Le président français intervient-il dans la campagne électorale israélienne ?
Un voyage de Naftali Bennet en France était prévu de longue date mais la dissolution de la Knesset a bouleversé toutes les cartes politiques…Yair Lapid profite de l’occasion et saute dans le premier avion à destination de Paris…
Certes, le nouveau Premier ministre a été accueilli chaleureusement avec tous les égards et les honneurs par son ami Emanuel Macron mais personne n’est dupe, le président français semble intervenir dans la campagne électorale israélienne. Sur le perron de l’Elysée, il a osé « choisir » devant les micros, les caméras et les projecteurs, « le meilleur » Premier ministre de l’Etat d’Israël…pour la France…
La passion l’emportait sur la raison, sur le respect des formes, sur les règles du protocole…Accolades et embrassades exagérées devant une Garde républicaine aux garde-à-vous impeccables.
Macron flatte l’amour-propre et l’orgueil de Lapid et lui dit sur le dossier palestinien : « Je sais combien vous pouvez marquer l’histoire en relançant un processus en panne depuis trop longtemps. Je sais les difficultés, je n’ignore pas les obstacles, je sais aussi tous les raccourcis qui sont parfois faits mais je sais d’expérience, et je peux en témoigner, que vous avez l’étoffe de celui qui peut relever ce défi. »
Jean de La Fontaine disait : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. » …
Louanges sincères ?! Intéressées ?! Calculées ? Manipulées ?… En fait, Macron a surpris Lapid et l’a mis dans un grand embarras.
Il semble que Macron préfère un leader israélien « plus flexible et moins intransigeant » que Nétanyahou sur le projet nucléaire iranien et le conflit israélo-arabe. Il souhaite offrir aux Palestiniens un Etat indépendant, aligner ainsi Lapid à la position française pour pouvoir jouer le rôle intermédiaire et s’inscrire avec lui dans les pages de l’Histoire…
Et 48 heures plus tard, Lapid prend le téléphone et appelle pour la première fois le chef de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas…
Le président français a le mérite d’avoir l’objectif de redorer le blason de la France en tant que puissance politique, économique et culturelle. Il agit parfaitement dans ce sens avec audace et détermination.
Ce n’est pas la première fois que Lapid part à Paris lors d’une campagne électorale. Il y a juste deux ans, le 3 juillet 2019, Macron avait invité Lapid, chef de l’opposition, 4 jours seulement avant l’ouverture des urnes en Israël. Lapid a été aussi le premier leader étranger à saluer la deuxième victoire du président Macron avant même l’annonce des résultats officiels le qualifiant « ami sincère de l’Etat d’Israël. »
Pourtant le président Macron n’a pas effectué à ce jour une visite officielle d’Etat, en Israël. Il était venu en tant que ministre des Finances le 7 septembre 2015, puis, Président de la république, il avait assisté le 22 janvier 2020 à Jérusalem, aux cérémonies sur la Shoah avec une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement.
Rappelons qu’Emmanuel Macron est déjà intervenu dans une campagne électorale israélienne puisqu’il avait invité à Paris le président Rivlin le 22 janvier 2019, connaissant parfaitement ses « opinions « sur Nétanyahou…
Au-delà de l’importance des discussions sur les dossiers brûlants et la consolidation des relations bilatérales, la visite éclair de Lapid à Paris semble avoir aussi un but précis : influencer le vote des Israéliens francophones.
Si c’est le cas, il s’agit bien entendu d’une ingérence grave et inadmissible de la part du président français. Lapid veut en tirer profit personnellement, contrairement à toute éthique politique et diplomatique.
On ne reproche pas à l’actuel Premier ministre de rencontrer des hommes politiques étrangers. C’est tout à fait légitime et normal mais de s’abstenir de le faire durant une campagne électorale. Nous avons connu dans le passé des rencontres informelles et amicales de François Mitterrand ou de Bill Clinton avec Shimon Pérès.
Lapid avait déjà commis une erreur d’interférence en soutenant le candidat Macron aux élections présidentielles de 2017.
Macron recherche un processus diplomatique « nouveau et original ». Une initiative audacieuse qui ramènera la France sur le devant de la scène internationale et de l’activité politique au Moyen-Orient.
Depuis le retrait du président Donald Trump de l’accord nucléaire JCPOA le 8 mai 2018 et la reprise de sévères sanctions contre l’Iran, le président Macron s’était lancé dans une nouvelle offensive diplomatique. Le Sommet du G7 qui s’est tenu récemment lui a offert une bonne occasion de soulever l’avenir du projet nucléaire iranien et de lever les sanctions.
La France craint que l’isolement de l’Iran sur la scène internationale ne durcisse sa position, ce qui pourrait compliquer encore la situation géopolitique en Syrie, en Irak et au Yémen. Elle craint également que les relations plus étroites entre l’Arabie saoudite et Israël ne conduisent à un futur affrontement militaire avec l’Iran.
Toutefois, il ne fait aucun doute que la principale motivation du président Macron est économique et la préservation des intérêts de la France.
Sur le dossier libanais, la France fait la distinction nette entre « le Hezbollah politique » et sa « branche militaire ». Elle ne pense pas qu’il soit possible de désarmer le Hezbollah car les chiites font partie d’un gouvernement multiconfessionnel. Paris s’inquiète de l’instabilité et de la crise économique au Liban et de l’effondrement de son système bancaire. La France s’efforce d’empêcher une nouvelle guerre civile dans le pays du Cèdre. Cette préoccupation concerne non seulement l’avenir du Liban, mais également le fait qu’une guerre civile entraînerait un nouvel afflux massif de centaines de milliers d’immigrés sur le territoire français.
Enfin, nous devrions reconnaître que durant le premier mandat d’Emanuel Macron les relations bilatérales se sont améliorées dans tous les domaines et elles demeurent au beau fixe. Contrairement à ses prédécesseurs, Macron n’a pas provoqué de crise inutile entre Jérusalem et Paris.
Nous espérons que le président français poursuivra cette politique amicale et continuera à lutter contre la délégitimation et tous les boycottages, notamment contre le BDS.
Nous souhaitons toujours un changement positif de la part de la France concernant le conflit avec les Palestiniens et sur la menace iranienne. Nous lui demandons aussi de faire des gestes concrets et légitimes comme une reconnaissance de Jérusalem et des frontières défendables pour l’Etat Juif.