L’affrontement entre l’Arabie sunnite et l’Iran chiite
Depuis le départ du Chah Mohammad Reza Pahlavi et l’installation des Ayatollahs à Téhéran, la politique étrangère de l’Iran repose sur l’exportation de la Révolution islamique. Dans le contexte religieux musulman, l’ayatollah Khomeini a surtout défié la légitimité du régime saoudien en tant que protecteur des Lieux saints musulmans de La Mecque et Médine. En 1987, le Guide spirituel a déclaré que la Mecque était entre les mains « d’une bande d’hérétiques » et a traité les Saoudiens de « Wahhabites vils et impies ». Pour la classe dirigeante actuellement au pouvoir, les paroles de Khomeini demeurent des directives à suivre à l’égard de l’Arabie saoudite.
Lors d’une récente rencontre avec les commandants de l’Armée de l’air, le Guide Suprême iranien Ali Khamenei a redit sa fidélité aux idées de son prédécesseur et insisté sur les piliers de la Révolution islamique ; c’est-à-dire : l’indépendance du régime islamique et le combat permanent contre les forces étrangères qui cherchent à imposer leur hégémonie sur le territoire islamique et à y intervenir. Par référence implicite au Printemps arabe, Khamenei a déclaré que le Djihad est une composante essentielle de toute révolution contre tout régime totalitaire.
Les propos de Khamenei soulignent les limites idéologiques de « l’offensive de charme » qui a suivi l’élection d’Hassan Rohani à la présidence iranienne et confirment que sur le dossier nucléaire, Téhéran n’a aucune intention de céder, ni de ménager ses efforts pour instaurer son hégémonie au Moyen-Orient.
Cette conduite de l’Iran affecte surtout l’Arabie saoudite. Il existe entre les deux pays de multiples points de friction et de haine, par-delà même la crise syrienne. Le premier point réside dans la croyance diffusée parmi les Chiites, selon laquelle les Saoudiens détruisent les sanctuaires de l’Islam à Médine, dont le tombeau de Fatima, la sœur de Mahomet et matriarche de tous les imams de l’Islam chiite. Les Iraniens sont convaincus que les mollahs saoudiens appellent désormais à la destruction des Lieux saints de Zeinab, la fille de Mahomet, enterrée à l’extérieur de Damas.
L’escalade des conflits confessionnels ou sectaires entre l’Iran et l’Arabie saoudite a également entrainé des affrontements le long de la frontière Est de l’Iran. Rappelons que des groupes djihadistes anti-chiites stationnés au Pakistan avaient kidnappé des soldats et miliciens iraniens.
Un autre sujet de discorde est le fait que l’Iran fasse une démonstration de sa puissance militaire contre ses voisins, notamment l’Arabie saoudite. L’Iran exhibe de façon continuelle les réalisations de son industrie militaire, qui produit des satellites, des avions de combat, des hélicoptères, des drones, des sous-marins, des destroyers, des missiles à courte et longue portée, des systèmes radars et des chars.
L’Iran investit énormément pour développer ses capacités offensives. Les déclarations d’officiers supérieurs montrent que l’armée iranienne se prépare à attaquer des cibles américaines dans le Golfe persique. Ces capacités peuvent un jour se traduire par une nouvelle attaque de style Pearl Harbor, conduisant ainsi à l’escalade du conflit dans toute la région.
Frederic C. Hof, ancien conseiller de la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, a dévoilé récemment lors d’une audition au Congrès qu’il avait entendu, de la part de dirigeants iraniens, qu’ils percevaient l’Arabie saoudite comme leur ennemi mortel, bien plus que les Etats-Unis ou même Israël. Les paroles d’Hof ont été largement répercutées par les agences de presse dans le monde arabe.
L’Arabie saoudite, rival historique de l’Iran, perçoit ces messages comme des preuves supplémentaires de la menace stratégique chiite. Selon Riyad, l’Iran représente un défi sécuritaire très grave pour la stabilité et l’intégrité territoriale du royaume saoudien.
Ces deux pays visent à s’ériger à la tête des deux principaux pôles du monde islamique. L’Iran représente l’Islam chiite et l’Arabie saoudite, dans son rôle de gardien des lieux saints de l’Islam, à la Mecque et à Médine, cherche à se présenter comme le guide de l’Islam sunnite.
L’Arabie saoudite s’inquiète des ambitions militaires et politiques de l’Iran, après la chute de Saddam Hussein, en 2003 et le retrait américain d’Irak qui a suivi.
Pour Riyad, la politique iranienne reflète une confiance en soi croissante dans sa capacité à réaliser ses objectifs déclarés.
Les signaux d’alarme s’accumulent, par des menaces directes, sous la forme de déclarations de souveraineté sur le Bahreïn, que Téhéran revendique comme un territoire iranien qui lui aurait été pris illégalement.
L’Iran encourage la population chiite, dans les pays du Golfe et à l’Est de l’Arabie saoudite (une région riche en pétrole), à subvertir les régimes sunnites gouvernants. La montée en puissance de l’Iran militaire, conjuguée aux manœuvres dans le Golfe persique, pourrait un jour menacer la libre circulation maritime dans le détroit d’Ormuz.
Dans ce contexte, le programme nucléaire iranien est perçu comme un changement complet des règles du jeu. Les Saoudiens ne seraient pas opposés au droit de l’Iran de disposer d’une infrastructure nucléaire pour des buts pacifiques, mais il apparaît qu’ils n’ont aucune confiance dans les promesses de l’Iran. Par conséquent, l’Arabie saoudite se prépare à acquérir sa première bombe atomique, probablement au Pakistan, pour rétablir la dissuasion. Le Prince héritier d’Arabie saoudite, Salmane ben Abdelaziz al-Saoud, s’est rendu dernièrement au Pakistan dans ce but et afin de relancer la coopération militaire entre les deux pays. La détermination iranienne à poursuivre son programme nucléaire et le souhait saoudien d’acquérir un bouclier atomique pourraient entraîner le Moyen-Orient dans une course incontrôlée vers l’arme nucléaire.
Nous constatons donc qu’Israël n’est pas la seule cible de l’Iran, et même si Téhéran obtenait un jour des armes fissiles, elles ne seraient pas nécessairement employées immédiatement contre Israël. Il semble plus probable que ces armes non-conventionnelles lui apporteront un parapluie de protection qui lui permettra de poursuivre son armement militaire rapide et sa politique étrangère belliqueuse. Cette politique se fera par la déstabilisation permanente des pays de la Péninsule arabique, par des efforts constants pour modifier la donne géopolitique de la région avec l’appui logistique des communautés chiites. Compte-tenu de la politique isolationniste de l’administration Obama, la menace iranienne serait existentielle pour l’Etat juif.
Jonathan D. Halevi