Le Plan américain – les vrais enjeux
Le 15 juin 2020, l’Ambassadeur Dore Gold, président du JCPA-CAPE de Jérusalem était l’invité du AJC Global Forum avec la participation de nombreuses personnalités dont le Premier ministre alternant, Benny Gantz ainsi que Mohamed Bin Abdulhakim Al Issa, Secrétaire général de la Ligue musulmane internationale.
Voici les interventions de Dore Gold. Adaptation en version française de Freddy Eytan:
Pourquoi le débat est si vif et si passionnel ? Quels sont les enjeux du plan américain sur ce territoire disputé ?
Suite à la résolution 181 de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le partage de la Palestine mandataire et le refus des Arabes d’accepter ce plan, la Jordanie a annexé unilatéralement ce territoire en 1950 en transformant les noms « Judée et Samarie » par le terme « Cisjordanie ».
En fait, il s’agit d’une bataille sur la terminologie. Elle reflète ainsi les enjeux de la dispute territoriale jusqu’à ce jour.
Pourquoi l’avenir de la Judée et la Samarie est-il si important pour Israël ? La première raison est sa localisation géostratégique puisque ce territoire est adjacent à la plaine côtière d’Israël, où vivent plus de 70% de notre population et 80% de notre capacité industrielle. Sa superficie est moins de 6000 kms carrés soit la moitié de l’Ile de France…sa largeur maximale n’est que de 64 kms seulement, la distance entre Marseille et Toulon….
Il ne faudrait que 90 secondes à un avion de combat pour traverser l’espace aérien de ce territoire et attaquer l’Etat Juif. Si ce territoire stratégique tombait entre les mains de nos ennemis, il va de soi qu’il représenterait une véritable menace pour la survie de l’État d’Israël.
Au départ, nous avons cru que nos retraits territoriaux réduiraient les intentions hostiles de nos ennemis, mais notre amère expérience depuis le désengagement de la bande de Gaza en août 2005 nous a prouvé le contraire. Le nombre de roquettes lancées depuis la bande de Gaza vers les villages israéliens était passé en 2006, une année seulement après notre retrait, de 179 à 946 roquettes et missiles.
Le terme « annexion » est au cœur d’un débat politique houleux et suscite la polémique. Pourquoi ?
Bien entendu, l’annexion résultant d’une agression est inacceptable. Pour exemple, l’invasion turque de Chypre est un acte d’agression comme celle de l’invasion russe en Crimée.
Toutefois, est-il correct de qualifier les décisions israéliennes comme annexion de la Cisjordanie ? Pouvez-vous annexer un territoire qui a déjà été désigné comme le vôtre ?
Il va de soi que l’Histoire d’Israël est complètement différente.
Il y a juste cent ans, lors de la Conférence de San Remo, les puissances alliées victorieuses de la Première Guerre mondiale avaient divisé l’Empire ottoman et proposé des mandats. Le territoire qui devait devenir la Palestine mandataire britannique était déjà désigné comme futur foyer national juif. La diplomatie britannique avait ouvert la voie, non seulement à l’émergence d’Israël en 1948, mais aussi à l’ensemble des États arabes.
L’idée de créer un Foyer national juif a était appliquée et soutenue par une grande partie de la communauté internationale et puis par l’article 80 de la Charte des Nations Unies. En 1920, La Grande Bretagne, avec son Premier ministre Lloyd George a joué un rôle significatif dans la protection des droits nationaux aux Juifs. Aujourd’hui, 100 ans plus tard, les dirigeants britanniques devraient suivre ce noble exemple.
En plus de la désignation de ces territoires comme faisant partie du Foyer national juif, il faut surtout se rappeler que la Cisjordanie a été conquise par Israël, en juin 1967, lors d’une guerre de légitime défense. C’est là toute la différence.
Dans ce contexte, il serait plus correct de ne plus utiliser le terme « annexion » mais plutôt « l’application de la loi israélienne à certaines parties de la Cisjordanie ».
Rappelons que le 10 juillet 1967 quand Israël venait de réunifier Jérusalem-Est à Jérusalem-Ouest, le Pakistan avait rédigé une résolution à l’ONU, en condamnant cette « annexion ». Notre ministre des Affaires étrangères, Abba Eban, avait répondu au Secrétaire général de l’ONU, que ce terme est incorrect et « hors de propos » et donc il est préférable de dire « l’extension de la loi et de la juridiction israéliennes » à Jérusalem-Est.
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) définit également « l’annexion » comme « un acte unilatéral d’un État par lequel il proclame sa souveraineté sur le territoire d’un autre État ». Mais la Cisjordanie appartenait-elle vraiment à « un autre État ? Soulignons que seuls le Royaume-Uni et le Pakistan y reconnaissaient la souveraineté jordanienne sur ce dit territoire.
Selon le Statut de la Cour pénale internationale (CPI) cette « annexion » israélienne est un crime de guerre. Je vous demande donc : Israël devrait-il accepter cette étrange formule ? L’Union soviétique n’avait-elle pas déjà essayé de nous faire qualifier d’agresseur en 1967 au Conseil de sécurité des Nations Unies puis à l’Assemblée générale ? Elle a fortement échoué au sein des deux instances.
En 1967, quand Israël a conquis la Cisjordanie, il était évident que ce n’était pas un acte d’agression, mais plutôt considéré comme une victime d’agression agissant en état de légitime défense.
Un autre défaut du débat actuel est la tendance à appeler l‘ « annexion » des pans de la Cisjordanie « acte unilatéral ». Soulignons qu’il s’agit d’un plan américain dans lequel les deux parties gagneront et en tireront bénéfice. Nous obtenons donc 30% de la Cisjordanie et les Palestiniens 70%. Ce n’est pas sans doute pas un gain unilatéral pour Israël. Il s’agit finalement d’un compromis territorial.
Il y a ceux qui insistent pour qu’Israël se retire de chaque mètre carré de ce territoire. Ont-ils oublié la fameuse Résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations Unies adoptée le 22 novembre 1967, avec son appel à un retrait « de territoires » et non «de tous les territoires », selon la version française qui fut rejetée par tous les gouvernements israéliens.
L’ancien Premier ministre travailliste, Yitzhak Rabin, souhaitait vivement conserver ce territoire, et notamment la vallée du Jourdain. Il avait déclaré à la Knesset, le 5 octobre 1995, un mois avant son assassinat :
« La frontière de sécurité de l’État d’Israël sera située dans la vallée du Jourdain, au sens le plus large du terme. »
Il a précisé très clairement : « Les frontières définitives de l’État d’Israël seront au-delà des lignes qui existaient avant la guerre des Six Jours. Nous ne reviendrons pas aux lignes du 4 juin 1967 ».
Rabin avait donc soutenu la formule du compromis territorial. Nous devrions donc adopter ce point de départ aujourd’hui aussi.