La raison israélienne

Voltaire avait raison de dire que le “philosophe est l’amateur de la sagesse et de la vérité”. Toutefois, il ne demeure qu’un amateur rationnel de la nature et de la théorie de l’action humaine. Dans un monde où les civilisations se déchirent, dans une région où le fanatisme religieux l’emporte et la loi de la jungle est déchainée, il n’y pas de place à la sagesse et à l’esprit cartésien. L’appel à “la raison” orchestré par des philosophes et intellectuels européens à Bruxelles n’est  en fait qu’une bombe médiatique qui a éclaté dans un épais écran de fumée. Cet appel cache une manipulation idéologique flagrante et  tente de monopoliser le débat  sur la solution d’un conflit douloureux qu’Israéliens et Palestiniens endurent voilà déjà plus de six décennies. La méthode employée par ces intellectuels rappelle celle des bolchéviques, c’est-à-dire celle de la pensée unique. Une certaine gauche juive est en détresse. Elle est désemparée parce qu’elle rate à chaque fois les rendez-vous de l’Histoire. En déconfiture, en perdition et complexée, elle se recherche, tente de serrer les rangs mais elle est dépassée à chaque fois par les événements en cours, et par maladresse et précipitation, elle perd le contrôle dans le temps et dans l’espace.

Nous saluons toute initiative  pour la paix à  condition qu’elle soit transparente et sincère. Ce n’est pas le cas du J’call. Etre né Juif est un grand privilège, mais pour autant, cela ne permet pas de critiquer Israël devant chaque tribune à l’étranger, ou donner des leçons de morale à un gouvernement de droite sans observer toute la réalité sur le terrain et comprendre tous les enjeux. La réunion de Bruxelles a  été organisée par des mouvements et organisations connus pour leur opinion et leur agenda. Ils sont financés par des institutions européennes dans un seul but d’exercer des pressions sur l’Etat juif. Les intellectuels juifs européens n’ont pas participé à la construction de notre Etat ni à nos guerres, ni à nos  combats  quotidiens pour survivre. Dans leur majorité, ils brillent par leur absence dans les réunions et les colloques sionistes. Ils s’abstiennent  de signer des pétitions  ou des appels musclés contre le Hamas, le Hezbollah ou  les ayatollahs iraniens. Par contre, ils sont toujours présents et s’arrachent le micro pour accuser le gouvernement israélien d’immobilisme et de saboter la paix.

Le débat est  donc tronqué volontairement et la démarche, malgré les bonnes intentions de certains, joue en réalité en boomerang contre nous, mais aussi contre eux. C’est bien  de pouvoir se bercer d’illusion et de romantisme à distance, de voir un monde beau et gentil, mais cette naïveté  est à double tranchant, aveuglante,  et sans doute néfaste. Il est facile de rédiger dans les salons, dans les terrasses des cafés et les palaces, une pétition  pleine d’enthousiasme,  de prononcer un discours fleuve, enflammer le public et les médias, et philosopher sur les différentes solutions pour aboutir à la paix. Cela n’engage en rien,   aucun signataire ne prendra sa responsabilité en cas d’échec, le risque est donc nul. Gouverner Israël dans un environnement  hostile  exige responsabilité, détermination, et  audace pour pouvoir relever les défis, affronter les risques et faire face aux menaces. Dans ce contexte, nous ne devons compter que sur nous-mêmes car seuls les Israéliens, ceux qui vivent ici, iront se battre pour pouvoir survivre dans leur propre et seul pays.  Nous étions résolus dans la guerre, mais nous sommes toujours courageux et clairvoyants dans la recherche de la paix. Ici, nous refusons le TGV idéologique, nous préférons réfléchir et agir à chaque station. La précipitation, la paix à tout prix acheminent vers la capitulation, le chaos et les catastrophes. Nos problèmes sont d’ordre existentiel et non philosophiques. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. Certes, nous poursuivrons sans relâche le combat pour la paix, nous contribuerons, s’il le faut, à l’effort de la guerre, mais nous sommes aussi capables d’exiger de notre gouvernement une autre politique, des concessions douloureuses, dans notre propre intérêt, et non pas pour les beaux yeux des autres; et pour satisfaire et faire plaisir aux chancelleries européennes.