La position russe sur l’Iran face à la politique américaine

wikipedia-logo1Des voix dans l’administration d’Obama  pensent que le Kremlin est capable et disposé à exercer des pressions sur l’Iran pour l’empêcher d’acquérir des armes nucléaires. Toutefois, les avantages géopolitiques et économiques  dans un Golfe persique instable, où l’influence des Etats-Unis est en déclin, les préoccupations russes l’emportent sur le projet nucléaire de l’Iran. Le Kremlin perçoit  l’Iran non comme une menace mais comme un partenaire qui pourra éventuellement contester l’influence américaine.
La Russie et l’Iran sont favorables à une stratégie « multipolaire » tant au Moyen-Orient que  dans l’ensemble des régions du monde. Cette stratégie vise à affaiblir la puissance américaine,  à  réviser  les institutions financières internationales, et à affaiblir ou à neutraliser l’OTAN en forgeant une contrebalance à l’alliance euro-atlantique.
L’aide technologique russe à l’Iran est éloquente et elle comprend des missiles  et des  programmes spatiaux. Les scientifiques et experts russes ont joué un rôle direct et indirect dans tous ces programmes et cela depuis de nombreuses années.
Selon certains rapports, les spécialistes russes contribuent à développer le Shihab-5 de longue portée, et la Russie a exporté à l’Iran des installations entières pour la production de missiles.
Moscou a signé avec Téhéran un contrat pour la fourniture  des systèmes de défense aérienne dont le S-300 de longue portée. L’Iran sera donc équipé d’une défense aérienne efficace  pour pouvoir contrer les attaques aériennes israéliennes et américaines et sera équipé de  missiles balistiques à ogives nucléaires pour pouvoir posséder la capacité de détruire Israël (un objectif déclaré ouvertement par le régime) et pouvoir attaquer des objectifs au Moyen Orient, en Europe, et à l’Est dans le continent indien. Au-delà de cela, Téhéran sera capable de menacer directement le territoire américain.
Le Président Barak Obama espère que la Russie et l’Europe soutiendraient les efforts des Etats-Unis pour pouvoir arrêter le programme nucléaire iranien. Cependant, ayant suivi de près la politique de la Russie depuis les années 90, il semble que les intérêts de l’Europe et de la Russie concernant  l’Iran divergent de ceux des Etats-Unis. Un haut fonctionnaire du ministère allemand des Affaires étrangères a exprimé un « espoir » que l’Iran ne s’armera pas, tout en proposant  l’affaiblissant et la réduction des sanctions du régime actuel contre Téhéran et en avertissant de ne pas conduire le peuple iranien à la merci des dirigeants de la république islamique.
A ce sujet, les fonctionnaires de l’administration d’Obama, les diplomates russes, les décideurs européens et analystes suggèrent, que les intérêts géopolitiques et économiques de Moscou, la crainte d’une confrontation à travers l’imposition d’un régime de sanctions solides, et l’accent américain sur une diplomatie multilatérale, ne parviennent pas à arrêter le processus iranien d’acquérir des armes nucléaires.
Les Iraniens n’ont pas  besoin d’un stock d’uranium hautement enrichi pour des fins pacifiques. Selon le Pentagone, l’Iran a stocké assez de matériel fissile pour construire une  bombe nucléaire. Le  chef des services de renseignements militaires le major-général, Amos Yadlin, a déclaré que l’Iran a franchi le seuil technologique pour produire une arme nucléaire.
Un Iran à capacité atomique représenterait une menace réelle pour  toute la région ; il l’utilisera probablement son arsenal nucléaire pour intimider ses voisins, dissuader d’autres puissances nucléaires, et pour fournir une couverture diplomatique pour ses satellites terroristes, comme le Hamas et le Hezbollah. Téhéran semble favoriser son hégémonie dans le Golfe persique et déclenchera une course aux armements nucléaires sans parler de la menace existentielle pour Israël, qui devrait être un résultat inacceptable pour les intérêts américains, en Europe et les pays de la région.
Afin d’éviter ce résultat néfaste, certaines voix dans l’administration Obama et en Europe, y compris dans la communauté des experts, estiment que le Kremlin est capable et disposé à exercer des pressions sur l’Iran pour l’empêcher d’acquérir des armes nucléaires. Un rapport du centre Harvard Belfer présidé par les anciens sénateurs Gary Hart et Chuck Hagel préconise, entre autre que la Russie est « un partenaire capable de traiter avec l’Iran. »
Certains à Washington ont interprété les déclarations récentes de la Russie comme des signes que le Kremlin serait  plus disposé à coopérer avec l’Iran que par le passé. Selon le Président du centre Nixon, Dimitry Simes, lors d’une récente réunion tenue à huis clos au Kremlin, le président russe Dmitri Medvedev, aurait déclaré que le lancement de nouveaux satellites iraniens est un fait que les « ambitions nucléaires de l’Iran sont loin d’être atteintes ». Cette déclaration est peut être visée à séduire l’administration Obama pour pouvoir offrir des concessions au Kremlin en échange de promesses d’engagement.
