Le boycott européen : mythe et réalité

Cette étude du JCPA-CAPE a pour but d’expliquer le nouveau fléau du boycott d’Israël en Europe et de fournir un éventail d’arguments pour combattre la campagne politique de désinformation et de délégitimation orchestrée par les Palestiniens et initiée par des ONG, notamment avec le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions).

Il est peu probable que l’Union européenne (UE) toute entière adopte des sanctions contre Israël, mais il est possible qu’un groupe d’élus, un parlementaire européen ou un représentant officiel de l’un de ces pays soulève la question, à savoir pourquoi ne pas sanctionner la politique de l’Etat juif dans les Territoires ? Bien entendu, si des mouvements pro-palestiniens tel que le BDS exercent des pressions sur les autorités de Grande-Bretagne ou de France, par exemple, il est légitime que des groupes pro-israéliens fassent de même. Il ne peut y avoir deux poids deux mesures car le boycott est toujours à double tranchant.

Le BDS est en train de gagner du terrain ; de hauts-responsables israéliens prévoient que les mesures prises récemment par l’UE contre la coopération économique avec des entreprises israéliennes installées dans les Territoires pourraient s’élargir et s’appliquer à l’ensemble de l’Etat juif. Le Secrétaire d’Etat américain John Kerry a déjà averti que la campagne internationale contre Israël pourrait s’aggraver si le processus de paix n’enregistrait pas de progrès.

Au cours de ces dernières années, en particulier après l’opération « Plomb Durci » dans la bande de Gaza et l’arraisonnement de la flottille turque « Marmara », des initiatives ont été prises par les instances européennes pour condamner et sanctionner l’Etat d’Israël. En 2010, nous avons relevé 22 décisions de ce type et en 2011,69 ; mais la majorité écrasante n’a pas été appliquée. L’UE n’a pas non plus réussi à adopter de nouvelles sanctions contre l’Ukraine, prouvant que la politique étrangère européenne est complexe, souvent ambiguë. Elle laisse parfois la voie libre à des ONG et des mouvements ennemis de l’Etat d’Israël.

Soulignons que la politique de sécurité et de défense commune est clairement définie comme étant une plateforme pour mener à bien des relations politiques extérieures avec les États non-membres de l’UE. Les décisions sont prises à l’unanimité lors des réunions du Conseil des ministres ou par des chefs d’Etat et de gouvernement à Bruxelles. Elles sont ensuite mises en œuvre par les différentes instances et organisations des 28 pays de l’UE.

Le Conseil de l’UE joue donc un rôle déterminant dans les affaires extérieures et dans les questions de sécurité et de défense. Dans la crise syrienne, par exemple, la décision de l’UE d’imposer des mesures punitives a été prise à l’unanimité par le Conseil des ministres, le 31 mai 2013. Cependant, le dernier traité de Lisbonne, qui renforce l’influence de l’UE dans le monde, préserve aussi l’indépendance de la politique étrangère et sécuritaire de ses Etats membres.

Concernant le système de vote, l’UE souhaite introduire prochainement un vote à « majorité qualifiée » sur la base de 55% des membres du Conseil européen représentant la majorité absolue de la population en Europe. Ce nouveau vote pourra influer sur la politique étrangère et de défense. Dans ce cas, un projet proposé par la Commission européenne « à interrompre ou à réduire, en partie ou totalement, les relations économiques avec un ou plusieurs pays tiers» pourra être adopté par le Conseil européen à une « majorité qualifiée ». Pour certains, il sera peut-être plus facile de voter à l’unanimité en obtenant un consensus élargi et complet.

Tous les États membres participent au Comité politique et sécuritaire ; un organisme permanent qui offre aux ambassadeurs de chaque État de discuter des questions graves en matière de politique étrangère. Ici, chaque délégué peut demander d’imposer un embargo commercial complet contre Israël. Un autre pourra exiger des restrictions de visas pour l’entrée de responsables israéliens accusés de «crimes de guerre». D’autres encore pourront aussi s’opposer à ces mesures et même revendiquer d’améliorer les relations avec l’Etat juif. Soulignons que tous les projets du Comité doivent obtenir l’approbation du Conseil de l’UE, qui demeure la seule instance à prendre des décisions en matière de politique étrangère et de défense.

Les réunions des ministres des Affaires étrangères sont présidées par le haut- représentant de l’Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité (Catherine Ashton, l’actuelle haut-représentante, sera remplacée à la fin de l’année 2014). Le haut-représentant européen peut initier un ordre du jour à sa convenance, mais il ne le fait pas souvent. Il ne peut non plus voter, car ce privilège appartient aux seuls Etats membres. Cependant, le Haut-représentant est présent à toutes les réunions et figure comme vice-président et membre votant de la Commission européenne chargée de politique étrangère et des dossiers en cours.

En réalité, les grandes questions de politique étrangère sont traitées et décidées en Europe par trois pays : la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne.

Concernant le boycott, il est clair que des sanctions significatives contre Israël devront, avant d’être adoptées, recevoir l’approbation de ces trois Etats.

