Le phénomène des collaborateurs contre le Hamas
Depuis 1996, date des attentats spectaculaires perpétrés par des « bombes humaines », le Shin Beit, des unités spéciales de l’armée et de la police des frontières, ont réussi à pénétrer au sein des cellules des terroristes du Hamas.
Ainsi, le 5 janvier 1996, Israël élimine l’ennemi public numéro un, celui qu’on appelait « l’ingénieur », Hiyé Hayash, l’artificier du Hamas responsable de nombreux attentats dans les bus et restaurants à Tel-Aviv et Jérusalem.
Le 22 mars 2004, un hélicoptère de Tsahal tire plusieurs missiles sur la voiture de Cheikh Yassin, le chef spirituel du Hamas. Un mois plus tard, Abdel Aziz Rantissi, l’un des cofondateurs du Hamas est également assassiné.
Récemment, lors de la dernière escalade dans la bande de Gaza, Tsahal a mené une opération ciblée contre Hamed Hamdan al-Khodari. Il était propriétaire de plusieurs bureaux de change dans la bande de Gaza et les utilisait pour transférer depuis l’Iran d’importantes sommes en liquide, au Hamas, au Jihad islamique palestinien et à d’autres groupes terroristes.
Ces attaques ciblées prouvent que les méthodes d’action des services du renseignement israélien gagnent chaque jour du terrain dans la bande de Gaza. Le Hamas est surtout fort inquiet par le phénomène de la collaboration des Gazaouis avec Israël.
Les chefs du Hamas utilisent le mois du Ramadan pour rechercher les collaborateurs et les punir. Le Hamas a été très surpris de l’ampleur du fléau lors de la découverte, le 16 décembre 2018, d’une unité de commandos de l’armée israélienne opérant dans la région de Khan Younes.
Tsahal et ses différents services et unités ne peuvent sans doute opérer, ou cibler ponctuellement et avec précision, sans les renseignements fournis par des agents et des collaborateurs palestiniens travaillant pour-eux sur le terrain.
Soulignons qu’Israël réussit à utiliser des agents à Gaza malgré les lourdes punitions imposées par le Hamas. Les collaborateurs sont traduits en justice par un tribunal martial et sont exécutés sur le champ ou pendus en place publique.
Le Hamas utilise donc le mois de Ramadan à son avantage pour jouer sur les sentiments religieux des collaborateurs d’Israël.
Le 17 mai 2019, le site du Hamas, Al-Majd, a appelé tous ses collaborateurs à se repentir et à revenir dans le giron du peuple palestinien.
Apparemment, ce qui dérange le Hamas, c’est la méthode sophistiquée utilisée par les services de renseignement israéliens pour recruter des agents et des collaborateurs dans la bande de Gaza sans toutefois qu’ils ne laissent d’empreintes digitales, et sans même savoir s’ils travaillent pour l’État d’Israël.
Un autre site du Hamas, Al-Risalah, a publié le 19 mai 2019 un article de Rami Abou Zubaydah intitulé « Soyez sur vos gardes contre tout recrutement clandestin ! ».
L’article détaille les différentes méthodes utilisées par les services israéliens pour recruter des habitants de Gaza. Tous ceux qui croient innocemment qu’ils ne transmettent aucune information pouvant servir l’État d’Israël. Les personnes recrutées transfèrent ces informations via les réseaux sociaux ou par le biais de sites de recherche et d’entreprises.
Selon l’auteur de l’article, les services israéliens recrutent par la ruse des agents et les paient généreusement pour leur collaboration. Ces agents palestiniens pensent travailler pour l’un des organes suivants :
- Une chaîne de télévision ou un site d’information ;
- Un institut de recherches ;
- Une organisation d’aide humanitaire ;
- Une organisation international ;
- Une campagne positive sur Internet.
La campagne est menée par un tiers en utilisant des slogans « agréables à l’oreille »…
Exécution de “collaborateurs” d’Israël dans les rues de Gaza en 2014
La méthode du « courrier involontaire » ou de « l’agent involontaire » n’est pas nouvelle. Les services de renseignement israéliens ne sont pas les seuls à l’employer. Plusieurs services secrets l’utilisent également. Celle-ci est compliquée et difficile à découvrir si elle est planifiée et organisée minutieusement à l’avance.
Contrairement au recrutement d’agents et de collaborateurs par les services d’espionnage, l’espion involontaire et malgré lui, ne sait rien, en réalité, de sa vraie « mission » et fait son travail en toute innocence. Par conséquent, lorsqu’il est démasqué, il est évidement sous le choc le jour où ses ravisseurs l’informent qu’il travaillait sans le savoir comme agent au profit d’Israël.
Il est possible que les services israéliens aient davantage recours à cette méthode pour pouvoir recruter des agents. Le choix de la méthode a été pris à la suite d’une vague d’arrestations menées par l’appareil de sécurité du Hamas à Gaza pour localiser le réseau des collaborateurs qui avaient aidé la fameuse unité des forces spéciales de Tsahal dans la région de Khan Younès.
« Le renseignement humain » dans la terminologie des services secrets est une méthode efficace de collecte d’informations précises. Pour obtenir le maximum de crédibilité dans les renseignements et accomplir des missions en temps réel on ne peut uniquement compter sur des moyens électroniques ou visuels ou sur des informations publiées dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Seuls des agents sur le terrain peuvent créer une image complète du renseignement permettant de pénétrer dans le sacro-saint des organisations terroristes à Gaza.
Parfois, de simples informations innocentes fournies par un « agent involontaire », à son insu, sont la cause du succès d’une opération de renseignement.
L’auteur de l’article sur le site Al-Risala met en garde les habitants de Gaza pour ne pas donner d’informations gratuites sur les réseaux sociaux pouvant servir à l’ennemi israélien.
Cependant, selon certains experts chargés de cyber-sécurité, il est très facile de faire « tomber dans le piège » les titulaires de comptes Facebook et Twitter car la tentation à l’appât du gain est grandissante.
Yoni Ben Menahem
Pour citer cet article
Yoni Ben Menahem, « Le phénomène des collaborateurs contre le Hamas », Le CAPE de Jérusalem, publié le 28 mai 2019: http://jcpa-lecape.org/le-phenomene-des-collaborateurs-contre-le-hamas/
Photo de couverture : Elimination ciblée de dans les rues de Gaza de Hamed Hamdan al-Khodari, en mai 2019 (capture d’écran Arab Press).
NB : Sauf mention, toutes nos illustrations sont libres de droit.