Quelques jours plus tard, le vice ministre des Affaires étrangères Sergei Ryabkov a déclaré publiquement : « Nous continuons de croire qu’à ce stade, il n’y a pas de signes que le programme nucléaire iranien est passé à des fins militaires ». Cette déclaration publique est en accord avec les déclarations publiques précédentes des dirigeants russes.
La Russie emploie un jeu sophistiqué qui combine une reconnaissance de realpolitik, vu la faiblesse relative vis-à-vis de Washington, avec le désir de chasser l’Amérique de sa domination militaire et politique dans le golfe persique. A l’ère où le pétrole demeure cher, une tension dans la région fera monter les enchères et les prix de l’énergie. Une course aux armements dans le golfe pourra faire profiter l’exportation des armes russes. Après tout, Moscou a vendu des armes aux deux parties au cours de la guerre Iran -Irak dans les années 1980-1988.
Les  bénéfices économiques géopolitiques perçus dans un golfe persique instable, où l’influence américaine est au déclin, l’emportent  sur les préoccupations de la Russie concernant l’arme nucléaire iranienne.
La Russie a d’excellentes sources de renseignements iraniens qui remontent à l’ère soviétique. L’ancien président Hashem Rafsandjani a étudié à l’université Patrice Lumumba de Moscou, et des centaines d’ingénieurs et scientifiques iraniens ont étudié dans des écoles dans l’armée russe.
Des scientifiques russes sont employés dans la recherche spatiale et dans les programmes nucléaires.
Les ambitions de la Russie en Iran remontent à l’époque tsariste et rappelons que les Soviétiques ont occupé le nord de l’Iran pendant la Deuxième Guerre mondiale. Plus tard, les services de renseignements russes ont prédit la victoire de la Révolution de Khomeiny longtemps avant que Washington n’ait réalisé la portée du désastre géopolitique auquel elle est confrontée après l’abandon de son allié, le shah. Moscou a vendu des armes  à Bagdad (son principal client) et à Téhéran. Ses liens, et le potentiel du commerce bilatéral, sont plus importants que ses liens économiques avec Israël.
Moscou voit aussi l’Iran comme un élément clé pour développer son influence régionale et internationale. Bien que le programme de l’Iran soit clairement distinct de celui de la Russie, le Kremlin utilise l’Iran comme un bélier géopolitique contre les Etats-Unis et ses alliés dans la région du Golfe et le Moyen Orient. Par conséquent, le soutien russe pour le programme nucléaire iranien et les ventes d’armes ne sont pas seulement des questions d’export et d’économie, mais reflètent un agenda géopolitique qui date depuis une vingtaine d’années.
Actuellement, la Russie et l’Iran favorisent une stratégie de « multipolarité » tant au Moyen Orient que dans le monde entier. Cette stratégie vise à affaiblir la puissance américaine, à réviser les institutions financières internationales actuelles qui comprennent l’abandon du dollar comme monnaie de réserve, à affaiblir et à neutraliser l’Otan, tout en forgeant une coalition anti-américaine pour servir de contrebalance à l’alliance euro-atlantique.
L’Iran maintient que son programme est de nature civile. Toutefois, le programme spatial de l’Iran est sous le contrôle de la garde révolutionnaire. Le président Ahmadinejad, un ancien des gardiens de la Révolution est publiquement et visiblement impliqué dans le lancement du programme spatial.
L’aide technologique russe est évidente tout au long des programmes  spatiaux des missiles iraniens. Les scientifiques russes et les experts ont joué un rôle direct et indirect dans ces programmes depuis des années.
Selon certains rapports, les spécialistes russes contribuent à développer le Shaab-5 de longue portée, et la Russie a exporté les installations de production de missiles et des documents techniques  ainsi que du carburant à l’Iran. L’Iran et la Corée du Nord coopèrent dans le développement de la technologie des missiles, et la Russie peut faciliter les transferts entre les deux. Par exemple, le Shaab-5 est basé sur le Taepodong-2 d’abord développé par la Corée  du Nord et en cours d’emploi par l’Iran avec l’aide de la Russie.
En mars 2009, l’Iran a lancé son premier satellite de fabrication iranienne, le Safir-2 (« Ambassadeur ») D’une portée d’environ 1500 miles.  Cela est suffisant pour atteindre la plupart des régions du Moyen Orient. L’Iran a encore des fusées plus puissantes dans son inventaire tel que Shahab-3. La perspicacité critique de cette démonstration est que lancement du Safir-2 représente une étape importante pour l’Iran dans sa quête pour offrir des charges utiles plus grandes pour des distances plus longues. Si un pays peut lancer un missile qui peut placer une charge utile en orbite, alors il peut développer la capacité de frapper une cible partout sur la terre étant donné la manière adéquate des ogives et le commandement, le contrôle et les capacités de communications.
