Le problème des réfugiés – scénario possible au lendemain de l’Indépendance palestinienne
- Les divergences entre Israël et les Palestiniens sur la solution de la question des réfugiés sont profondes et elles ne peuvent être aplanies. Les Palestiniens exigent « une paix équitable », signifiant la reconnaissance du droit au retour et rejettent « une paix de compromis».
- La position palestinienne obtient un soutien de diverses organisations, palestiniennes et israéliennes, pour les droits de l’homme. Elle s’appuie sur des résolutions de l’ONU, confirmant le droit au retour comme « droit privé » pour chaque réfugié, ce qui signifie que pour les représentants du peuple palestinien (et non pour la ligue arabe et l’ONU) aucune autorité ne pourra renoncer à ce droit au nom des réfugiés.
- La formule « une solution équitable sera convenue conformément à la résolution 194 » est incluse dans l’initiative de paix arabe, mais elle ne reflète pas la volonté implicite au compromis palestinien possible en ce concerne le droit au retour. « Sera convenue » signifie qu’il faut imposer à Israël son acceptation d’appliquer les revendications palestiniennes au nom de « la Justice ».
- L’OLP et l’Autorité palestinienne continuent à favoriser au sein de la société palestinienne l’idée du retour des réfugiés. Ils écartent toute possibilité de réinstallation des réfugiés hors des camps et perpétuent le rôle de l’UNRWA comme expression symbolique et pratique à la revendication du retour.
- Selon le consensus palestinien, la non mise en œuvre du droit au retour perpétuera le conflit, et par conséquent la justification de poursuivre la lutte armée contre Israël restera en vigueur même après la création d’un Etat palestinien.
- Le transfert des postes frontaliers sous contrôle palestinien et/ou la création d’un Etat palestinien risque de conduire à une vague d’immigration/d’expulsion en masse de Palestiniens, principalement du Liban, de la Syrie, et de le Jordanie, vers le territoire palestinien et sans accord politique.
Le problème des réfugiés, pierre d’achoppement durant plusieurs décennies, risque donc d’éclater sur nombreux plans:
* Infiltration de Palestiniens dans le territoire israélien.
* Revendications juridiques de réfugiés devant des tribunaux israéliens et devant la Cour internationale de Justice de la Haye afin d’obtenir le droit au retour, la restitution des biens et indemnités.
* Focalisation de la lutte armée pour le droit au retour (Intifada de réfugiés)
*Escalade de la campagne diplomatique dans l’arène internationale pour imposer à Israël d’accepter le droit au retour (boycottage et Apartheid) - Israël devrait obtenir un soutien international solide dans le cadre des négociations sur le statut final. Il doit parvenir à un accord sur la base de frontières défendables et trouver une solution permanente au problème des réfugiés, basée principalement sur la naturalisation des réfugiés dans les pays d’accueil ou leur absorption dans le futur Etat de Palestine.
Le droit au retour a été exprimé clairement et à plusieurs reprises par tous les leaders palestiniens. Saeb Erekat, chef des négociations en cours, a affirmé lors d’une réunion publique avec les membres du mouvement du Fatah de la région d’Hébron, réunie le15 avril 2009: «
Le droit au retour est un droit privé pour tous les réfugiés palestiniens et personne ne pourra décider à leur place. Israël a une responsabilité historique sur la souffrance des réfugiés palestiniens et de l’attribution d’indemnités pour les dégâts subis et indemnités aux Etats qui les ont hébergés.”
Quant au président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, il insiste toujours sur la revendication d’une « une paix équitable».
Les propos d’Erekat sont compatibles aux positions du chef de l’OLP et de l’Autorité palestinienne et l’attitude de Mahmoud Abbas est tout à fait similaire à celle de Yasser Arafat, fondateur de l’OLP.
Lors du dernier sommet de Washington en présence de Netanyahou et le président Obama, réunis en septembre 2010, Mahmoud Abbas a réitéré dans son allocution et à trois reprises l’importance d’établir « une paix juste et équitable » et a déclaré que le peuple palestinien « a besoin plus que d’autres de sécurité, de justice et de paix ».
Le mot « compromis » n’a pas été mentionné par Mahmoud Abbas et ne figure nullement dans son attitude pour un règlement futur avec Israël et en particulier sur le problème des réfugiés. « Justice » rejette totalement « compromis » selon la conception basée sur la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Elle offre la légitimité juridique à la revendication du droit au retour des réfugiés palestiniens. Cette conception a été confirmée à maintes reprises pour pouvoir parvenir selon Mahmoud Abbas: ” à une solution politique globale et équilibrée qui assurera la sécurité et la stabilité à tous les peuples et Etats de la région, principalement à l’Etat de Palestine et à sa capitale, Al Kouds, Jérusalem l’éternelle. Elle garantira les droits des réfugiés palestiniens pour leur retour aux foyers, conformément aux résolutions juridiques internationales et notamment à la résolution 194 ».
Salam Fayyad non plus n’évoque pas le compromis comme base « à la solution juste et convenue » avec Israël et pense qu’Israël devrait reconnaître « la justice palestinienne » volontairement ou à contrecoeur. Dans un discours prononcé à la conférence des donateurs pour les camps des réfugiés à Nahr Al Bared au nord du Liban (23 juin 2008) Fayyad a déclaré: ” nous devons forcer Israël à accepter nos revendications et notamment l’initiative arabe pour la paix , qui a fourni une occasion historique à parvenir à une paix juste stable et globale pour tous les peuples de la région et ainsi aboutir à une solution juste et convenue pour le problème des réfugiés conformément à la résolution 194 mentionnée dans l’initiative arabe de paix ».
