Le Canada et Israël refusent de participer à la conférence de Durban 2
Le Canada ne participera pas à Durban 2
Le 3 avril 2005, (1) le Conseil des droits de l’homme est créé. Il siège à Genève en remplacement de la Commission des droits de l’homme, en tant qu’organe subsidiaire de l’Assemblée générale. Le 8 décembre 2006, le nouveau Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU adopte lors de sa 3e session ordinaire, une résolution pour l’organisation d’une nouvelle conférence mondiale contre le racisme en 2009. L’ONU s’apprête à parrainer une réédition de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui, en septembre 2001, s’était précisément transformée en foire raciste et antisémite. En prévision de cette conférence qui devrait avoir lieu en Afrique du Sud en 2009, la Libye a été élue à la présidence de la conférence, Cuba en occupe la vice-présidence et est rapporteur, et d’importantes rencontres préparatoires ont été convoquées pendant les Grandes Fêtes juives, empêchant les représentants israéliens d’y participer. En outre, l’Iran, un pays qui a appelé à la destruction d’Israël, fait partie du comité d’organisation.
Coup de théâtre le 23 janvier 2008, après avoir pris part aux rencontres préparatoires de cette conférence, les représentants canadiens jugent que tous les éléments sont en place pour une répétition de Durban. Par conséquent, le ministre Canadien des Affaires étrangères, Maxime Bernier, et le secrétaire d’État au Multiculturalisme et à l’Identité canadienne, Jason Kenney, annoncent que le Canada ne participera pas à cette conférence : « Le Canada est fier de sa longue tradition de lutte contre le racisme, la discrimination et l’intolérance sous toutes ses formes, déclare le ministre Bernier. C’est d’ailleurs pour cette raison, et avec la promesse d’une action internationale concertée face au racisme, que nous avons participé à la Conférence mondiale de 2001 contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, à Durban, en Afrique du Sud. Malheureusement, les discussions ont dégénéré et ont été marquées par la discorde et l’expression ouverte de sentiments d’intolérance et d’antisémitisme qui sapaient les principes des Nations Unies et les objectifs mêmes que la Conférence s’attachait à réaliser. Le secrétaire d’État Kenney et moi-même espérions que les préparatifs de la Conférence d’examen de Durban de 2009 allaient corriger les erreurs du passé, a ajouté le ministre Bernier. Malgré nos efforts en ce sens, nous avons conclu qu’il n’en serait rien, et c’est pourquoi le Canada ne participera pas à la Conférence de 2009. »
Pour Jason Kenney, secrétaire d’Etat pour le multiculturalisme, cette conférence aura en effet le même « caractère antisémite » que celle de 2001. « Nous assisterons à toute conférence contre le racisme et l’intolérance, mais à aucune de celles qui en font la promotion », a soutenu le secrétaire d’Etat.
« Le Canada continuera de faire porter ses efforts sur des initiatives permettant de combattre efficacement le racisme, a souligné le secrétaire d’État Kenney. La décision de notre gouvernement d’adhérer de plein droit au Groupe d’action international pour la coopération sur l’éducation, la mémoire et la recherche sur l’Holocauste témoigne de notre attachement à la lutte contre le racisme et à la promotion de la liberté, de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit, aussi bien au Canada qu’à l’étranger (2) ».
Les réactions au Canada :
Dans la classe politique, les réactions ne se font pas attendre. Le porte-parole libéral en matière d’affaires étrangères, Bob Rae, affirme qu’il est d’accord avec la décision du gouvernement conservateur de se retirer de la conférence des Nations unies contre le racisme. Il rappelle que la première conférence du genre, en 2001, s’est transformée en « cirque politique » et il estime que la deuxième édition semble devoir prendre la même tournure. Mais Bob Rae pense néanmoins que le gouvernement canadien devrait essayer de rassembler des partenaires internationaux autour d’une même table pour discuter de la question du racisme (3). Par contre, la porte-parole du Bloc Québécois Viviane Barbot qualifie cette décision d’incongrue : « L’objectif de la réunion, c’est justement de parler contre le racisme. J’espère qu’il (le parti conservateur) se rend compte que s’il se retire, justement, il va laisser toute la place à cette réalité-là qu’il dit vouloir combattre par ailleurs. La politique de la chaise vide, ça n’a jamais aidé dans ce contexte. »
La presse canadienne n’est pas en reste. Le quotidien canadien La Presse (25 janvier) pense que le Premier ministre Canadien Stefen Harper « manifeste un courage certain en devenant le premier à retirer la caution de ses administrés à Durban II, qui s’annonce comme un autre «cirque» ». La Presse note par ailleurs que le conflit israélo-palestinien est devenu depuis longtemps « le seul sujet de préoccupation des instances droits-de-l’hommistes de l’ONU. Et il est jugé toujours dans le même sens. Cette fixation sur l’État hébreu est déplorable en soi. Mais il y a pire. Cette monomanie tient pour négligeables toutes les autres abominations faisant ailleurs sur la planète des victimes… qui n’ont pas la chance d’être opprimées par Israël. Il s’agit d’un véritable kidnapping de l’ONU, qui y consent de bonne grâce, faut-il croire, en une sorte de syndrome de Stockholm. »
Conclusion provisoire
Une catastrophe, il n’y a pas d’autres mots.
C’est pour cette raison sûrement qu’il faut rendre compte de la décision canadienne et la saluer. Le Canada refuse de se prêter à une mascarade sans nom, à une bouffonnerie grotesque, à une pitrerie lamentable. La conférence contre le racisme est définitivement muselée et instrumentalisée par des Etats pernicieux et totalitaires.
Les mouvements antiracistes qui se prêteront à ce jeu seront déshonorés. Ce n’est plus une conférence, ce n’est même pas un cirque, c’est une arène politique, pour régler ces comptes et pour détourner les Droits de l’Homme et la lutte contre le racisme à des fins propagandistes et politiques inacceptables.
Le Canada montre l’exemple et l’Union européenne, prochainement présidée par la France, devrait entendre le message qui est délivré par ce pays ami.
Marc Knobel
Notes :
1. Résolution adoptée par l’Assemblée générale lors de la 72e séance plénière du 15 mars 2006, points 46 et 120 de l’ordre du jour, 05-50267
2. http://w01.international.gc.ca/minpub/Publication.aspx?isRedirect=True&publication_id=385787&Language=F&docnumber=16
3. http://www.liberal.ca/story_13515_f.aspx
Cet article est paru le 21/2/2008 sur le site du CRIF