Le soulèvement syrien : les implications pour Israël
- Depuis les années 1960, le parti Baath syrien et la dynastie Assad ont réussi à installer une coalition formée de différentes forces dirigées par les Alaouites. Aujourd’hui, pour des raisons sociales et économiques, les composantes de cette coalition se retournent contre le régime.
- Avant le soulèvement, Bechar al Assad avait obtenu un soutien des mouvements islamiques radicaux. Une grande partie des Frères musulmans de Jordanie, d’Egypte ainsi que le Hamas lui tournent actuellement le dos. Le cheikh de la confrérie, Yousouf Qaradawi, a rappelé : « Bechar al Assad est après tout un alaouite soutenu par le camp chiite »…
- La Turquie d’Erdogan, devenue un proche allié de la Syrie semble accepter la possibilité d’un nouveau régime à Damas dirigé par des islamistes. Soulignons que les sunnites islamistes et les Frères musulmans syriens sont de proches alliés d’Erdogan, comme l’est le Hamas.
- Si Bechar al Assad tomberait un jour, la situation dans ce pays ne changerait pas fondamentalement et elle pourrait être similaire à celle des décennies précédentes, à savoir, un régime central faible. Cela pourrait conduire à des incidents frontaliers avec Israël, mais ne provoquerait pas une guerre. Toutefois des actes terroristes que le régime ne pourra pas éviter sont possibles.
- L’opposition syrienne pourra prendre la relève mais ses dirigeants savent parfaitement-comme d’ailleurs les nouveaux leaders égyptiens- que leurs intérêts sont liés à des relations d’amitié avec les pays occidentaux dont les Etats-Unis. L’Iran sera donc écarté et à long terme, un nouveau régime en Syrie pourrait s’avérer bénéfique pour Israël.
C’est clair, le régime syrien a échoué dans ses efforts d’apaisement et n’a pas réussi à ce jour à réprimer les manifestations propagées dans tout le pays. Cependant, Assad est toujours au pouvoir et demeure assez fort et capable de riposter. L’armée syrienne dont ses soldats et officiers appartiennent à toutes les composantes de la communauté est toujours prête à se battre pour le maintien du régime. Contrairement à l’Egypte, il n’existe pas de fossé entre l’armée et les dirigeants politiques en Syrie. La situation n’est pas aussi la même en Libye car au début du soulèvement, des ambassadeurs, des hauts fonctionnaires, et des officiers de l’armée ont abandonné Kadhafi.
Le soulèvement en Syrie gagne du terrain en passant des villages vers des grandes agglomérations comme Homs et Hama. L’élément clé demeure le rôle de l’armée à savoir combien de temps encore les soldats et les officiers sunnites continueront à tirer sur les manifestants et prendront part aux efforts du régime pour réprimer brutalement le soulèvement.
Il n’existe pas une véritable opposition en Syrie mais un nombre considérable d’intellectuels critiquent le régime dont des militants des droits de l’Homme à l’intérieur et à l’extérieur du pays. En dehors de la Syrie, quelques groupes se disent de l’opposition mais en réalité ils n’ont aucune influence réelle sur les évènements. Ils se réunissent à Istanbul et à Bruxelles et pourraient jouer éventuellement un rôle efficace s’ils persistaient dans leur opposition. Ils devraient créer un leadership capable de prendre la relève et être légitimement reconnus avec un soutien européen, américain ou turc.
En prenant le pouvoir, il ya dix ans, Bechar al Assad était considéré comme un réformateur ayant une mentalité occidentale mais ses actes ont prouvé qu’il n’est pas différent de son père, Hafez al Assad.
Les pays occidentaux et l’administration américaine en particulier avaient cru que l’effondrement du régime provoquerait le chaos et un scénario similaire à l’Irak tels que le terrorisme et le radicalisme islamique. Devant la répression brutale d’Assad nous observons un changement d’attitude en Occident.
Rappelons que la Syrie de Bechar al Assad demeure dans l’axe du Mal soutenu par l’Iran et le Hezbollah. Cependant, les événements en cours ne pourraient apporter une aide cruciale de l’Iran ou du Hezbollah car cela dérapera en une confrontation entre sunnites et chiites, ce que l’Iran ne souhaite pas pour le moment.
Ces jours-ci, l’économie syrienne est paralysée et l’industrie touristique s’est effondrée et Bechar devrait compter sur une aide extérieure pour pouvoir survivre économiquement et satisfaire surtout les élites et les classes moyennes à Damas et Alep. L’envoi d’armes ou de missiles iraniens ne pourront remplacer ce secours.
La désintégration de l’Etat syrien, les effusions de sang et les affrontements ethniques pourront s’accentuer. Jusqu’à ce jour, les druzes installées au sud de la Syrie sont relativement calmes et les chrétiens soutiennent pleinement le régime d’Assad, tout comme les autres minorités. Les kurdes à l’Est du pays sont encore dans l’expectatif.
Dans ce contexte, le régime syrien n’a aucun intérêt à provoquer une escalade le long de sa frontière avec Israël. Assad a maintenu le calme sur le plateau du Golan. Damas est consciente que le moindre incident pourrait se transformer en un conflit armé tel que la seconde guerre du Liban en 2006. Assad à besoin surtout de ses soldats pour lutter contre son peuple et pour réprimer la révolte. Par contre un régime faible pourrait permettre des manifestations le long de la frontière comme elles ont été organisées les jours de la Nakba et de la Naksa, et celles-ci peuvent se reproduire.
Faire la paix avec Israël n’est pas non plus une idée populaire répandue dans le monde arabe et un dirigeant faible ne l’envisagera jamais.
Le régime syrien devrait être considéré comme une menace stratégique sur Israël parce que Bechar al Assad a cherché à développer des capacités nucléaires. Il a fourni un soutien au Hamas et au Hezbollah et a transformé le mouvement libanais chiite en menace stratégique grandissante. C’est bien Assad qui a introduit les Iraniens en Syrie et dans toute la région, ils n’étaient auparavant que des “invités”.
Plus la Syrie demeurera faible et plus le Liban sera encore plus fort. Tout changement de régime en Syrie pourrait être un coup dur pour le Hezbollah. Un régime sunnite en Syrie pourra modifier l’équilibre au Liban en faveur des sunnites. Le pire des scénarios serait que la Syrie se transformerait en un nouvel Irak…
Enfin, et à long terme, un nouveau régime syrien pourrait être plus bénéfique pour Israël que le régime actuel de Bechar al Assad.
Extraits des propos d’une conférence tenue au CAPE devant le corps diplomatique et la presse étrangère. Voir l’intégralité de l’article dans le site du JCPA en anglais.