La valeur morale de l’opération “Plomb durci”
En Israël, un combattant est un citoyen en uniforme, il est toujours sur le qui-vive et souvent appelé à servir dans les rangs des réservistes. L’Etat devrait avoir une raison impérieuse pour mettre sa vie en péril. Le fait que des personnes impliquées dans le terrorisme sont dépeintes comme des non combattants; des résidents agissants dans un voisinage civil n’est pas une raison pour mettre en péril la vie d’un combattant plus qu’il n’est requis sur le champ de bataille. La doctrine qui en découle du code éthique de Tsahal exige dans la mesure du possible, d’avertir les non combattants résidents dans un quartier dangereux. Dans la bande de Gaza, Tsahal a employé des d’efforts considérables et sans précédent afin de minimiser les dégâts des non combattants: il a lancé des tracts et a averti par des appels téléphoniques et il a effectué des tirs de semonce.
Il n’existe aucune armée dans le monde qui mettrait en danger ses soldats afin d’éviter d’affronter des voisins ennemis ou des terroristes. Israël devrait mettre en priorité les vies de ses propres soldats à celles de voisins avertis de la présence d’un terroriste. Lorsque Tsahal opère dans un territoire difficile à contrôler efficacement, il ne peut prendre la responsabilité morale qui concerne à séparer d’une manière appropriée les personnes dangereuses des inoffensives.
La proportionnalité n’est pas une comparaison sur le nombre, mais une évaluation de menaces réelles et des mesures préalables à prendre. La proportionnalité justifie les dégâts collatéraux en fonction de l’avantage militaire acquis.
Comparons l’opération “Plomb durci” à l’opération des Marines américains à Falloujah, Irak, en décembre 2004. Durant cette attaque, 6000 irakiens dont 1200-2000 insurgés ont été tués. Sur les 50000 immeubles de la ville, environ 10000 ont été détruits et notamment, 60 mosquées!!! Ainsi, les Etats-Unis ont abandonné un sinistre beaucoup plus néfaste que celui de l’opération israélienne dans la bande de Gaza. En comparant les activités de Tsahal à celles des forces militaires des démocraties occidentales nous utilisant un élément capital pour pouvoir appliquer le droit international.
Israël se trouve en position clé dans le développement du droit international coutumier car nous sommes sur la ligne de front dans le combat contre le fléau du terrorisme. Les Etats occidentaux appliquent souvent des normes qui ont pris naissance en Israël. Ils font usage de ces principes dans les conflits non conventionnels en Afghanistan et en Irak. Dans la nouvelle donne, ces normes sont désormais un élément précieux du droit international.
Après un harcèlement de roquettes qui a duré plus de huit années, Israël a lancé le 27 décembre 2008, une opération militaire contre le Hamas.
Comme dans toutes les guerres, chaque évaluation morale doit distinguer préalablement le “pourquoi”? Le “comment”? Et la « juste cause” de la guerre. La théorie distingue entre “jus ad bellum” et “jus in bello”, entre la justification morale pour déclencher la guerre et la justification des actes commis pendant les combats. La décision de mener une guerre ou de lancer une opération militaire est prise par un gouvernement, donc par des hommes politiques. La mise en œuvre de la décision gouvernementale, le “comment” est déterminé par l’état-major militaire. En générale, un gouvernement n’est pas condamné en raison du comportement de ses soldats, et les militaires ne sont pas réprimandés pour des décisions prises par la classe politique.
Demander « pourquoi ? » c’est invoquer plusieurs principes qui appartiennent à la « juste tradition de la guerre ».
-Le premier, est le droit de l’auto-défense. Dans les relations internationales, un Etat a le droit de se défendre contre une attaque. Dans les relations entre un Etat et ses citoyens, un gouvernement a le devoir de défendre ses citoyens. Un Etat doit défendre ses citoyens contre des actes de violence, et doit préserver la vie de ses citoyens. Un Etat démocratique est donc dans l’obligation de défendre ses citoyens. Depuis 2001 plus de dix mille roquettes Kassam et mortiers ont été lancés depuis Gaza sur le sol d’Israël et a mis en danger la vie des citoyens. L’utilisation de la force militaire a été justifiée parce que toutes les possibilités d’aboutir à un arrêt des tirs ont été épuisées. Israël aurait riposté après la première roquette Kassam qui a frappé Sdérot, mais a attendu huit ans, durant lesquels il a tenté d’autres solutions, à la fois militaire et politique. La campagne militaire de grande envergure contre l’agression permanente est sans doute le principe de dernier recours.
Nous devons aussi distinguer entre les guerres classiques et conventionnelles comme la celle de Seconde Guerre mondiale et la guerre des Six jours où la victoire signifiait l’éradication de la menace militaire avec une guerre asymétrique, telle contre une entité non étatique comme les milices terroristes du Hezbollah et du Hamas. Dans ce cas, la victoire signifie une amélioration significative de la situation sécuritaire dans la partie sud d’Israël en endommageant les infrastructures de l’armement de l’ennemi et en paralysant la capacité à mener des activités terroristes.
Les normes morales d’une force militaire ne sont identiques aux normes des personnes. Comment pouvons-nous protéger la dignité humaine d’un terroriste ? En examinant s’il y est possible de le tuer ou de le capturer ou le laisser s’évader.
