Le Qatar au secours du programme nucléaire iranien

Michael Segall

L’émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Khalifah Al Thani, entame à Téhéran et dans les capitales européennes des visites pour accélérer la signature du nouveau programme nucléaire iranien en échange de fourniture de gaz. La rencontre de l’émir qatari avec les Ayatollahs s’est effectuée une semaine seulement après la surprenante visite du président syrien Bachar el Assad à Téhéran et au lendemain du voyage d’Enrique Mora, Secrétaire général adjoint des Affaires étrangères de l’Union européenne pour justement sauver in extremis l’accord sur le nucléaire.

Le Qatar exploite à fond ses bonnes relations régionales et internationales et son titre : « non membre de l’OTAN allié des États-Unis ».

En France, en Allemagne et en Grande-Bretagne il apaisera les inquiétudes concernant l’approvisionnement de gaz russe suite à la crise ukrainienne et tentera d’alléger les sanctions contre l’Iran notamment les  difficultés posées par l’insistance de l’Iran à retirer les Gardiens de la Révolution islamique de la liste noire des organisations terroristes étrangères.  Soulignons que l’administration américaine hésite toujours sur ce sujet. Cette  question inquiète beaucoup Israël et elle est à l’ordre du jour des entretiens du ministre de la Défense, Benny Gantz à Washington. 

En l’absence d’accord, l’Iran continue de faire avancer son programme nucléaire sans aucune contrainte. Le ministre des Affaires étrangères de l’UE, Joseph Borrell, a récemment confirmé que l’Europe cherchait une formule intérimaire qui pourrait débloquer les pourparlers.

L'émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Khalifah Al Thani

L’émir du Qatar, Cheikh Tamim ben Khalifah Al Thani (khamenei.ir)

Lors de sa rencontre avec le guide suprême iranien Ali Khamenei, l’émir du Qatar a exprimé son soutien aux Palestiniens, a condamné les “crimes horribles du régime sioniste” et a exprimé ses profonds regrets pour le meurtre de la journaliste d’Al Jazeera basée à Doha, Shireen Abu Akleh. Il a également déclaré que l’Iran et le Qatar avaient formé un comité conjoint pour promouvoir la coopération économique et touristique.

Lors d’une conférence de presse conjointe, le président iranien a réitéré la position de l’Iran selon laquelle les pays de la région devraient maintenir la sécurité régionale sans “intervention étrangère nuisible”. Raisi a qualifié la visite de l’émir qatari de « tournant dans les relations entre les deux pays et les deux nations ».

Ali Khamenei, Cheikh Tamim ben Khalifah Al Thani

(khamenei.ir)

Alors que Khamenei et les commandants des Gardiens de la révolution continuent d’adopter une ligne intransigeante à l’égard de l’Amérique,  certains sites d’information iraniens, favorables à une approche plus pragmatique et modérée envers l’Occident, ont exprimé l’espoir que la visite de l’émir qatari faciliterait la médiation entre Téhéran et Washington.

L’agence de presse officielle iranienne IRNA a affirmé que l’émir cherchait également à améliorer les relations irano-saoudiennes suite aux  pourparlers tenus entre les délégations des deux pays en Irak, mais à ce jour sans résultats tangibles. Rappelons qu’après la rupture des relations diplomatiques de l’Arabie saoudite avec l’Iran en janvier 2016, le Qatar avait dégradé ses relations avec Téhéran et a protesté contre l’attaque par des extrémistes iraniens contre les bâtiments de l’ambassade et du consulat saoudiens à Téhéran et Mashhad. Pourtant, l’Iran s’est entièrement rangé du côté du Qatar et a augmenté ses exportations alimentaires vers l’émirat après que les Saoudiens lui ont imposé de lourdes sanctions.

Ali Khamenei, Bachar el Assad

(khamenei.ir)

Alors que l’Arabie saoudite et Bahreïn réduisent au minimum leurs liens avec Téhéran, et que les Émirats arabes unis sont extrêmement méfiants à l’égard de l’Iran malgré le maintien de relations diplomatiques avec lui, le Qatar, le Koweït et Oman préfèrent entretenir des relations harmonieuses avec Téhéran.

Dans le cadre de sa stratégie de sécurité régionale et internationale consistant à entretenir de bonnes relations avec la plupart des acteurs, le Qatar entretient depuis longtemps des relations amicales avec l’Iran. Ces liens se sont en effet renforcés depuis l’arrivée au pouvoir du cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, malgré l’hostilité de l’Iran à l’égard de la présence militaire américaine au Qatar et au Bahreïn. Le Qatar sert également de médiateur entre les États-Unis et les talibans. Il avait apporté secours aux réfugiés afghans lors du départ des forces américaines d’Afghanistan. Des soldats turcs sont aussi présents au Qatar.

Les relations du Qatar avec le Hamas et d’autres mouvements islamiques de la région, et l’aide considérable qu’il fournit pour la restauration de la bande de Gaza, dont certaines avec l’approbation d’Israël, augmentent également son image aux yeux des États-Unis en tant que médiateur potentiel dans le conflit israélo-palestinien.

À de nombreuses reprises, l’Iran s’est félicité du refus du Qatar d’adhérer jusqu’à présent aux accords d’Abraham, qui découle de sa politique régionale prudente et indépendante. Lors de la rencontre avec Assad à Téhéran le 8 mai, Khamenei a de nouveau critiqué les États régionaux qui ont normalisé leurs relations avec Israël. 

Enfin, les projecteurs sont aussi braqués sur les matchs de la Coupe du monde 2022 à Doha prévus du 21 novembre au 18 décembre 2022. L’équipe iranienne de football, considérée comme l’une des meilleures d’Asie, a déjà réservé sa place, elle devra jouer dans le groupe B, qui comprend également… les États-Unis et l’Angleterre.

Voir l’intégralité de l’article et ses références sur le site du Jerusalem Center:
https://jcpa.org/the-emir-of-qatar-went-to-iran-to-salvage-the-nuclear-deal/

 

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