La Syrie et le Hezbollah face à l’échiquier politique libanais

Ces dernières années, le Hezbollah a acquis plusieurs atouts politiques et militaires. Les plus importantes “réalisations” sont selon lui, la « victoire divine » sur Israël en juillet 2006; le « jour de gloire » en mai 2008, alors qu’il occupait tous les quartiers de Beyrouth, et la  reconnaissance diplomatique assurée par la Grande Bretagne en avril 2009.

Cependant, la milice shiite libanaise a subi aussi une série d’échecs:
La défaite aux dernières élections libanaises, l’arrestation d’une cellule du Hezbollah basée en Egypte; la publication de rapports accablants sur la participation du Hezbollah dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafiq Hariri, en février 2005; le rôle du Hezbollah dans la planification d’un attentat contre l’ambassade d’Israël à Azerbaïdjan, et enfin, les troubles en Iran intervenus suite à la réélection d’Hajmdinadjad. Ces manifestations anti-iraniennes ont endommagé sévèrement la légitimité du chef du Hezbollah. Le Premier ministre désigné, Saad Hariri, (fils de Rafiq) semble aboutir vers une formule qui assurerait un gouvernement majoritaire de 15 sièges, d’une opposition de 10 sièges et d’un parti prétendument neutre et proche du président de 5 sièges. Il est clair que si l’un des membres “neutres” désignés par le président est   un sympathisant du Hezbollah, la milice shiite pourra utiliser facilement son droit de veto et ainsi effacera la victoire remportée lors du scrutin du 14 mars. La volonté de Washington et de Riyad à réparer les relations endommagées avec Damas est compréhensible mais elle ne devrait pas se faire  au détriment du Liban et de l’objectif stratégique majeur des Etats-Unis, voire  affaiblir l’influence iranienne au sein du Levant. Un rapprochement diplomatique avec la Syrie ne pourra  mener qu’à des améliorations marginales, mais aura probablement peu d’impact sur les relations stratégiques de la Syrie avec Téhéran, car celles-ci  datent depuis trois décennies.Washington ne peut faire grand-chose pour modifier sur le terrain  les conséquences des résultats du scrutin du 14 mars, mais il serait particulièrement important de démontrer l’engagement permanent des Etats-Unis au Liban dans cette période forte délicate. Washington pourrait au minimum opposer son veto sur tout accord éventuel  qui serait pris à Riyad et à Damas et qui saperait la souveraineté du Liban ou qui rétablirait l’influence de la Syrie sur le gouvernement libanais. Le 7 juin 2009, les libanais se sont rendus aux urnes pour des élections nationales. Les résultats ont surpris et contrairement aux prévisions sur une victoire éventuelle et nette du Hezbollah, la coalition pro occidentale du 14 mars a été reconduite et a fait échouer  l’alliance favorisée par la Syrie et  l’Iran  et dirigée par le Hezbollah. Pour la deuxième fois en quatre ans, cette coalition a été élue au pouvoir et a confirmé l’orientation pro occidentale de Beyrouth. Pourtant, malgré cette évolution importante, il n’est pas du tout sûr que cette nouvelle coalition se trouve dans une meilleure position  pour pouvoir consolider son pouvoir. Aujourd’hui, l’avenir du gouvernement pro occidental à Beyrouth demeure en sursis et la défaite de la milice shiite est frustrante pour les dirigeants du Hezbollah.
Lors de son discours prononcé juste après les élections, le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a reconnu sa “forte déception” mais il semble n’avoir tiré aucune inférence particulière des résultats. « Pour autant que  nous sommes concernés » dit-il, rien n’a changé pour nous. Quelques jours après les élections, plusieurs dirigeants libanais et notamment, Saad Hariri et Walid Joumblatt, ont rencontré Hassan Nasrallah et d’autres leaders ont rejoint les alliés de la Syrie.

Cette réconciliation politique a contribué à diminuer des tensions internes au Liban, et ont donné un second souffle à la saison touristique. Cependant, la situation demeure floue et rien n’indique clairement si toute la bonne volonté et les bonnes intentions agiront sur l’échiquier politique et sur les directives du nouveau gouvernement.  La question est aussi de savoir si  Saad Hariri légitimera l’armement du Hezbollah hors de l’autorité de l’Etat. Après les élections, la Syrie se trouve dans une position désavantageuse du fait que le mouvement patriotique libéral du général Michel Aoun n’a pas réussi à s’imposer. Découragé, Damas a cherché à améliorer sa position au Liban en exploitant les intérêts américains et saoudiens et en améliorant ses relations bilatérales.

Dans ce contexte, le Premier ministre Hariri se trouve dans l’obligation de marcher sur la corde raide. Il agira prudemment pour consolider, à la fois   sa victoire électorale et à faire face aux provocations du Hezbollah. Les prochaines semaines seront pour lui une épreuve importante et seront  cruciales pour l’avenir du Liban et de la région.