Le “printemps arabe” et le combat anti-terroriste
La Troisième Guerre mondiale vient d’être déclenchée. Une guerre non seulement idéologique mais une guerre de religions. Non pas entre l’Islam et le reste du monde, mais d’abord et avant tout, une guerre au sein même de l’Islam. Un combat de la culture islamique radicale contre le reste du monde, voire la majorité des Musulmans à travers la planète.
John Brennan, conseiller à la Maison Blanche du contre-terrorisme, a déclaré récemment: ” les Islamistes et les Djiadistes ne sont pas nos ennemis ». En réponse, j’ai publié un article dans le Jerusalem Post pour expliquer que les dirigeants arabes modérés savent parfaitement que les Djiadistes et les Islamistes sont nos ennemis. En affirmant que les Islamistes et les Djiadistes ne sont pas nos ennemis, les Etats-Unis – fer de lance de l’Occident- et protecteur des valeurs libérales dans le monde – transmettent dans ce sens et à travers le monde un message confus à leurs alliés.
Dans la compétition qui est déclenché entre l’axe iranien et l’axe pragmatique, c’est bien l’axe iranien qui l’emporte. Le Hezbollah devient plus fort au Liban et le Hamas accumule du pouvoir et marque des points à Gaza au nom de l’axe iranien. La décision de la Turquie d’opter pour l’axe iranien est limpide.
Condoleeza Rice, ancienne Secrétaire d’Etat de l’administration Bush, a dévoilé récemment que dans son prochain ouvrage elle fera référence à l’un des piliers de la politique étrangère américaine : Introduire la démocratie au sein du monde musulman. Mon nouveau livre sur le même sujet développera l’idée inverse. Il insistera sur la manière dont les terroristes et les fondamentalistes abusent le système démocratique d’un Etat dans le but de promouvoir leurs propres objectifs. Quand les fondamentalistes emportent un scrutin dans le cadre d’élections démocratiques, le résultat n’est que pour élire un seul leader, pour un seul vote et une seule fois.
L’équation du terrorisme engendre deux facteurs: la motivation et la capacité opérationnelle. Lorsqu’un groupe d’individus disposent aussi bien de la motivation de mener des attentats terroristes que de la capacité opérationnelle pour le faire, on est sur le point de lancer des attaques terroristes.
Dans l’équation du contre-terrorisme nous agissons pour réduire la motivation, soit la capacité opérationnelle. La solution ultime consiste à faire face à ces deux facteurs simultanément. Dans la littérature anti-terroriste, il n’existe qu’une seule manière de réduire la capacité opérationnelle des terroristes, c’est simplement pouvoir les attaquer. Toutefois, cette mission accomplie augmente la motivation car ils mèneront des représailles.
Israël est un cas exemplaire dans le monde. Nous représentons un Etat qui est conscient de la nécessité de combattre la capacité opérationnelle des terroristes, et qui réussit dans ses opérations en se basant sur un renseignement très efficace et sur ses facultés défensives.
Cela dit, nous aurions pu faire beaucoup plus durant ces deux dernières décennies pour contrer les motivations qui mènent au terrorisme, tel pour exemple, les activités entre les individus et leurs interactions. Parmi les Palestiniens, beaucoup nous haïssent, mais comprennent, en même temps que nous sommes condamnés à coexister ensemble et pouvoir surmonter les obstacles de chacun. Cela ne suffirait pas à mettre un terme définitif au conflit et à résoudre les débats houleux et politiques, mais, dans la même veine, il est impératif d’atténuer les flammes de la haine et d’instaurer une plateforme adéquate en vue de construire une solution politique.
Suite aux attentats spectaculaires du 11 septembre 2001, l’Amérique s’est focalisée à réduire la capacité opérationnelle des terroristes. Cela a provoqué une guerre en Afghanistan et en Irak. L’objectif était destiné contre al Qaeda, les Djiadistes et les terroristes à travers les continents. Cependant, les Américains n’ont pas prêté suffisamment d’attention au besoin simultané de faire face à la manière de contrer les motivations qui acheminent à devenir terroriste.
Dans l’article que j’ai publié dans le Jérusalem Post intitulé : « Si le Jihad mondial n’est pas notre ennemi, alors qui est-t-il?». J’expliquais que le Président Moubarak tout comme le Roi Abdallah de Jordanie et les autres dirigeants arabes modérés savent pertinemment que les Djiadistes et les Islamistes sont nos ennemis.
