La visite en Israël et les actes antisémites en Allemagne

wikipedia-logo1Au moment où la chancelière visite Yad Vashem et prononce un discours à la Knesset, de nombreux faits inquiétants sont enregistrés en Allemagne. Les actes antisémites et racistes sont toujours présents et n’ont pas été éradiqués dans son propre pays. Les attaques contre des Juifs, le vandalisme contre des cimetières juifs et monuments de la Shoah, les articles et les caricatures antisémites dans la presse, les préjudices et les préjugés raciaux et classiques sont des faits quotidiens. A l’est de l’Allemagne, en particulier, les hommes de couleurs sont toujours sur la sellette et demeurent la cible des racistes et des xénophobes. Nous avons enregistré des actes violents contre des personnes innocentes notamment des assassinats ignobles.

Dans l’Allemagne de 2008, nous constatons également  une désinformation et manipulation de l’opinion publique avec une florissante littérature qui glorifie les années sombres. Des écrivains et des historiens  s’attèlent avec acharnement à réécrire l’Histoire. Comment expliquer que les livres de Jorg Friedrich sont devenus des best-sellers ? Cet “historien” ose comparer le bombardement des forces alliées contre l’Allemagne, pendant la Deuxième Guerre mondiale, aux atrocités de la Shoah et du génocide systématique du peuple juif. Comment expliquer que l’on compare aujourd’hui encore, l’attitude des soldats israéliens envers les Palestiniens à une conduite nazie en prétextant que tout est condamnable sans exception: “si chacun est coupable et bien personne ne l’est”.

Dans un récent article que nous avons publié dans le “Jewish Political Studies Review” du JCPA, Suzanne Urban, professeur allemande et spécialiste de l’histoire de la Shoah  affirme que dans des classes d’école, dans l’Allemagne de 2008, on continue a montré du doigt le “Juif “en le qualifiant de “victime”. C’est clair, la bête noire et le mépris resurgissent. Le Juif comme d’ailleurs l’Israélien demeure “un être mauvais et méprisable” et il symbolise tout ce qui est laid et déviant, l’antithèse du groupe, de la société.

Les démocrates allemands doivent également être préoccupés par le fait qu’aujourd’hui encore, les lycéens dans les régions de l’Est du pays, savent très peu sur les différences entre l’Allemagne démocratique de l’Ouest et la RDA, l’ancienne république démocratique communiste. Dans une récente étude menée par l’Université libre de Berlin, on a remarqué que 42%  des personnes interrogées pensaient que l’environnement fortement pollué en Allemagne de l’Est est plus propre qu’en Allemagne de l’Ouest. C’était la plus inoffensive  des réponses. Toutefois, un tiers pensait que Konrad Adenauer et Willy Brandt  étaient des hommes d’Etat  d’Allemagne de l’Est…

Ces faits n’ont obtenu que peu d’attention et pourtant ils font partie du contexte de la vie quotidienne en Allemagne. Il s’agit d’une autre dimension dans le temps et dans l’espace et elle  doit être considérée avec sérieux et gravité. Elle est située au-delà des relations économiques et scientifiques et des accords politiques et de Défense. Le fait qu’Angela Merkel soit venue en Israel à trois reprises, depuis son élection en automne 2005, est en soi un acte symbolique.

D’autant plus, que lors de cette visite, elle est accompagnée par huit  ministres qui ont participé à une réunion conjointe avec le cabinet israélien. Son prédécesseur, le socialiste Gerhard Schroeder, chancelier de 1998 à 2005, n’a jamais visité Israël et a confié ce voyage à son ministre des Affaires étrangères, Joschka Fischer, du Parti des Verts.

Israël rend unhommage solennel à Angela Merkel en lui permettant de prononcer un discours à la Knesset, une prérogative normalement réservée aux chefs d’Etats. Certains membres de la Knesset ont boycotté la séance parce qu’elle a parlé en allemand. Leur intention symbolique était claire. Rien n’est normal entre les deux pays, d’autant plus que les survivants des atrocités de l’Allemagne, dont beaucoup étaient des enfants de l’époque, sont encore en vie. Certes, nous devons regarder vers l’avenir mais le passé doit être rappelé à chaque fois, les actes symboliques sont importants pour perpétuer la  mémoire.

Dans le contexte de la réalité allemande d’aujourd’hui, Merkel transmet  des messages explicites aux israéliens et un nombre de messages implicites à sa propre nation. On peut les résumer comme suit : «Vous pouvez penser tout ce que vous voulez sur Israël et les Juifs. Pourtant, je tiens à manifester publiquement ici, sur la terre d’Israel, et au nom du peuple allemand, notre responsabilité aux actes de nos ancêtres nazis  que nous avons nous même élus. Je veux le faire de la meilleure façon et ma visite au mémorial de Yad vashem, symbolise parfaitement cette démonstration. »

Dans le même temps, Merkel passe un message implicite vis-à vis de l’opinion publique internationale qui pourrait se résumer ainsi : «Après la guerre, l’Allemagne a été acceptée  par la famille des nations et elle est devenue à nouveau une grande force politique, en dépit du fait qu’elle a été vaincu et a perdu la guerre. Toutefois, de nombreux étrangers se demandent justement quelle part de son passé criminel est toujours latent et dans quelle mesure émergera –t-il à nouveau. Mes fréquentes visites en Israël et la naturede nos relations avec celui-cimontrent que je suis très consciente de cela ».

C’est sans doute ce qui exprime aussi une vision du monde qui est différente de celle de la plupart des autres dirigeants de l’Europe occidentale. Elle  peut en partie être expliquée par l’expérience de la vie personnelle de Merkel, ayant grandie et vécue sous le régime communiste de l’Allemagne de l’Est. Elle sait de première main ce que signifie le totalitarisme et non seulement de la part des enseignants de l’histoire de l’Allemagne nazie. Avec une formation de physicien, plutôt que de sciences humaines cela peut également être utile pour faire face aux menaces réalistes.

Sans le dire explicitement, Merkel semble comprendre que les diverses menaces du monde de l’Islam partagent les caractéristiques totalitaires du nazisme et du communisme. Ceci est probablement inclus lorsqu’elle dit que les menaces sur Israël sont aussi des menaces sur l’Allemagne. Cependant, il n’est pas encore, politiquement correct, pour nommer explicitement  la grande haine,  l’incitation et la violence, émanant des intégristes musulmans. Il est en effet le plus grand danger qui menace notre planète et  le monde libre.

Manfred Gerstenfeld directeur du programme sur l’antisémitisme au JCPA