Le plan de Salam Fayyad pour la création d’un Etat palestinien publié en août 2009, éclaire sans équivoque que la réalisation de « la justice » palestinienne sur la question des réfugiés est une condition fondamentale à la paix, et par extension à la stabilité régionale et la sécurité. Dans un autre discours, prononcé dans le camp des réfugiés de Kalandia, situé dans le nord de Jérusalem, Fayyad souligne qu’une “paix durable ne sera pas établie sans solution au problème des réfugiés conformément aux revendications juridiques internationales et principalement à la résolution 194 ». Il a également déclaré à ce sujet que « le problème des réfugiés est le cœur du problème palestinien. La lutte politique de l’OLP dans sa patrie et en diaspora a pour but de réaliser tous les droits légitimes consacrés, au retour, à la liberté et à l’autodétermination dans le cadre d’un Etat palestinien indépendant établi sur toutes les frontières de 1967. ».
Marwan Barghouti, chef du Fatah en Cisjordanie, et qui purge aujourd’hui une peine de prison à vie pour avoir assassiner des civils israéliens, a rappelé dans une interview au journal « Al Hayat (28 septembre 2010), les principes de la loi du retour des réfugiés conformément à la résolution 194.».
Hussam Hader, l’un des chefs du mouvement Fatah à Naplouse a mis en garde « tout président (palestinien) qui signera au nom des réfugiés la renonciation du droit au retour… nous serons dans l’obligation de l’éliminer ou de se rebeller contre lui. »
Hannan Ashrawi, une autre représentante éminente considérée dans le « courant pragmatique » montre des positions semblables dans le consensus palestinien et insiste sur le droit au retour comme droit privé de chaque réfugié, c’est-à-dire que les représentants du peuple palestinien n’ont aucun pouvoir de renoncer à ce droit.
Pour Samir Abdullah, signataire de l’initiative de Genève de 2003 et ancien ministre du Travail et de Planification au sein de l’Autorité palestinienne, a déclaré dans une interview publiée le 12 avril 2008:
” Bien naturellement, nous ne renoncerons jamais à ce droit. Le retour des réfugiés est notre carte la plus importante dans les négociations et sa valeur en ce qui concerne le peuple palestinien est capitale.”
En février 2010, des signataires de l’initiative de Genève ont envoyé également une lettre ouverte à Mahmoud Abbas exprimant fermement leurs oppositions à la reprise des négociations avec Israël sans accord préalable sur la question du droit au retour.”
L’attitude de l’initiative arabe de paix à la question du droit au retour
L’initiative arabe de paix, adoptée lors du sommet des dirigeants des pays arabes à Beyrouth (mars 2002), a présenté les principes du règlement du conflit israélo-arabe, et a inclus leur attitude au problème des réfugiés palestiniens. Dans l’article relatif à ce sujet, nous pouvons lire:« nous devons trouver une solution juste au problème des réfugiés palestiniens, sur laquelle elle sera conforme à la résolution 194 de l’assemblée générale de l’ONU » et « nous rejetons toutes les formes de citoyenneté aux Palestiniens, contredisant les circonstances particulières des pays arabes d’accueil ».
Le président syrien Assad a déclaré que le droit au retour est un droit privé pour tout réfugié et n’est pas un sujet attribué à aucun gouvernement ni même à un palestinien qui n’est pas réfugié, et donc les décisions du sommet de Beyrouth ne peuvent en aucun cas atteindre le droit au retour.
Tous les Etats arabes où résident des Palestiniens définis comme réfugiés soutiennent sans contestation le droit au retour. le Liban adoptent une politique traditionnelle qui précise clairement que les camps des réfugiés dans leur territoire sont provisoires et que les réfugiés retourneront en Palestine lorsque les conditions seront mûres. Le régime jordanien s’est déconnecté de la Cisjordanie en 1988 et a accordé des passeports jordaniens à tous les réfugiés mais a déclaré qu’après la création de l’Etat palestinien les réfugiés devront décider s’ils préfèrent devenir des citoyens jordaniens ou retourner en Palestine.
L’expulsion massive de population palestinienne a bien eu lieu durant ces trois dernières décennies. Le Koweït a expulsé 400 mille Palestiniens après la première guerre du Golfe pour avoir soutenu l’Irak de Saddam Hussein. La Libye avait ordonné l’expulsion de 30 mille Palestiniens mais en fin de compte est revenue sur sa décision suite à la fondation de l’Autorité palestinienne. L’Irak a expulsé des dizaines de milliers de Palestiniens suite à la chute du régime de Saddam Hussein en 2003.
En conclusion, le problème des réfugiés demeure au cœur du conflit et selon le point de vue palestinien représente une carte maitresse. Les Palestiniens pourront l’utiliser sur le plan démographique en épuisant tous les arguments israéliens. Suite à la création de l’Etat palestinien et à long terme, cette carte jouera en leur faveur à fin de pouvoir l’assimiler dans l’Etat de Palestine étendue de la “mer au fleuve”.
Dans ce contexte, Israël devrait obtenir un soutien ferme de la communauté internationale pour que sur le règlement final avec les Palestiniens un accord sera signé sur la base de frontières défendables avec une solution définitive au problème des réfugiés. Il devrait mentionner clairement leur naturalisation dans les pays d’accueil ou leur absorption dans le futur Etat de Palestine.