Le prétentieux ultimatum de Fabius et le vote inutile au Parlement

freddy_eytanLe vote non contraignant au Parlement concernant la reconnaissance de l’Etat palestinien n’est pas habituel en France. Rarement l’Assemblée ou le Sénat n’ont voté sur une reconnaissance d’un Etat car c’est en effet une prérogative de l’exécutif, du gouvernement. Soulignons que depuis le général de Gaulle en 1958, la politique étrangère de la France est un « domaine réservé » de l’Elysée, et il est fort étonnant que le parti socialiste au pouvoir initie cette bizarre aventure. Imaginons demain, un débat à la Knesset sur l’indépendance du pays Basque, de la Bretagne ou de la Corse … Comment le gouvernement français aurait réagi à une déclaration favorable de Netanyahou sur ce sujet ? Ne s’agit-il pas très justement d’une intervention directe des affaires intérieures d’un pays étranger ?

Le discours moraliste de Fabius et le vote inutile du Parlement reflètent en effet une véritable frustration et un grand désarroi au sein de la classe dirigeante française. Comment la France qui a été en 1974, voilà déjà 40 ans, la première puissance occidentale à reconnaitre l’OLP et l’autodétermination du peuple palestinien n’a pas réussi à ce jour à exercer des pressions sur Israël pour qu’il se retire de « tous les Territoires », et n’a pas imposé une solution définitive au conflit. Malgré la position constante de la diplomatie française sur ce sujet épineux, c’est sans doute frustrant de constater l’échec ! Mais Paris n’en démords pas ! Entêtée, la France cartésienne et riche en idées et en méthodes, trouve une nouvelle formule : d’abord un vote au Parlement et au Sénat, et puis, nous dit le chef de la diplomatie française « on ira aux Nations-Unies pour essayer de faire adopter une résolution du Conseil de sécurité… si au bout de deux ans cette ultime tentative de solution négociée n’aboutit pas ? Alors, nous dit Laurent Fabius, il faudra que la France prenne ses responsabilités, en reconnaissant sans délai l’Etat de Palestine.» Merci de prendre en considération l’échec de l’ultimatum des « 9 mois » du président Obama et de nous accorder un délai plus long, de deux ans !

Le discours de Fabius est bourré de contradictions. Il dicte à la fois un calendrier, adopte la politique de Mahmoud Abbas et impose une solution dont les contours,selon lui, sont depuis longtemps connus. En mettant la charrue avant les bœufs n’écarte t-il pas la paix et toute solution viable ? Plus grave encore, n’encourage-t-il pas les saboteurs de toute solution et les extrémistes de tous bords y compris ceux installés aujourd’hui en France ? Nicolas Sarkozy avait bien compris le dilemme et a déclaré à juste titre : comment reconnaître l’Etat de Palestine après le dernier massacre de quatre rabbins dans une synagogue de Jérusalem ?!

Fabius nous dit avec superbe : « je commencerai sur ce sujet par une évidence : la France est l’amie à la fois du peuple israélien et du peuple palestinien et ceci devrait guider le fond et le ton des prises de position. Nos seuls ennemis dans cette région sont les extrémistes et les fanatiques qui, de chaque côté entravent la marche vers la paix… » Comment mettre à égalité les deux peuples ? Comment faire la comparaison avec le Hamas, les Islamistes et Daesh ? Avec un peuple juif trois fois millénaire sur sa terre et un nouveau peuple palestinien dont la moitié de la population est représentée par un mouvement terroriste qui prône la destruction de l’Etat juif ?!

La « logique » du Quai d’Orsay n’est pas nouvelle puisque le site officiel de France-Diplomatie associe toujours les « Territoires Palestiniens » dans sa rubrique Pays… Pour ainsi dire, Israël n’est pas un Etat souverain,et sa capitale Jérusalem n’est toujours pas reconnue puisque elle est aussi celle de la Palestine…

Et puis, Fabius dit aux parlementaires avec conviction et beaucoup de prétention : « La question qui se pose à nous n’est donc pas celle des principes, puisque celle-ci est tranchée, mais celle des modalités : quand et comment ? Plus largement, quelle méthode pour essayer d’aboutir concrètement à la paix ? Nous ne voulons pas d’une reconnaissance symbolique qui n’aboutirait qu’à un Etat virtuel. Nous voulons un Etat de Palestine réel ! La conséquence logique de notre position est claire et je l’exprime clairement : la France reconnaîtra l’Etat de Palestine. Cette reconnaissance je l’ai dit, ce n’est pas une faveur, un passe-droit, c’est un droit. »

Le chef de la diplomatie française pense donc que les principes fondamentaux de la nation juive et les revendications israéliennes sur les questions sécuritaires existentielles ne sont que des modalités ? Il admet que le vote à l’Assemblée est bien symbolique et qu’il aboutirait à un Etat virtuel, mais dans la même veine, il assure sa reconnaissance en imposant des frontières et une capitale ? C’est absurde et pathétique !

Freddy Eytan