La prévention de l’antisémitisme avant la conférence de Durban II
En un sens, la conférence de Durban a joui « d’un temps de récupération » africain. La majorité des intervenants représentaient “la voix de l’Afrique” et les débats étaient orchestrés et dirigés par la République Sud-Africaine. Tous les maux de l’Afrique ont été évoqués depuis la fin du colonialisme. Ses répercussions sont toujours omniprésentes sur la population, comme en témoignent les émeutes violentes perpétrées contre des immigrants-réfugiés à Johannesburg, au printemps 2008; 7 ans après la réunion de Durban.
En avril prochain, une deuxième conférence internationale est prévue à Genève, celle de Durban II. Nous devons éviter à tout prix qu’elle se transforme en une répétition de la première. l’antisémitisme affiché à Durban doit cesser une fois pour toute. Ce message doit être clair et transmis avec force, non seulement en Europe, mais également et surtout aux organisateurs de la conférence en Afrique; Ils sont concernés en premier chef et responsables du résultat du processus de Durban. Le même message doit être transmis au monde musulman, car, il ne peut y avoir de lien entre le conflit israélo-palestinien et le racisme.De retour aux Etats-Unis, juste après la conférence de Durban, Tom Lantos, membre de la délégation américaine, a déclaré lors d’une réunion avec les dirigeants du Comité juif : « moi, ayant subi l’expérience des horreurs de la Shoah, j’affirme que Durban a été la manifestation la plus haineuse et la plus discriminatoire contre les Juifs depuis la période nazie. »
La haine s’est propagée durant six jours par le forum des ONG réuni dans un grand stade et avec la participation de quelques six mille personnes, représentants deux mille ONG. Les Juifs ont été attaqués pour “avoir établi la globalisation et ayant rendu les économies des pays sous-développés plus précaires. Cette politique a renforcé le retour à l’esclavage et au colonialisme primaire au profit des pays riches et développés. Elle a laissé dans son sillage une pauvreté inhumaine absolue, une économie marginale, une exclusion sociale et un sous développement désastreux.
Dés le premier jour de la conférence le ton a été donné. Le secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan, a présidé une table ronde avec la participation de 14 chefs d’Etat et de gouvernement. Dix d’entre eux étaient originaires d’Afrique, deux, de petits pays de l’ex Union Soviétique, et les deux derniers étaient Fidel Castro et Yasser Arafat.
Malgré les avertissements du Secrétaire Général des Nations-Unies affirmant que « les accusations mutuelles ne sont pas le but de cette conférence et que l’objectif doit être d’améliorer le sort des victimes », la conférence a procédé à faire tout le contraire. Au quatrième jour, les Etats-Unis et Israël ont quitté la conférence avec fracas.
Sous le titre, “Rapport de la conférence contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, Durban, 31 août-8 septembre 2001” le texte final exprime l’inquiétude concernant « la situation critique du peuple palestinien sous l’occupation étrangère ». Le reste du paragraphe suit : « nous reconnaissons le droit inaliénable du peuple palestinien à l’autodétermination et à la création d’un Etat indépendant et nous reconnaissons le droit à la sécurité pour tous les Etats de la région, y compris Israël et demandons à tous les Etats d’appuyer le processus de paix et de l’amener à une conclusion rapide. »
Bien que l’on puisse affirmer que ce langage n’est pas, a priori, répréhensible, les représentants européens à la conférence ont fait remarquer à juste titre qu’il n’y a pas de place aux débats politiques sur la question palestinienne, dans le cadre d’une conférence sur le racisme et l’intolérance.
Dans la même veine, le rapport final a reconnu « le droit des réfugiés à retourner volontairement dans leurs foyers et leurs propriétés dans la dignité et la sécurité et prient instamment tous les Etats à faciliter ce retour. » Le représentant iranien a précisé clairement : “le droit des réfugiés palestiniens à retourner dans leur patrie. » On peut se demander comment cette préoccupation pour le sort des réfugiés est appliquée au Soudan, au Kenya, au Rwanda le Zimbabwe, en Tchétchénie, au Tibet et d’autres régions à travers le monde où des centaines de milliers de personnes ont été déplacées. Un certain degré d’honnêteté et de franchise intellectuelle étaient absentes à Durban.
Avant la clôture de la conférence, le représentant canadien a déclaré fermement:
“Le Canada est toujours présent parce que nous voulions faire entendre notre voix pour dénoncer les tentatives de la conférence à délégitimer l’Etat d’Israël en se référant à l’appel pour le retour des réfugiés et en bafouant et déshonorant l’Histoire et la souffrance du peuple juif. Nous croyons et nous l’avons dit en termes les plus clairs possibles, qu’il a été faussement inapproprié de parler du conflit israélo-palestinien dans le cadre de ce forum.”
Il serait faux de résumer la conférence de Durban en la qualifiant uniquement « d’antisémite » ou « d’anti-israélienne ». Cette conférence a été beaucoup plus vaste et a critiqué violemment l’injustice économique politique et sociale dont souffrent les pauvres et les défavorisés de l’Afrique.
