « Printemps arabe » et rien n’indique pour le moment un changement fondamental dans la politique des régimes ou un réveil démocratique au sein des sociétés arabes, ni une solution au problème palestinien. Non ! Le « Printemps arabe » n’a aucun lien avec celui de Prague, déclenché au cœur de l’Europe. Il fut différent sur tous les plans.
Au sein des pays arabes on a plutôt l’impression que le temps ne bouge pas et il ne presse jamais ! Bien que chaque Etat de la Ligue arabe soit différent, avec ses propres caractéristiques, les régimes demeurent en général totalitaires, népotistes, oligarchiques, corrompus et policiers. Nous constatons que les révoltes arabes qui ont débuté à Tunis ont épargné jusqu’à ce jour les royaumes d’Arabie saoudite, de Jordanie et du Maroc mais aussi les Territoires palestiniens. Soulignons aussi qu’aucun observateur ou expert du monde arabe n’a prévu ces bouleversements, comme d’ailleurs les soviétologues n’avaient pas vu venir l’effondrement si rapide de l’Union soviétique.
Durant de longues décennies, tous les régimes arabes ont été soutenus par les grandes puissances, notamment pour des raisons économiques et stratégiques. Aujourd’hui, les peuples arabes sont surtout otages d’une guerre de religion entre les deux grands courants de l’Islam, déchirés entre d’un côté les ambitions hégémoniques de l’Iran chiite et de l’autre la domination religieuse de la riche Arabie saoudite. La dernière victoire du Maréchal Sissi en Egypte pourra balancer la donne en faveur des sunnites mais cela prendra du temps. Le pays des Pharaons est toujours plongé dans un gouffre économique et menacé par l’opposition farouche des Frères musulmans. Trouver une solution aux problèmes intérieurs est devenu une priorité absolue, devançant même la lutte en faveur du panarabisme comme le souhaitait le Colonel Nasser, mentor de Sissi.
Cependant, les pays occidentaux avec l’Amérique en tête ne pouvaient à la fois exiger une démocratisation des sociétés arabes et dans le même temps soutenir des dictatures. Ils ne peuvent pas non plus soutenir des islamistes et exiger un mode de vie moderne, un respect des droits de l’Homme et une liberté de circulation et d’expression. Le népotisme comme l’Islam politique sont incompatibles avec les valeurs démocratiques. La doctrine américaine selon laquelle les dictatures doivent être balayées et remplacées par des régimes démocratiques n’est pas réalisable dans un monde arabe dominé par des courants islamistes et des tribus archaïques et fanatiques. Partout les échecs sont cuisants : en Irak, en Egypte, en Syrie, en Tunisie et en Libye. Il est bien temps d’en tirer les leçons! L’éclatement de ces régimes a entrainé un déferlement d’activités terroristes et un afflux d’armes dans l’ensemble du Proche-Orient, au Maghreb et bien au-delà, de Kaboul jusqu’au Sahel et au Nigéria. Un chaos destructeur dont les métastases néfastes ont causé la mort de centaines de milliers de personnes. De nombreux enfants, femmes et vieillards innocents ont perdu la vie dans ces guerres civiles et tribales, et plus de 2 500 soldats occidentaux, en majorité américains, sont tombés sur les différents champs de bataille.
Dans ce contexte, le discours d’Obama à West Point peut être compréhensible mais il fut hélas un triste aveu défaitiste. Un constat de l’échec de la politique étrangère américaine depuis plusieurs décennies. Désormais, l’Amérique cesse d’être le « gendarme du monde » mais pour Obama, la retenue est signe de puissance, une sorte de force tranquille. Depuis les guerres de Corée et du Vietnam, les « aventures militaires » américaines dans le monde ont toutes échoué. La superpuissance est bien fatiguée, lassée des guerres hors de son territoire. Obama pense que l’inaction est préférable à l’action et il reconnait que sa capacité à peser sur les événements est bien limitée. La tentation d’agir sur-le-champ est certes naturelle chez les Yankees mais l’interventionnisme systématique sans penser aux conséquences risque au contraire d’aggraver la fragile donne géopolitique.
Dans son discours à l’Académie militaire de West Point, Obama a prononcé 5 000 mots, mais pas un seul sur le processus de paix avec les Palestiniens comme s’il avait honte de parler de sa médiation avortée et qu’il était mécontent et en colère à la fois contre Abbas et Netanyahou. Pourquoi n’ont-ils pas suivi ses directives ? En fait, Obama, qui est un professeur de Droit à tempérament glacial, n’a pas encore abandonné ce processus et tout laisse croire qu’il soutiendra un gouvernement palestinien d’union nationale formé de technocrates du Fatah et du Hamas. L’Union européenne le suivra sans hésitation puis, à partir de ce nouveau point de départ il relancera des « négociations indirectes » également avec le Hamas.
Quand Obama propose un fonds de 5 milliards de dollars pour combattre le terrorisme mondial, il sait que le Hamas comme le Jihad islamique sont des organisations terroristes ! Il devrait savoir aussi que le combat justifié contre Al-Qaïda passe avant tout par les bases terroristes, par la source, à Gaza et dans la péninsule du Sinaï.
La récente libération de cinq Afghans de Guantanamo en échange d’un soldat américain détenu par des Talibans n’était-elle pas contraire à la politique sacro-sainte de tous les gouvernements américains de ne pas traiter avec les terroristes ? Cet échange n’est-il pas un premier signe d’abandon des principes ? N’est-ce pas un aveu de faiblesse de la part d’Obama ? Cette nouvelle politique dangereuse ne va-t-elle pas encourager les djihadistes dans leur combat contre les Occidentaux ? Ne pourra-t-elle pas favoriser les prises d’otages ?
Une fois encore, Américains et Européens se trompent dans leur stratégie en pensant qu’un règlement du problème palestinien résoudra tous les autres problèmes de la région, et notamment la démocratisation des pays arabes et la fin du projet nucléaire iranien.
Cette perception bien naïve et trompeuse risque d’isoler l’Etat Juif sur l’arène internationale mais aussi d’affaiblir considérablement le rôle d’influence des Etats-Unis.
Freddy Eytan