Certes, al Qaeda, souhaite à établir un Califat islamiste, un état islamique radical qui contrôlerait le monde entier et qui sera gouverné par la seule loi de la Charia, mais d’ores et déjà, il réussit à réaliser ses buts intermédiaires, en gagnant les cœurs et les esprits qui adhèrent à sa version de l’Islam. Tant que la vaste majorité des Musulmans n’a pas adhéré à cette vision, la tendance restera négative, et les gens qui y adhéreront seront plus nombreux. Sur le plan historique, les Islamistes sont en train de gagner cette guerre.
Les récentes turbulences au Moyen-Orient ne résultent pas d’une initiative américaine, mais je dirai que les Etats-Unis sont, d’une certaine manière, responsables du fait que leur politique concernant la démocratisation des régimes est obsessionnelle. Les fondamentalistes abusent le système démocratique dans le seul but de promouvoir leurs objectifs. Hélas, la seule manière de se débarrasser d’eux n’est que par la violence.
La démocratie ne se construit pas seulement à travers des élections libres. Comme disait Pierre Mendes France, “la démocratie est d’abord un état d’esprit”, un ensemble de valeurs. La démocratie implique les droits de l’homme et les droits de la femme. Lorsque des peuples sont exposés à l’incitation et à l’endoctrinement durant de longues années, cela conduit directement à penser que devenir un chahid, voire une bombe humaine, est un but capital pour chaque jeune patriote palestinien. Ne soyez donc pas surpris si, lorsque vous leur imposez des élections libres, ils voteront Hamas.
Les troubles au Proche-Orient et en Afrique du Nord n’ont pas été planifiés. Ils représentent une rébellion populaire contre les régimes et ont réussi à faire boule de neige. Chaque adolescent frustré observant Al Jazeera – qui joue d’ailleurs un rôle négatif dans ce processus- suivra le mouvement de révolte dans son pays.
Les révolutions islamiques se comportent selon deux modèles différents. L’un est le modèle iranien – une révolution rapide. A Téhéran, 36 jours seulement séparent le gouvernement de Chapour Bakhtiar avec la prise du pouvoir par Ayatollah Khomeiny. Le deuxième modèle est celui du Hezbollah et de la Turquie. Au Liban, la révolution islamique chiite du Hezbollah, dure déjà 15 ans. La Turquie se situe, également, à mi-chemin avec un processus à long terme.
En Turquie, les Islamistes partent d’un point différent de celui des pays arabes. Rappelons que les Turcs n’étaient pas des fondamentalistes et que les Iraniens étaient avant l’avènement de Khomeiny, pro-occidentaux, pragmatiques et opposés au fanatisme. Au fond d’eux-mêmes, les Iraniens ne sont pas des fondamentalistes.
Quant aux Egyptiens s’ils choisissent, lors d’élections libres, un leader libéral et modéré capable de satisfaire les attentes du public égyptien, d’améliorer les conditions néfastes de la société égyptienne, et de transformer la donne démographique et notamment le fait que chaque année un million de bébés naissent en Egypte, la révolution aura réussi, mais j’ai tendance à penser que la frustration se fera sentir au moment où le nouveau gouvernement ne parviendra pas à améliorer les conditions de vie. Ainsi, il achèvera son mandat rapidement et cédera sa place en faveur de la confrérie des Frères Musulmans.
Comment pourra-t-on changer ces conséquences négatives? J’appellerai d’urgence à instaurer un second Plan Marshall, identique à ce qui s’est produit à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce Plan devrait aussi être employé à soutenir les autres régimes pragmatiques qui n’ont pas encore été confrontés à une rébellion interne. L’argent devrait également provenir de sources musulmanes, de l’Arabie Saoudite et des pays du Golfe. On devrait aider ces pays pragmatiques à améliorer le niveau de vie et à y introduire des valeurs démocratiques en employant une approche pédagogique et positive. Seuls les Musulmans peuvent et doivent interpréter l’Islam d’une manière pragmatique et moderne.
Cet article est basé sur une récente conférence de Boaz Ganor au JCPA- CAPE devant le corps diplomatique, attachés militaires et correspondants étrangers.