Le refus extrême de Mahmoud Abbas
Depuis sa rencontre avec le président américain Barack Obama à la Maison Blanche, Mahmoud Abbas tire sur la ficelle et durcit sa position sur le processus de paix. Sur toutes les tribunes et devant tous les micros, à Ramallah comme dans les capitales arabes, il réaffirme son opposition farouche à la reconnaissance du caractère juif de l’Etat d’Israël.
Lors du sommet de la Ligue arabe réuni récemment au Koweït, Mahmoud Abbas a franchi un nouveau pas avec des propos intransigeants : « Israël a inventé de nouvelles conditions pour poursuivre le processus de paix. Ce préalable est inacceptable et nous nous refusons même de discuter de la question. »
Soulignons que tous les gouvernements israéliens ont soulevé le caractère juif de l’Etat d’Israël dans les différentes négociations de paix. Il s’agissait d’une revendication naturelle et légitime pour aboutir à un règlement de paix final, mais elle ne représentait en aucun cas une condition préalable ni un veto sur l’ordre du jour des pourparlers en cours.
En déclarant solennellement qu’il ne négociera jamais la question de l’Etat juif, Mahmoud Abbas tire une sonnette d’alarme et rappelle aux Américains que la date butoir des négociations approche à grand pas, l’accord-cadre devant être signé avant l’expiration du délai de neuf mois prévu par Kerry, soit dans quelques semaines, à la fin du mois d’avril 2014.
Dans ses discours, Mahmoud Abbas évoque toujours la question des réfugiés palestiniens et l’application de la Résolution 194 de l’ONU sur le « droit au retour » qui, selon lui, a pour but de « corriger l’injustice de la Nakba » (la « catastrophe » due à la création de l’Etat d’Israël). En d’autres termes, après qu’une injustice ait été commise à l’encontre des Palestiniens, Israël devrait accepter la résolution 194. Abbas mentionne les Palestiniens vivant dans les camps de réfugiés, dont le souhait est de retourner dans leur patrie (« watan » en arabe). Il ne dit pas explicitement qu’ils s’installeront dans leur futur Etat (« dawla »), mais insiste sur leur droit au retour sur le territoire israélien actuel, qu’il considère toujours comme faisant partie du foyer originel des Palestiniens d’avant 1948.
Mahmoud Abbas est conscient que pour parvenir à un accord de paix avec Israël le soutien de la Ligue arabe est impératif. Pour braquer les projecteurs des musulmans du monde entier sur la question palestinienne, il focalise toujours ses discours sur l’avenir de Jérusalem et évoque à chaque fois « les conspirations israéliennes contre la mosquée Al-Aqsa ». Des allégations infondées sur le terrain, qui ont pour seul objectif de motiver les foules arabes et de les pousser à être solidaires de la cause palestinienne plutôt que de se préoccuper de la crise syrienne ou du dossier iranien par exemple.
Les propos de Mahmoud Abbas ne signifient pas que le processus de paix soit au point mort. Il agonise peut-être, mais le chef palestinien a également pris soin d’exprimer sa gratitude au président Obama et à John Kerry pour leurs inlassables efforts. En fait, Abbas a cherché à obtenir un solide consensus arabe afin de mieux résister aux pressions exercées par Washington pour qu’il reconnaisse le caractère juif de l’Etat d’Israël. Il a aussi voulu dire qu’en dépit des déchirements au sein du monde arabe, particulièrement entre l’Arabie saoudite et le Qatar sur la crise syrienne, la solidarité est nécessaire au moins sur la question palestinienne.
En outre, Abbas a jugé bon de préciser que la Jordanie n’était responsable de la gestion des affaires religieuses à Jérusalem que sur le plan administratif (Waqf) et que Jérusalem-Est serait la capitale du futur Etat palestinien.
Mahmoud Abbas a également salué le rôle de l’Arabie Saoudite au détriment du Qatar et a exprimé son soutien au maréchal el-Sissi, nouvel homme fort d’Egypte, dans ses efforts pour rétablir l’ordre dans son pays. Ainsi, dans le monde arabe, Abbas se range dans le camp arabo-égyptien ; il a d’ailleurs prévu prochainement un voyage au Caire.
Certes, Abbas reste intransigeant sur la question palestinienne mais il semble que, pour des raisons de tactique, il ne sera pas opposé à prolonger les négociations de paix de quelques mois encore. Il pourra toujours le moment venu accuser, comme de coutume, le gouvernement israélien de faire échouer le processus. Sa dernière rencontre avec John Kerry à Amman laisse à penser que, suite à la libération par Israël d’un nouveau contingent de détenus palestiniens, Mahmoud Abbas poursuivra finalement le processus de paix afin de prouver « ses bonnes intentions » aux Américains et aux Européens.
Pinhas Inbari