Le visage de la réalité syrienne

wikipedia-logo1Pour mieux comprendre la réalité syrienne nous devrions prendre en considération certains aspects de la personnalité du président Bashar el Assad et surtout  la mentalité de son régime.
Depuis son indépendance en 1940, la Syrie se présente comme étant  un petit pays assiégé, menacé constamment  par ses voisins et des puissances étrangères et demeurant en permanence  une cible de conspiration.
Nous comparons souvent la Syrie à d’autres pays arabes tels la Jordanie ou l’Egypte mais en réalité elle se conduit  comme  Cuba ou la Corée du Nord.
Les Syriens croient réellement que les Américains conspirent à régner sur tout le Moyen-Orient. Les Américains eux sont conscients de la menace immédiate des Syriens vu leur rapprochement aux mouvements musulmans extrémistes et à l’Iran alors que d’habitude ils s’identifient plutôt à l’Arabie Saoudite et se solidarisent avec leurs frères arabes.
Les Syriens sont surpris de constater que leur coopération hâtive avec les groupes islamiques extrémistes  entraîne à des situations imprévues comme par exemple le soutien au mouvement des Frères musulmans en Jordanie.
Hafez El Assad n’a jamais proposé des idées nouvelles pour promouvoir ou faire avancer le processus des négociations  dans le cadre des relations israélo- syriennes ou américano- syriennes. Ce sont toujours les israéliens ou les américains qui ont pris l’initiative et ont exposé des propositions concrètes. Elles ont toujours été rejetées par  les Syriens.
Nous n’attendons pas des Syriens d’agir comme Anwar el Sadate. Le président égyptien avait une vision de l’avenir et se préoccuper de la prospérité de son pays ; Ce n’en n’est pas le cas de la Syrie ni du président Hafez el Assad  ni non plus de son fils Bashar.
Après son échec aux élections de 1992 le président Georges Bush (senior) a rendu visite à ses amis au Moyen Orient sans toutefois passer par Israël. A l’époque, les relations avec Washington étaient considérées comme un atout pour les Syriens. Elles ont été vouées à l’échec par les erreurs de Bashar el Assad. Le président syrien a aussi détérioré les bonnes relations avec l’Union européenne et en particulier avec la France. Bashar a également rompu les alliances délicates avec l’Egypte, la Jordanie et l’Arabie Saoudite qu’avait bâti minutieusement son père Hafez.
Bachar a survécu mais son Etat demeure un pays sous-développé avec des problèmes économiques majeurs et rien à ce jour ne prédît une amélioration. La seule compensation du régime est l’intime alliance avec l’Iran et le Hezbollah.
Le Hezbollah joue au Liban le rôle d’amitié envers la Syrie, mais ne souhaite pas pour autant le retour des Syriens dans le pays du Cèdre. Le Hezbollah a ses propres projets pour régner et prend tout son temps pour réaliser ses ambitions. Damas souhaite diviser pour régner et le retour des Syriens  mettrait en péril le rêve du Hezbollah au Liban.
Aux Etats-Unis un débat est ouvert à  savoir si l’administration actuelle  devrait engager un dialogue direct avec Damas tout en sachant à l’avance que Bashar exige préalablement un retrait total des forces américaines en Irak.
Bashar est inquiet de l’existence d’un régime pro-occidental instauré en Irak et ne désire aucun compromis en ce qui concerne le Liban. Il souhaite reconquérir ce pays à condition que les Américains voudrions bien lui permettre comme fut le cas en 1980.
Les Syriens pourront-ils empêcher  d’aller se battre contre les Américains  ou les Shiites en Irak ? Le régime syrien pourra t-il faire plus d’efforts pour éliminer les camps d’entraînement en Syrie et bloquer le transfert de fonds aux groupes terroristes ? Sans doute et Assad peut faire beaucoup plus. Ce comportement vacillant reflète le vrai visage de la Syrie et sa mentalité. Dans l’acheminement de ce raisonnement,  il ne reste à Bashar qu’un seul intérêt, c’est d’engager un processus de paix avec Israël, conscient que la concrétisation est  purement théorique.
Le président syrien n’a ni le désir ni la fermeté ou le courage qu’avait Sadate en venant à Jérusalem et parler de paix devant le parlement israélien. Bashar n’a aucune vision pour son pays. Il ignore que sera la Syrie dans 5 ou 10 ans. Sur tous les plans, il n’est pas à la hauteur et  nous ne pouvons pas changer son comportement en l’engageant dans un dialogue constructif. Il demeure figé dans son idéologie, renfermé et plié sur lui-même et  n’est pas prêt à en débattre.
Concernant ses rapports avec Israël, Bashar a toujours hésité à riposter contre des raids de Tsahal.
En représailles aux attaques constantes du Hezbollah, Israël a attaqué à deux reprises des positions syriennes au Liban (en avril et juillet 2001).  20 soldats syriens ont été tués lors de ces raids aériens.
En 2002 et 2006 l’aviation israélienne a survolé le palais présidentiel de Bashar et en octobre 2003 l’aviation  israélienne a bombardé un camp d’entraînement palestinien situé à 7 kilomètres au nord de Damas. En septembre 2007, la chasse israélienne aurait, selon des sources étrangères, attaqué un site « nucléaire » syrien).
Tous ces raids israéliens n’entraînent aucune riposte de la part de Damas.
Les Syriens sont conscients de l’équilibre de forces entre les deux pays et ils n’ont aucun intérêt à s’engager dans une nouvelle guerre. Toute attaque dériverait immédiatement à des représailles de la part de Tsahal.
En revanche, les syriens se servent des milices du Hezbollah pour attaquer des cibles civiles israéliennes.
Suite à la guerre du Liban, en août 2006, Bashar affirme dans un discours télévisé que le statut quo était remis en question mais rien n’a changé sur le terrain.
Le processus de normalisation est interprété par les Israéliens comme un consentement chaleureux de mariage  avec enlacements et embrassades alors que chez les Syriens il est plutôt considéré comme un consentement de divorce à l’amiable. Ce seront des relations amicales à l’exemple de l’Ukraine sans ouverture d’ambassade.
Nous devons être réalistes de la contrepartie syrienne. La Syrie ne deviendra pas un allié fidèle des USA et ne fera pas partie du camp modéré de la région.
La Syrie n’est pas l’Egypte qui est un grand pays avec une longue histoire et une riche tradition et qui  se sent en sécurité et sûre d’elle-même. Dans ce contexte, nous n’obtiendrons de la Syrie que des liens bilatéraux très limités.

Le professeur Eyal Zisser est chef du département de l’histoire du Moyen Orient et d’Afrique et Directeur du Centre Moshé Dayan pour les études du M.O et Afrique à l’Université de Tel Aviv.