Dans ce cas, les Israéliens adoptent une valeur supplémentaire qui est unique au monde et qui concerne la sanctification de la vie humaine, à la fois de nos soldats, de nos citoyens, et de tous les autres êtres humains. Le code militaire de Tsahal consacre également une valeur fondamentale connue comme la ” pureté des armes”, qui signifie la pureté de l’usage des armes. Les soldats peuvent recourir à la force seulement pour l’accomplissement de leur mission, et rien de plus.
L’arme sert à défendre les citoyens par l’accomplissement d’une mission spécifique sinon l’acte serait considéré comme immoral.
Strictement parlant, le droit international ne s’applique pas à la situation lors de l’opération “Plomb durci”. Les clauses ont pour but de guider un conflit militaire entre les armées, avec des maillons de chaînes de commandement précises dans lesquelles tous les soldats portent l’uniforme, portent ouvertement des armes, et sont responsables devant le gouvernement civil de l’Etat. Les milices terroristes comme le Hamas, ne sont pas guidées par un Etat. Le Hamas agit dans un territoire qui est une entité politique, l’Autorité palestinienne, mais qui elle n’est pas un Etat. Par ailleurs, des terroristes palestiniens délibérément brouillent la distinction entre combattants et non combattants. L’hypothèse classique de respect mutuel des normes de la guerre n’est jamais conforme dans la guerre contre le terrorisme.
Pour combattre les terroristes, Israël devrait prendre une approche différente, car il est intéressé d’étendre le droit international plutôt que remplacer les dispositions actuelles par d’autres. Etendre le droit international implique de nouveaux principes dans l’esprit de “la juste tradition de la guerre » en assistant sur des principes fondamentaux. Le général Amos Yadlin et moi-même, avons présenté un document qui offre une doctrine éthique pour les combattants terroristes. Ce document a été publié en 2005 dans le journal des éthiques militaires en 2005.
Notre doctrine permet l’assassinat ciblé et elle n’est pas une forme de punition. Le seul organe qui peut imposer la punition est la cour de justice. Cette disposition vise seulement à empêcher un acte de terrorisme en cours. Ce n’est pas non plus une forme de dissuasion. Tuer au nom de la dissuasion est quelque chose qui s’apparente au terrorisme. Selon notre doctrine il est inadmissible de tuer uniquement à des fins dissuasives. Israël a tué les dirigeants du Hamas Ahmed Yassine et Abdel Aziz Al-Rantissi, non pas pour obtenir un effet dissuasif, mais parce qu’ils constituaient une menace réelle sur la vie des israéliens. Dans ces cas, la dissuasion est la conséquence qui en découle de l’assassinat ciblé.
Notre doctrine mandate d’avertir, à chaque fois que c’est possible, les non combattants résidents dans un quartier dangereux.
La responsabilité de minimiser les dégâts infligés aux non combattants engage la responsabilité de les séparer des terroristes et de les retirer de la zone de combat.
Notre doctrine stipule qu’il n’est pas obligatoire d’envoyer des troupes pour distinguer préalablement entre terroristes et non combattants. Ce n’est pas notre responsabilité morale dans un territoire qui n’est pas sous contrôle effectif, comme à Gaza.
Par contre nous avons l’entière responsabilité de contrôler des zones souveraines comme dans nos villes, à Tel-Aviv, à Jérusalem ou sur hauteurs du Golan… dans ces régions nous mettons en danger la vie des policiers, parce que c’est nécessaire de contrecarrer des actes criminels ou de violence sans pour autant nuire aux voisins. C’est un devoir de l’Etat.
Concernant la proportionnalité. Nombreux ont accusé Israël d’avoir réagi d’une manière disproportionnée et que nombreuses ont été les victimes palestiniennes lors de l’opération “Plomb durci” et que Tsahal a agi contrairement au droit international. Le nombre des victimes israéliennes n’est pas une mesure fiable devant la menace permanente des tirs de roquettes. Un missile Grad a frappé une salle de classe vide dans une école de Beer Sheva. Si cette roquette avait touché l’école pendant les cours, des dizaines d’élèves auraient été tués. La chance ne diminue en rien la menace posée par une attaque. La proportionnalité n’est pas une comparaison avec le nombre des victimes mais une évaluation du dommage collatéral et de l’avantage militaire obtenu.
La politique d’appuyer facilement sur la gâchette n’est pas celle de Tsahal. Si elle existait il y aurait eu plusieurs milliers de victimes palestiniennes. La majorité écrasante des victimes à Gaza était des hommes, les femmes et les enfants représentent environ un sixième des victimes.
L’armée israélienne est une organisation bien structurée, sérieuse et intéressée à améliorer son champ d’activité à tous les nivaux – professionnels, militaires, juridiques, moraux et éthiques. Toutes les actions militaires menées au cours de l’opération de Gaza devraient être soumises à une enquête professionnelle, complète et détaillée, à l’instar de toute autre exploitation professionnelle non habituelle et complexe. L’armée israélienne a l’obligation d’enquêter sur elle-même. Cette norme s’applique à un médecin après une opération, un ingénieur après avoir construit un pont et un pilote après un raid.
Si certains soldats sont soupçonnés d’avoir enfreint la loi, alors nous devons demander à la police militaire d’enquêter. En effet, plusieurs enquêtes sont en cours.
Extraits d’une conférence du professeur Asa Kasher tenue au CAPE.