La puissance divine et la faiblesse humaine
Le deuil national a plongé tout le pays dans le recueillement et la mélancolie mais a également ébranlé les esprits dans une terrible colère. Les interrogations sont nombreuses et criantes. Par miracle, la calamité ne s’est pas produite depuis 1948 jusqu’à ce jour.
C’est clair, si tous laissent aller, la catastrophe est bien entendu inévitable. Les cris d’alarme, tous les avertissements pour échapper au drame furent malheureusement sans réponses adéquates. Une insouciance complète du danger à venir.
Chaque année, en ce jour de joie et de fête, les pèlerins représentant tous les courants religieux et les traditionnalistes viennent par milliers sur le mont Meron pour allumer des bougies, prier, chanter à pleins poumons, et danser avec passion.
Plongés dans un bain euphorique, en transe, personne ne pouvait imaginer le désastre à venir. Soudain, les voilà tous entrainés par une foule dense, un torrent humain écrasant sur son passage enfants, jeunes et vieillards, sans distinction. Dans la bousculade et la cohue, les SOS, les cris au secours, l’appel à Dieu tout-puissant, ne sont guère entendus. Brusquement, le lieu sacré se transforme rapidement en un chantier macabre, un terrain maudit. Que dire face aux corps figés, alignés, recouverts de draps, à ces chères personnes qui viennent de perdre la vie bêtement, écrasées, asphyxiées par une foule affolée. Que dire à ce père atterré devant la dépouille de son fils ? A ce petit enfant de 4 ans apeuré, prononçant le Kaddish à son père décédé ? Que faire devant les blessés en détresse, à la désolation et au profond désespoir, sinon de prier ? Images terribles et insupportables à voir qui rappellent des années sombres de l’Histoire juive.
Après avoir enterré nos compatriotes dans la douleur et l’angoisse. Après avoir soigné les blessés dans les hôpitaux, apporté un soutien chaleureux et consolé les familles des victimes, il est donc légitime de poser des questions essentielles et graves : Pourquoi les autorités n’ont pas pris les mesures nécessaires ? Auraient-elles évité le piège mortel de la fameuse étroite passerelle ? Pourquoi durant de nombreuses années personne n’a appliqué les consignes et les décisions gouvernementales, les recommandations successives du contrôleur de l’Etat ? Pourquoi les autorités ont cédé au diktat des fanatiques, au chantage politique ? A-t-on prévu suffisamment de sorties de secours ? Les urgences avaient-elles un accès rapide ? Au moment où Israël poursuit sa campagne de vaccination pourquoi a-t-on permis l’accès libre à des dizaines de milliers de pèlerins ? Qui est le véritable responsable de toutes les défaillances : la police ? Pourtant présente sur les lieux avec 5000 agents. Le gouvernement ? Le ministère des Cultes ? Les dirigeants et les rabbins ultraorthodoxes ? A qui la faute ? Qui est responsable ? Sont-ils tous accusés de négligences mortelles ?
Les drapeaux bleus-blancs frappés de l’étoile de David étaient mis en berne. Et pourtant, ce signe national de solidarité qu’éprouve l’Etat aux 45 victimes, dont 16 enfants et adolescents, n’est toujours pas apprécié par une infime minorité de pèlerins fanatiques ultra-orthodoxes. Absurde, en 2021, 73 ans après la renaissance de l’Etat d’Israël, ils demeurent des marginaux, dans leurs propres ghettos, refusant tout compromis avec les décrets et les lois. Ils ne participent pas aux efforts du lourd fardeau national et s’opposent, bizarrement, à parler couramment la langue officielle, celle de la Bible…
Certes, Israël a perdu de nombreux soldats et civils durant les différentes guerres et dans les attentats terroristes. Depuis son existence, il a vécu plusieurs catastrophes et des tragédies en raison justement de certaines défaillances. Par cette obstination irresponsable de dire naïvement avant chaque événement : « Hiyé Béséder », il ne faut pas s’inquiéter…Tout ira bien, tout est sous contrôle… »
Bien entendu, pour les croyants « Tout arrive du ciel » mais devant la bêtise humaine, l’incompétence, l’indifférence, et le fanatisme aveugle, eh bien, même la force divine demeure impuissante.
Il est donc impératif de mettre un terme à l’insouciance, à toutes les nonchalances et les bévues permanentes. Une commission d’enquête avec à la tête un juge implacable s’impose à condition d’appliquer à la lettre ses conclusions et traduire en justice les coupables.
Israël est un Etat démocratique unique au monde où des rabbins, dont des non sionistes, siègent au gouvernement et à la Knesset.
La coexistence, entre laïcs et religieux, pourrait exister dans l’harmonie, à condition de respecter les lois et les décrets de l’Etat comme tous les citoyens de ce pays.