L’Arabie saoudite et Israël dans le même pétrin
Israël n’est pas seul dans la campagne contre l’accord sur le nucléaire, signé le 14 juillet 2015 à Vienne, entre l’Iran et les grandes puissances.
L’Etat juif se trouve dans le même front que certains pays du Golfe persique, notamment l’Arabie saoudite.
Ces pays arabes sunnites ont les mêmes préoccupations qu’Israël, et s’agissant de la marche à suivre, certains se mettent déjà au diapason.
Juste après la signature de l’Accord de Vienne, le président Obama a choisi d’appeler immédiatement le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le roi saoudien Salmane ben Abdelaziz. Il a souhaité apaiser leurs inquiétudes et a promis que les États-Unis feraient tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer leur sécurité.
Pour certains Etats du Golfe, comme le Koweït et les Émirats arabes unis, cet accord historique pourrait « signifier l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les relations régionales. » En revanche, l’Arabie saoudite a préféré ne pas réagir officiellement et garde toujours un certain mutisme.
Toutefois, une source « bien informée » de la royauté a employé sur CNN exactement la même rhétorique que celle de Netanyahou, à savoir que l’administration Obama avait commis dans cet accord « une erreur historique ».
Par ailleurs, le prince Bandar ben Sultan bin Abdelaziz a publié un article notable sur le site Elaph le 15 Juillet 2015, au lendemain de la signature de l’Accord nucléaire.
Dans cet article, le prince Bandar, qui a servi comme chef des services de Renseignement saoudien ainsi que comme ambassadeur à Washington de 1981 à 2005, compare l’accord iranien avec celui conclu à l’époque entre le président Clinton et la Corée du Nord :
Et de citer l’ancien Secrétaire d’État américain Henry Kissinger qui disait : « les ennemis de l’Amérique devraient sans doute craindre les Etats-Unis, mais les amis de l’Amérique devraient craindre l’Amérique beaucoup plus ! »
La presse saoudienne a publié de nombreuses caricatures sur ce sujet. Elle a cité largement les déclarations belliqueuses des Ayatollahs et a rapporté avec inquiétude l’ambiance victorieuse et arrogante qui régnait à Téhéran tout au long des négociations de Lausanne et de Vienne.
Selon les observateurs saoudiens, il existait un manque de vision réaliste au cours des pourparlers. Les grandes puissances, et en particulier les Américains, ont raté un rendez-vous historique et ont échoué dans leur entreprise car ils n’ont pas su saisir cette grande opportunité de pouvoir changer la face de la région.
Citant des sources iraniennes, les médias saoudiens rapportent que les 5+1 auraient pu obtenir un bien meilleur accord car les Ayatollahs étaient même prêts à abandonner leur programme nucléaire en raison des graves difficultés économiques qui paralysent l’économie et qui pouvaient mettre en danger la stabilité du régime.
Soulignons que l’Arabie saoudite joue actuellement le rôle de «gendarme du Golfe ». Elle a mené une campagne pour contrer l’expansion iranienne, notamment au Yémen contre les rebelles chiites Houthis soutenus par Téhéran.
La principale préoccupation de l’Arabie saoudite est le fait que l’accord nucléaire va renforcer l’influence de l’Iran au Moyen-Orient. Téhéran en profitera pour semer davantage l’instabilité en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen.
Il est probable que Riyad envisage d’acquérir la bombe et obtienne du Pakistan une centrale nucléaire « clé en main »
L’Arabie saoudite se prépare à toutes les éventualités et, sans attendre, a acquis plusieurs réacteurs nucléaires de la Russie. Elle compte doubler le volume de ses achats d’armes dans le monde entier, notamment en France.
Il est probable que Riyad envisage d’acquérir la bombe et obtienne du Pakistan une centrale nucléaire « clé en main », devenant ainsi une Puissance atomique.
Ainsi les Saoudiens souhaitent créer une nouvelle force de dissuasion face à l’Iran afin de contrebalancer l’équilibre de la terreur nucléaire à l’instar de la position de l’Inde face au Pakistan.
L’Arabie saoudite est vivement déçue par la façon dont l’administration Obama a mené les négociations avec l’Iran. Elle l’a démontré avec véhémence il y a juste deux mois, lorsque le roi Salmane a boycotté une réunion à Camp David, près de Washington, entre le président Obama et les dirigeants des pays du Golfe.
Face à la politique américaine à l’égard de l’Iran, les Saoudiens en avaient conclu qu’il n’était désormais plus possible de compter exclusivement sur les États-Unis. Ainsi, Riyad a choisi de se dresser seul contre l’Iran avant de formuler une nouvelle stratégie auprès de certains pays de la région.
Soulignons que l’Arabie saoudite est le chef de file de l’axe sunnite contre l’Iran chiite, mais ne peut, à la différence d’Israël, affronter avec succès les menaces iraniennes.
Les intentions de l’Iran seront rapidement connues. Sa première épreuve sera décisive dans la crise au Yémen. Si Téhéran réussit à calmer les rebelles Houthis et parvient à un règlement politique avec le gouvernement « légal » du pays, cela indiquera qu’il est vraiment sur le chemin de réconciliation avec ses voisins, notamment avec l’Arabie saoudite.
Après l’Accord de Vienne et vu le contexte régional actuel, on peut fortement douter des « bonnes intentions » des Ayatollahs.
Yoni Ben Menahem
Pour citer cet article :
Yoni Ben Menahem, « L’Arabie saoudite et Israël dans le même pétrin », Le CAPE de Jérusalem : http://jcpa-lecape.org/larabie-saoudite-et-israel-dans-le-meme-petrin/