L’avenir du projet iranien devant un Occident affaibli

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Contrairement aux négociations précédentes, les Etats-Unis et l’Iran viennent pour la première fois d’entreprendre des discussions directes. Il faut souligner que l’Iran est entré dans ces pourparlers avec l’Occident dans des conditions géostratégiques incomparablement meilleures qu’en 2003, quand il avait suspendu temporairement l’enrichissement d’uranium pour faire progresser son programme nucléaire, alors à ses prémisses. Cette fois, l’Iran ne se décide pas à entrer dans les négociations nucléaires par faiblesse ; il est au contraire en position de force.

Du point de vue iranien (et aussi de certains des pays du Golfe), l’influence de l’Amérique dans la région et son pouvoir de dissuasion sont en baisse continuelle. Or, avec un sentiment de puissance liée à sa stabilité nationale et régionale, l’Iran entre pour sa part dans les négociations dans un climat de confiance confinant à l’orgueil.

La déclaration de Khamenei sur le caractère « inapproprié » de « certains événements de la visite de Rohani à New York » – qui a été interprétée comme une critique directe de la conversation téléphonique de Rohani avec Obama – et ses mots très durs sur la « vraie nature » de l’Amérique en général ont suscité une vague de déclarations visant à renchérir les appels du style « mort à l’Amérique. » Le commandant de la Garde révolutionnaire, Mohammad Ali Jafari, a même qualifié la conversation Rohani-Obama d’« erreur tactique grossière. » « S’il devait y avoir d’autres erreurs », a-t-il ajouté, « les forces révolutionnaires prendront les mesures nécessaires. »

L’Iran contrôle désormais le cycle du combustible nucléaire et peut, quand il le veut, décider de construire une bombe en quelques mois, tout en continuant à se conduire de la même façon sur la scène internationale en exploitant l’irrésolution et les divisions qui règnent en Occident. Développer des armes nucléaires, ou la capacité de production en un court laps de temps, demeure un objectif central du régime iranien. Après dix ans de négociations à différents niveaux, l’Iran reste en effet déterminé à maintenir et à faire progresser ses projets nucléaires ; au pire conçoit-il de faire des concessions tactiques s’il s’agit pour lui d’obtenir en échange l’assouplissement des sanctions.

L’Iran estime que les armes nucléaires vont lui acheter une sorte d’immunité contre des attaques ; celle-là même dont la Corée du Nord peut bénéficier aujourd’hui. Il veut également obtenir une stabilité à long-terme de façon à mieux promouvoir ses objectifs révolutionnaires à l’étranger et à assumer sur l’échiquier régional et international la place de celui qui dicte l’ordre du jour et façonne le Moyen-Orient d’une façon qui contrecarre et freine l’influence américaine.

En somme, l’Iran, qui a trompé la communauté internationale, est en train de préparer une nouvelle campagne tandis qu’il s’achemine vers les étapes finales de son programme nucléaire. Il a besoin d’une baisse de la pression internationale pour atteindre ses objectifs militaires, tout en maintenant le régime stable et en profitant, avec la réduction des sanctions, d’un répit du point de vue économique.

Rohani, qui a déjà réussi comme négociateur à gagner le temps nécessaire pour achever le cycle du combustible nucléaire, se retrouve maintenant dans la dernière ligne ; celle qui mène à la bombe atomique. En tant que président de l’Iran, il se tient ferme et droit face à une communauté régionale et internationale divisée.

Michael Segall

Voir l’intégralité de l’article sur le site anglais du JCPA.