Il existe dans le Droit international une panoplie de sanctions. Parmi-elles figurent : la rupture graduelle des liens diplomatiques, la suspension de la coopération sportive ou culturelle, des sanctions commerciales, l’embargo sur les armes ou encore des sanctions financières comme le gel de fonds bancaires.

Ces sanctions ont été imposées contre l’Iran, par exemple, mais elles sont toujours déterminées dans la durée. Le cas de l’interdiction des armes aux rebelles syriens est éloquent puisque six mois après son expiration, la Grande-Bretagne et la France n’ont pas renouvelé l’embargo et la possibilité fut offerte d’armer les rebelles.

Notons que les États membres doivent veiller à ce que leur politique nationale soit conforme aux règles locales et ne contredise pas la décision prise en commun au niveau européen.

Israël participe au projet Horizon 2020. Il s’agit d’un projet européen ambitieux concernant la recherche scientifique et la technologie. L’UE y a souhaité la participation d’Israël car il est perçu comme développé dans la haute-technologie et apporte une plus-value significative pour la recherche et l’économie européennes. Soulignons qu’Israël est le seul pays non-européen à être invité dans ce projet. De fait, des sanctions européennes contre Israël seraient extrêmement contre-productives.

En décembre 2012, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont décidé que tous les accords signés avec Israël devaient « indiquer sans équivoque et explicitement qu’ils seront inapplicables aux territoires occupés » ; à savoir la Cisjordanie, le Golan et la bande de Gaza (en dépit du fait que Tsahal s’est retiré de la bande de Gaza en 2005, et qu’un processus de paix s’est engagé avec les Palestiniens à l’initiative de l’Administration américaine).

La Commission européenne chargée du dossier a saisi l’occasion et, quelques mois après la décision des ministres, a publié des lignes directives plus sévères empêchant des sociétés et des institutions basées au-delà des lignes d’avant juin 1967 de recevoir des subventions européennes. D’après l’UE, la Cisjordanie et Jérusalem-Est incluse sont des « territoires occupés », mais jusqu’à ce jour aucune ligne directive n’a été adoptée en pratique.

Dans le cadre d’Horizon 2020, certains Etats européens ont même exigé d’élargir les restrictions à l’ensemble d’Israël, en particulier à Jérusalem-Est. Or des banques israéliennes ont tout naturellement des succursales au sud et au nord de Jérusalem, par exemple à Guilo et à Ramot, quartiers considérés par l’UE comme « occupés ».

Dans cette logique, et à la demande de l’Autorité palestinienne, le gouvernement néerlandais a récemment ordonné l’arrêt d’un projet de purification des eaux usées dans la vallée du Cédron située à Jérusalem-Est.

Cependant, il est important de souligner que la loi israélienne oblige les entreprises israéliennes à ne pas discriminer les Israéliens vivant dans les Territoires. Dans le cas d’un échec dans les négociations de paix, il est probable que nos détracteurs accuseront Israël et exigeront de l’UE qu’elle applique des restrictions plus sévères dans des projets communs comme Horizon 2020, au risque de provoquer une véritable crise dans les relations UE-Israël.

Toutefois, il est peu probable que l’UE adopte de nouvelles sanctions contre Israël dans le cadre de sa politique de sécurité en raison surtout des différents systèmes de vote. Soulignons aussi que les relations avec les pays européens sont à double sens. L’Union européenne est notre premier partenaire économique et commercial, la technologie israélienne ainsi que ses différents produits y sont toujours appréciés. Ainsi, toutes les tentatives de boycotter les produits pharmaceutiques israéliens ont été vouées à l’échec. Les sanctions déjà préconisées sont destinées principalement aux entreprises du secteur privé et aux banques dont leurs succursales sont installées dans les territoires.

Sur le plan diplomatique, la poursuite de la politique des sanctions et une conduite déséquilibrée pro-palestinienne de l’UE réduiront son rôle d’influence dans le processus de paix et porteront un préjudice à sa crédibilité internationale. De plus, il n’est pas exclu que des sanctions entraînent une forte réaction internationale, comme dans le cas des lois américaines prises contre l’Iran. Elles avaient notamment affecté des entreprises européennes.

En conclusion, l’État d’Israël ne peut à lui seul lancer une contre-offensive contre ce nouveau fléau ; une coordination entre tous les pays européens est nécessaire, ainsi qu’un renforcement des mécanismes opérationnels à la lumière du Traité de Lisbonne.

En mai 2014, des élections sont prévues pour élire un nouveau Parlement européen et nous devrions tout mettre en œuvre pour expliquer aux nouveaux élus les conséquences désastreuses du boycott. Nous devons dévoiler au grand jour le rôle néfaste de certaines ONG et du BDS : il ne s’agit pas pour eux de soutenir le droit des Palestiniens à un Etat, ni de priver Israël de certains privilèges économiques ou culturels, mais de délégitimer l’existence même de l’Etat juif dans sa patrie historique.

 JCPA – CAPE de Jérusalem

* Le JCPA-CAPE tient à remercier Alan Baker, Robin Shepherd, Fiamma Nirenstein, et Henk Lok pour leur aimable contribution à cette étude.