Si l’Iran parvient à la capacité de missile nucléaire balistique, Il pourrait intimider les pays de l’Otan qui hébergent  actuellement des bases américaines importantes en Europe. Un refus par les alliés de l’Otan pour fournir une aide aux Etats-Unis dans un conflit futur pourrait rompre la cohésion de l’alliance, un résultat que Moscou accepterait. Ainsi, la Russie peut utiliser l’Iran comme une importante pièce d’échecs.- non seulement pour menacer les intérêts américains dans le Golfe, mais éventuellement pour saper finalement l’alliance transatlantique.

Finalement, Le développement de Téhéran des missiles balistiques de longue portée avec la capacité d’atteindre la plupart de l’Europe pourrait aussi dissuader les pays de l’Otan d’autoriser les forces américaines à utiliser des bases sur leur territoire dans l’éventualité d’aider Israël. Rappelons que lors de la guerre de Kippour seuls les Pays Bas et le Portugal ont permis les navires de ravitaillements militaires américains sur leur territoire, tandis que le reste de l’Europe était intimidé par les menaces de l’embargo pétrolier arabe.
L’Iran continue également de développer sa capacité d’enrichissement d’uranium, prétendument à des fins civiles mais avec la possibilité de fabriquer des armes nucléaires. Le réacteur à eau lourde et la centrale nucléaire de Bushehr, lancés par la société allemande Siemens dans les années 1970, mais achevés par la Russie, sont une partie essentielle de l’infrastructure nucléaire de l’Iran, qui a reçu le soutien de la Russie depuis 1992. La Russie a fourni l’expertise technique, le combustible nucléaire, l’équipement, les pièces et les autres composants pour ce réacteur.
La Russie et l’Iran ont complété l’usine Bushehr le 25 février 2009, lorsque le réacteur a été testé avec succès. Le lancement actuel du Bushehr prendra place probablement en automne 2009. La Russie et l’Iran ont accepté récemment de signer un contrat de combustible nucléaire pour une dizaine d’années pour faire fonctionner le réacteur avec l’aide des experts russes. Toutefois, le complexe sera capable de produire assez de matériel nucléaire pour une trentaine de bombes atomiques par an.
L’Iran achemine son uranium utilisé à la Russie, mais développe fiévreusement la capacité de l’enrichissement de son propre uranium, ce qui  lui donnerait la possibilité de traiter le combustible du réacteur en matériel de qualité d’armes. Cette capacité représente un grave danger aux efforts mondiaux de non prolifération et à la priorité affichée d’Obama de débarrasser le monde des armes nucléaires. La question est de savoir si la Russie partage ces objectifs louables.

En mars 2009, les agences de presse russes ont confirmé que Moscou a signé un contrat dès 2007 pour vendre des systèmes 3-300 de défense aérienne de longue portée à l’Iran.
Le système défensif S-300 à l’Iran pourra modifier considérablement l’équilibre des forces au Moyen Orient. Ce système, couplé à la fabrication du missile Tor-M1 sol-air qui a déjà été déployé offrirait à l’Iran un bouclier contre les frappes aériennes potentielles visant son programme nucléaire.

Une fois que l’Iran  pourra contrer les attaques aériennes israéliennes ou américaines et possèderait  des ogives nucléaires pour ses missiles balistiques, il pourra obtenir la capacité de détruire Israël (un objectif déclaré ouvertement du régime) et attaquera des objectifs à travers le Moyen Orient, en Europe, et dans le continent indien et même menacer directement le territoire américain.  Le dilemme  ressemblerait à la situation au moment de la première guerre froide: empêcher ou prévenir.
La Russie prétend qu’elle peut gérer ces évolutions et qu’elle peut jouer un rôle essentiel dans la négociation d’un accord. Si c’est le cas, Moscou, qui a contribué à créer le problème, peut alors négocier la solution.
L’administration Obama devrait utiliser une extrême prudence en négociant une coopération russe avec l’Iran car cela pourrait impliquer les Etats-Unis à retarder ou à annuler ses installations de missiles de défense en Europe.
L’heure n’est pas à la naïveté. Etant donné les ambitions et les intérêts importants russes, toute négociation exigerait  certainement un prix élevé que les Etats-Unis seraient contraints de payer au détriment de ses amis et alliés.
Suite à la dernière guerre en Géorgie, la Russie a déjà contré une série de sanctions prises au Conseil de sécurité contre l’Iran. Dans ce contexte, les Etats-Unis, l’Europe, et Israël devraient prendre en considération les options militaires dans les cas où la diplomatie et notamment les sanctions ne seront plus efficaces.