La conférence a condamné l’esclavage et la « traite transatlantique des esclaves » et les Etats-Unis ont été cités pour avoir commis ce crime odieux alors que le commerce arabe d’esclaves n’a pas été mentionné. Il en va de même pour le colonialisme qui a été identifié comme l’une des principales causes du racisme et de la discrimination raciale contre les Africains et les personnes d’origine africaine. L’apartheid, le génocide, et toute une liste d’autres maux de la planète, telles que l’épidémie du sida, et la violation des droits de population autochtone ont été également condamnés.
La question fondamentale est de savoir comment peut-on dans une conférence de ce genre, passer outre sur les atrocités infligées aux Juifs dans les camps de concentration nazis, les massacres contre les enfants uniquement parce qu’ils étaient juifs, ainsi que la spoliation et l’expropriation de leurs biens. Ceci c’est passé en Europe, il y a moins de 70 ans au moment ou la traite des esclaves a pris fin plus de sept générations auparavant… Les personnes vivant en Afrique d’aujourd’hui et ceux qui ont pris la parole lors de la conférence, ne sont pas des descendants d’esclaves, mais des origines d’une population qui est restée en Afrique, les esclaves, parmi-eux sont issus de la domination de leurs collègues africains.Dans certains aspects importants, Durban a été une occasion manquée de la lutte contre le racisme. Le message du Secrétaire Général, Kofi Annan, n’a malheureusement pas été entendu. Comme c’est souvent le cas dans les réunions des Nations Unies, à Durban, les 56 pays islamiques ont par leur comportement réussi à raviver l’infâme résolution « Sionisme égal Racisme » adopté par l’Assemblée générale des Nations unies en 1975 et abrogé en 1991. Grace à l’intervention de certains pays et notamment ceux de l’Europe, une résolution anti-israélienne et extrémiste revendiquée par l’Iran et les Etats arabes n’a pas été prise. La Déclaration universelle des droits de l’homme a été réaffirmée avec force et tous les Etats ont été appelés à lutter contre l’antisémitisme et ne jamais oublier la Shoah.
En rationalisant les positions en termes de compromis la conférence pourrait apporter ses fruits. Les pays africains modérés ont réussi a formuler une déclaration mondiale condamnant le racisme mais ont-ils obtenu satisfaction en mettant fin au racisme ? La réponse est clairement non.
Les pays occidentaux vont-ils assister à la nouvelle conférence de Genève, celle de Durban II ? Le Canada et Israël ont déjà dit non. Les USA sont dans la même direction mais cela pourrait changer avec la nouvelle administration américaine.
Fidèle à son passé, l’Union européenne reste indécise. De vives critiques par la France, la Grande Bretagne et les Pays Bas n’ont pas conduit à une décision unanime de l’Union européenne. Le Président Nicolas Sarkozy a réaffirmé sa ferme position lors d’un discours audacieux devant le CRIF (Conseil Représentatif des Institutions juives de France) en février 2008. Suite à la première conférence préparatoire, l’Union européenne est susceptible d’attendre encore, espérant convaincre les organisateurs de ne pas adhérer aux revendications islamiques de censurer des médias européens à publier des caricatures du prophète Mohamed et d’autres infractions perçues, que l’Union européenne considère à juste titre comme attaque à la liberté d’expression.
Trois aspects doivent être examinés pour que la nouvelle conférence réussisse: l’antisémitisme, les tentatives visant à délégitimer Israël et la façon de répondre aux revendications légitimes d’une manière à ne pas mettre les Juifs et Israël sur la défensive, ou en d’autres termes, sur le mauvais côté de l’histoire, y compris l’histoire encore à écrire.
Deux générations après la Shoah et soixante ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme de René Cassin, l’antisémitisme semble revenir à la surface. Les Protocoles des Sages de Sion, sont devenus une lecture populaire au sein de la famille royale saoudienne et ont inspiré une série de feuilleton à la télévision égyptienne pendant le Ramadan.
Dans l’intérêt de l’exactitude historique, nous devons reconnaître que l’antisémitisme n’a pas débuté au 19ème siècle en Europe; il est en grande partie un phénomène chrétien, mais pas inconnu dans le monde musulman. Il est souvent attisé par les dirigeants politiques et religieux pour faire avancer leurs propres objectifs. Depuis la chute de l’Empire romain, les Juifs étaient les boucs émissaires et responsables de tout les maux de la terre. Plusieurs siècles plus tard, Hitler concrétise cette haine féroce en génocide systématique.
La Shoah n’a pas été fondée sur la dispute d’un territoire ni sur la religion, mais sur la haine raciale. Six millions de juifs ont été massacrés. Les Nazis ont tenté à déshumaniser les Juifs, les ont dépeints comme “un animal prédateur, un reptile rampant ou un insecte venimeux.”
