L’alliance USA-Arabie-Israël : enjeux et obstacles 

Freddy Eytan

« Qui aurait imaginé un jour que nous parlions de normalisation avec l’Arabie saoudite ? » S’interrogeait Biden avec un sourire malicieux lors de sa rencontre avec Nétanyahou…Et il enchaînait : « Bienvenue Bibi, j’espère que nous pourrons régler certaines affaires aujourd’hui… »

Contrairement aux pronostics hasardeux, aux commentaires cyniques, aux pressions et manifestations, la rencontre entre les deux chefs d’Etats a bien eu lieu en Amérique. Elle s’est déroulée dans un esprit amical et chaleureux et les discussions se poursuivront prochainement à la Maison Blanche. Certes, une certaine méfiance règne au sein de l’administration américaine, les divergences existent sur la solution avec les Palestiniens et sur la réforme judicaire, mais on ne peut gommer une amitié sincère de quarante ans entre Biden et Bibi, ni ignorer les valeurs démocratiques et les intérêts stratégiques entre les deux pays alliés.

Au fil des ans, nous avons assisté à des malentendus, des frictions et des crises parfois graves mais les relations n’ont jamais abouti à la rupture ou au divorce.

C’est clair, il n’y a pas d’autre alternative à l’alliance avec l’Amérique et nous devrions la sauvegarder tout en adoptant une politique indépendante mettant nos intérêts sécuritaires en priorité.

Trente ans après le fiasco des Accords d’Oslo, un accord de paix avec l’Arabie saoudite n’est guère une utopie et le rêve peut devenir une belle réalité pour tout le Moyen-Orient. Le monde sunnite et Israël en profiteront largement sur tous les plans et domaines.

Biden, Netanyahu

(Avi Ohayon/GPO)

Soulignons que le conflit arabo-israélien ne se limite jamais à un seul pays ou un territoire, ni à un peuple ou une organisation. Il est indéfectiblement attaché au monde arabo-musulman dirigé par l’Arabie saoudite. Ryad représente vingt et un États arabes face à un seul État juif. Le pèlerinage à la Mecque concerne tous les musulmans de la planète.

Le temps est propice pour toutes les parties mais pour pouvoir réussir et atteindre ce noble objectif, la négociation devra se faire loin des projecteurs, discrètement et par étapes en présence de diplomates et stratèges chevronnés.  

Mohammed bin Salman

Tout d’abord, Benjamin Nétanyahou devra être aussi capable de relever le défi et s’assurer que sa propre coalition acceptera de faire des concessions. Il doit apaiser les esprits à l’intérieur du pays en présentant un plan audacieux à la nation israélienne en focalisant sur les énormes avantages.  

Pour l’heure, rien indique que les échos seront favorables et enthousiastes. A la tribune des Nations-Unies, Nétanyahou a prononcé un discours remarquable mais a eu tort de négliger complètement les manifestations contre la réforme judiciaire. Certes, il s’agit d’un problème intérieur, mais en insistant sur le caractère démocratique de l’Etat d’Israël il aurait pu gagner des points de sympathie. Nétanyahou a eu du mal à rectifier le tir lors de ses interviews qu’il a accordé à des chaînes américaines.  

Dans le cadre de sa propre coalition, Nétanyahou aura de grandes difficultés à faire des concessions aux Palestiniens. Conscient qu’en cas d’échec, l’option d’un remaniement ministériel est envisageable car le jeu en vaut la chandelle.

Une normalisation avec Ryad changerait complètement la donne géopolitique dans notre région et sur le plan planétaire.  Mohamed ben Salman pourrait être un partenaire crédible si nous lui proposons un plan pragmatique qui apportera des bénéfices et des garanties à toutes les parties concernées.

Washington renforcerait sa position dans la région au détriment de l’Iran et de la Chine. Un accord tripartite USA-Arabie-Israël faciliterait une aide substantielle aux Palestiniens, offriront une stabilité dans la région face à la menace iranienne, apporteront des gages à l’Egypte et à la Jordanie mais aussi aux Libanais qui souhaitent mettre un terme à la crise et desserrer l’étau du Hezbollah. Les Saoudiens profiteront d’un accord de défense mutuelle avec les États-Unis, obtiendront des technologies nouvelles et un programme nucléaire civil. Bien entendu, avec des garanties solides contre une prolifération atomique dans notre région et le refus d’offrir aux Saoudiens un armement plus sophistiqué que possède Israël. La supériorité qualitative des armes est une condition sine qua non pour Tsahal.

Les obstacles concernent principalement le Hamas qui refuse tout compromis. Encouragé et soutenu par l’Iran chiite et les Frères musulmans sunnites- une confrérie interdite en Arabie saoudite-le Hamas poursuivra la lutte armée par tous les moyens. Il coordonne déjà ses activités avec le Hezbollah pour saboter tout accord. Il ne permettra pas à Mahmoud Abbas d’engager des pourparlers avec Israël. Le nouvel ambassadeur plénipotentiaire saoudien à Ramallah tente ces jours-ci de convaincre le chef de l’OLP à rejoindre le processus de paix. Il promettra un soutien politique à la cause palestinienne et des gages économiques. Sera-t-il convaincu ? Affaibli et isolé, Abbas n’a pas d’autre alternative sinon de plonger son peuple dans le chaos et la misère et sans espoir pour l’avenir.

Un accord de principes entre les leaders est possible dans les mois à venir mais les véritables négociations seront pénibles et longues jusqu’à la signature d’un traité de paix.

Courage, patience et espérance pour ne pas rater un grand rendez-vous avec l’Histoire.