L’avenir des relations israélo-égyptiennes

  • Quel avenir pour les relations israélo-égyptiennes ? L’écrasante majorité des Egyptiens ne croient pas que les généraux  sont vraiment sincères au sujet du transfert du pouvoir à l’administration civile. Ils pensent que l’objectif réel de l’armée est de maintenir son statut particulier dont elle jouit depuis le fameux  coup d’Etat de 1952. L’armée égyptienne a toujours été  profondément impliquée dans l’économie du pays avec un budget  propre à elle. C’est en effet une institution quasi indépendante, et très puissante.
  • Après une longue traversée du désert, les Frères musulmans sont entrés dans la vie politique par la grande porte. A un stade avancé après la révolution, nous avons détecté un accord tacite entre l’armée et les Frères musulmans, au détriment des révolutionnaires. Face à cette connivence, il est fort probable que la confrérie agira dans le sens du compromis et recherchera un consensus. Ils sont parfaitement conscients qu’un échec dans la gestion des affaires de l’Etat sera inscrit à leur tribut. Ainsi, ils préfèrent partager le pouvoir en choisissant le pluralisme. Cependant, pour atteindre leur objectif, à savoir séduire  le peuple, ils sont convaincus qu’avec la propagation de leur idéologie  le changement arrivera tôt ou tard.
  • Durant les 30 années au pouvoir, le régime Moubarak a réduit intentionnellement le niveau des relations bilatérales avec Israël, en sauvegardant un canal de contact direct avec la présidence et son entourage. Je crois profondément à la réciprocité et elle est impérative et nécessaire. Les ambassadeurs israéliens n’avaient pas d’accès libre aux ministères et aux partis. Ils étaient interdits par les médias et par tous les syndicats, tandis que leur ambassadeur en Israël fut  libre de rencontrer toute la classe dirigeante de notre pays et notamment le Premier ministre, et les médias israéliens ont pu l’interviewer et le citer.
  • Les contacts sécuritaires existent toujours au plus haut niveau  en raison de l’intérêt des deux pays, mais le dynamisme des relations bilatérales est quasiment inexistant, il demeure en veilleuse. L’opinion publique en Egypte n’est pas assez consciente que le traité de paix signé avec l’Etat juif est dans leur propre intérêt aussi.
  • Au moment même des affrontements dans les rues du Caire entre  révolutionnaires, militaires et policiers, la commission des Affaires étrangères au Parlement, nouvellement élu, a adopté une résolution sur le boycottage de toute activité avec des parlementaires étrangers dans le cas où des Israéliens y participeraient.

Sur le plan diplomatique, la situation n’a vraiment pas changé  fondamentalement. Je ne peux comprendre pourquoi depuis plus de sept mois après l’attaque de notre ambassade, Israël n’est toujours pas autorisé à ouvrir une nouvelle délégation diplomatique. Certes, de temps à autres nous entendons des déclarations rassurantes de la bouche de certains fonctionnaires égyptiens rappelant leur engagement  aux accords internationaux, mais celles-ci ne suffisent pas à nous rassurer quand les  Salafistes et les Frères musulmans sont déjà au pouvoir.

Les déclarations officielles devraient être couplées par des actes, car seules leurs applications sur le terrain enverront un signal approprié à l’opinion  publique quant aux  intentions réelles de l’Egypte.

A ce stade, je pense que le traité de paix israélo-égyptien n’est pas menacé. L’armée au pouvoir le soutient tant mieux que mal, consciente que l’abrogation des accords de paix   n’est pas dans l’intérêt de l’Egypte. Rappelons que ce traité de paix est aussi triangulaire et lié profondément avec les Etats-Unis. Toutefois, l’incertitude quant à l’avenir soulève des préoccupations réelles. La nouvelle donne où des idéologies extrémistes  sont omniprésentes et dominent l’échiquier politique, il serait sage d’expliquer sans relâche à l’opinion publique égyptienne que l’alternative à la paix serait une vision cauchemardesque que nous devrions ensemble l’éviter à tout prix.

Cet article est basé sur une conférence de l’ancien ambassadeur d’Israël au Caire tenue au JCPA- CAPE devant le corps diplomatique et la presse étrangère. (voir l’intégralité de ses propos sur le site en anglais)