Le champ libre des Islamistes en Afrique

Jacques Neriah

Le 1er février 2021, dans la base aérienne123 Orléans-Bricy, le Directeur général de la sécurité extérieure, Bernard Emié, a prononcé un discours d’une rare fermeté :

« En matière de terrorisme, nos ennemis ne connaissent pas de frontières.» « Le fanatisme guerrier qui se développe à des milliers de kilomètres a des répercussions directes, ici, en France. En tant que service de renseignement et d’action, la mission de la DGSE est claire : protéger la sécurité des Français. C’est pour cela que nous devons combattre le terrorisme là où il prend racine. Et avec les terroristes, on ne discute pas. On combat ! »

Bernard Emié, diplomate chevronné, ancien ambassadeur en Algérie, au Royaume-Uni, en Turquie, au Liban et en Jordanie précise clairement :  « Daesh au Sahel est particulièrement actif dans la zone des trois frontières entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, qu’on appelle le Liptako. Il s’agit d’un espace grand comme un quart de la France. Un quart de la France ! Et nous cherchons là quelques centaines d’individus à peine, très mobiles, à moto ou en pick-up, qui se tiennent en embuscade. Ils sont plusieurs centaines de combattants à mener une guerre totale et sanglante. Daesh commet des atrocités d’une sauvagerie inouïe. »

« Le deuxième groupe que nous combattons, c’est Al Qaïda au Maghreb islamique. Al Qaïda au Maghreb islamique c’est une coalition de groupes terroristes réunis sous la bannière noire d’Al Qaïda et dirigés par les successeurs d’Oussama Ben Laden. »   

Sahel

Sahel (Voice of America)

« Sous l’égide du terroriste malien Iyad ag Ghali, ancien mercenaire touareg devenu un émir renommé au sein d’Al Qaïda, ils tentent d’apparaître comme plus présentables en se dissimulant parmi les populations, tout en enrôlant de force des jeunes désœuvrés.

« Sur une photo prise en mars 2017, Iyad ag Ghali est entouré par ses quatre principaux lieutenants. Chacun d’eux a enrôlé des combattants issus des communautés maliennes, aujourd’hui captives des djihadistes : des Arabes notamment de Tombouctou et de Gao, des Touaregs ou encore des Peuls du Massina. »

« Ces individus sont des assassins. Ils ont tenté de semer le chaos au Sahel. Et depuis le Mali, ils ont travaillé à des attaques contre nous, ils ont travaillé à des attaques contre nos partenaires africains, ils réfléchissent à ces attaques dans la région et en Europe. Ce sont les fils spirituels d’Oussama Ben Laden. »  

Iyad Ag Ghali

Iyad Ag Ghali, Mali (Ministère des Armées)

Depuis 2017, trois d’entre eux ont été neutralisés : – Le Malien Mohamed Ould Nouini, chef de la katibat Al Mourabitoune ; – L’Algérien Yahia Abou el Hammam, chef de l’Emirat de Tombouctou ; – Le Marocain Ali Maychou, juge suprême d’Al Qaïda au Sahel. La mainmise des combattants étrangers et internationalistes est très forte dans le djihad sahélien. La plupart des commandants ne sont pas maliens, ce sont des étrangers.  

« Aujourd’hui, leur chef Iyad ag Ghali, est toujours là. Il incarne la stratégie d’Al Qaïda au Sahel. Ce n’est pas un homme qui pense le terrorisme, c’est un homme qui le pratique au quotidien. Il n’hésite pas à se mêler à ses troupes, assoiffées de violence. Il n’hésite pas à prendre lui-même les armes. Il n’hésite pas à faire exécuter des innocents. » 

Afrique

(Map courtesy of the Nations Online Project)

Le chef du commandement militaire américain en Afrique (Africom), le général Stephen Townsend, avait déjà averti devant le Congrès américain :

« Nous constatons également une grave menace régionale de la part d’organisations extrémistes violentes émanant du Sahel. La sécurité se détériore rapidement, avec une augmentation de 250% de la violence au Burkina Faso, au Mali et dans l’ouest du Niger. 

Selon des sources du renseignement français, l’objectif de ces djihadistes est de poursuivre les objectifs d’Al-Qaïda de déstabiliser les régimes visés en commettant des attentats terroristes, notamment en Europe.

La pénétration des organisations extrémistes violentes (VEO) dans la région du Sahel est riche en pétrole et en gaz. Les responsables de la sécurité africaine suivent de près et avec une grande inquiétude l’avancée continue des djihadistes dans ces zones et leur capture d’immenses étendues de terre où les gouvernements centraux n’étaient jamais présents.

La guerre généralisée et la chasse à l’homme à travers l’Afrique créent des vagues gigantesques de réfugiés meurtris par la faim et le désespoir.

L’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies dans la région a rapporté : « au Burkina Faso, 921 000 personnes ont été forcées de fuir… Au Mali, près de 240 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays – dont 54 % de femmes – tandis qu’au Niger, 489 000 personnes ont été contraintes de s’évader…

La situation au Nigéria est également très grave, presque 9 millions de personnes ont besoin d’une aide urgente, selon le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires. 

La présence djihadiste en Afrique n’est pas un phénomène nouveau. Le Nigéria lutte contre Boko Haram (qui a exprimé son allégeance à l’État islamique) depuis les années 1990. 

Cependant, devant les échecs des pays africains de pouvoir neutraliser et maitriser le fléau terroriste, les djihadistes ont été encouragés de poursuivre la terreur et pénétrer au sein de régimes fragiles et instables, frappés par les conflits internes, la pauvreté et les affrontements ethniques.

Soulignons que la majorité des groupes djihadistes sont les descendants de l’État islamique ou des organisations d’Al-Qaida. Ils sont actifs dans les zones sahéliennes depuis de nombreuses années : du nord du Mali, à l’Est de la Mauritanie, au Maroc et en Algérie, en Tunisie, en Libye, et au Tchad. 

Ils ont réussi à créer un vaste réseau, à s’interconnecter avec d’autres organisations djihadistes et à étendre leur présence et leurs activités destructrices au Burkina Faso, au Bénin, en République centrafricaine, en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Ils ont actuellement atteint les régions orientales de l’Afrique (Kenya, Ouganda, Éthiopie, Somalie et Mozambique), créant ainsi une ceinture djihadiste depuis les rives de l’océan Atlantique et jusqu’à la mer Rouge et l’océan Indien.

La présence des groupes extrémistes au sein d’une « ceinture djihadiste », dans une zone à haut risque, a complétement déstabilisé la région et effrayé les investisseurs étrangers.

La présence militaire des États-Unis et de la France, ainsi que ses alliés locaux du G5 (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad), a réussi à limiter les dégâts perpétrés par les organisations djihadistes mais n’a pas réussi à éradiquer le fléau.

Plus grave encore, des milliers d’Européens, après un lavage de cerveau islamiste, se sont portés volontaires pour rejoindre les rangs de l’État islamique en Irak et en Syrie.

Cela prouve clairement qu’il existe un terrain fertile en Europe pour semer la terreur exportée d’Afrique.

Malgré les coups durs infligés par les occidentaux, l’État islamique est toujours vivace, rappelant à tous qu’il est capable toujours de lever la tête et de frapper fort.

Lire l’intégralité de l’article sur le site https://jcpa.org/africa-is-a-jihadist-playground-for-the-resurgent-islamic-state-and-al-qaeda/

Voir en PDF le discours intégral du chef de la DGSE, Bernard Emié.

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