Aujourd’hui, plus de soixante ans plus tard, la bête immonde relève la tête. le Président Sarkozy, à affirmé devant un large public juif réuni à Washington en novembre 2007 que “l’antisémitisme ne peut pas être expliqué”. Il est inexplicable, dit-il et par définition l’inexplicable ne peut pas être expliqué. Je suis en désaccord avec lui, non pas avec la logique de ces propos mais avec le contenu. Expliquer n’est pas tolérer. L’antisémitisme ne peut jamais être toléré. Pour exemple, dans les années 30, j’étais un jeune garçon vivant à New-York. On me racontait que le Comité juif américain a exhorté les Juifs de ne pas lire les journaux en Yiddish dans le métro afin de ne pas attirer trop d’attention. Si j’avais été plus adulte, j’aurais dit exactement le contraire ; les Juifs devraient ouvrir les journaux en yiddish dans le métro, même si ils ne peuvent pas les lire ou connaître le yiddish. Cacher nos différences, c’est nier notre judéité. Il s’agit d’effacement et non pas une acceptation.
Notre distinction pourrait nous paraître comme un attribut positif sur lequel notre survie en tant que peuple dépend.
Cette lutte pour maintenir notre caractère distinctif est nécessaire mais en même temps nous devons être aussi fermes dans la lutte contre l’antisémitisme sur toutes ses formes et le tuer dans l’œuf. Il ne doit pas se produire le même scénario, une répétition de l’antisémitisme affiché à Durban. Il n’y a pas de place dans les débats d’une conférence internationale et certainement pas dans une conférence réunie dans un but précis pour lutter contre le racisme et l’intolérance. Ce message doit être livré avec force en particulier au sein du monde musulman. Durban a lié l’antisémitisme à l’islamophobie. Durban a tiré l’attention à « l’émergence d’actes de mouvements racistes et violents fondés sur la race et les idées discriminatoires à l’encontre des communautés juives, musulmanes et arabes. » Rappelons que l’intolérance engendre l’intolérance.
Les Palestiniens devraient élire un dirigeant responsable et comprendre ce message dans l’intérêt de leur propre avenir. Qu’en est-il de l’avenir d’Israël ? La question est-elle liée uniquement au retrait des territoires ? Israël a-t-il le droit d’exister comme Etat juif démocratique. La montée de l’extrémisme islamique s’est-elle transformée en une guerre de religion avec un impératif moral qui ne permet pas de compromis, certainement pas un compromis territorial ?
En adoptant la solution de “deux Etats”, le gouvernement d’Israël a déjà proposé de faire des compromis. Il y a une vingtaine d’années, Yitzhak Rabin m’a dit qu’il y avait trois conditions que le gouvernement israélien n’accepterait jamais :
– Reconnaître l’OLP.
– La création d’un Etat palestinien indépendant en Judée Samarie.
– La présence militaire arabe dans les territoires.
Toutes les trois conditions ont été offertes par quatre Premiers ministres israéliens, de Yitzhak Rabin à Ehoud Olmert. La balle est donc dans le camp palestinien, c’est son devoir d’élire un dirigeant responsable et intègre pour pouvoir créer les institutions nécessaires et gérer convenablement la vie quotidienne des Palestiniens. Tant que leurs projecteurs sont toujours braqués sur Tel-Aviv et non sur Ramallah, Djénine et Naplouse, la paix ne sera pas probable.
Le processus de paix dans toutes ses parties, est fondamentalement une question israélo-palestinienne. Il ne peut y avoir de compromis sur la question fondamentale de la légitimité d’Israël et en fin de compte sur sa sécurité.
Durban était une tentative évidente à délégitimer Israël et à terme de compromettre sa sécurité. A ce sujet nous devons être parfaitement clairs. Israël est le seul pays au monde à avoir tendu la main à la réconciliation avec l’Afrique. Israël a réussi à trouver un refuge à une centaine de milliers d’africains d’Ethiopie en détresse. Ce petit pays a énormément investi pour aider ces immigrants à s’intégrer.
Le conflit israélo-palestinien n’a rien à voir avec la race. Les Juifs sont sémites, comme les ennemis d’Israël l’ont revendiqué à Durban.
La justice sociale a toujours fait partie de la tradition juive. Les Juifs ont toujours eu une oreille attentive aux opprimés et à l’injustice et donc un abandon aux pays islamiques serait une tragédie considérable au regard historique.
En conclusion, nous ne pouvons nous permettre et laisser faire ceux qui voudraient détruire Israël à devenir les champions de la cause de la lutte contre le racisme dans le monde. Nous devons rappeler que des Juifs d’Afrique du Sud ont eu le courage de lutter pour la libération de Nelson Mandela et lui rendu visite en prison. Nous devons rappeler au monde entier que nous avons revêtu les pauvres et nourri les affamés, non comme actes de miséricorde mais comme actes de justice. Tout comme notre amour pour Israël est inébranlable, donc aussi notre foi dans la conviction que la noblesse est d’aider les autres.
Enfin, rappelons que l’immigrant africain qui est chassé d’Europe ne la quitte pas à cause du conflit israélo-palestinien, et que la femme africaine à Kinshasa n’est pas morte du sida à cause du conflit israélo-palestinien, ni non plus la famine des enfants du Tchad.