La normalisation avec la Syrie est-elle possible ?
Le président syrien, Bachar al-Assad, souhaite sortir de son isolement diplomatique et redevenir fréquentable au sein de la Ligue arabe et des pays européens, particulièrement en France. Certains observateurs sont aussi convaincus qu’un retour d’Assad au-devant de la scène internationale pourra même le conduire à une normalisation avec Israël dans le cadre des Accords d’Abraham. Cette démarche est-elle possible aujourd’hui ?
Le 19 mars 2022, Assad s’est rendu aux Émirats arabes unis, pour une première visite dans un pays arabe depuis le déclenchement de la guerre civile en 2011. Lors de cette visite soutenue par l’Iran, Assad a discuté avec le prince héritier d’Abu Dhabi, Mohammed ben Zayed de « la coopération et la coordination entre les deux pays frères » en vue de “contribuer à la sécurité, la stabilité et la paix dans le monde arabe et au Moyen-Orient ».
Une semaine après, Naftali Bennet, participait à un sommet tripartite à Sharm el Sheikh avec le président égyptien Sissi et le prince héritier d’Abu Dhabi. Les deux leaders arabes étaient favorables à entamer des négociations avec la Syrie. Pour l’heure, Bennet refuse tout contact avec Damas car Assad n’est pas en mesure de chasser les Iraniens ni les Russes. Le gouvernement israélien préfère doubler la population sur le plateau du Golan et renforcer la présence de Tsahal.
La réhabilitation de Bachar El Assad a été déjà présenté lors d’une rencontre tripartite inédite tenue à Jérusalem le 24 juin 2019 avec les conseillers à la sécurité nationale des Etats-Unis et de la Russie. Israël avait proposé un plan de paix qui appellerait un retrait de toutes les forces étrangères de Syrie, une aide financière pour la restauration du pays, et des élections présidentielles. Dans le cadre des tractations avec les Etats arabes, Nétanyahou pensait que ce plan pourrait chasser l’Iran du plateau du Golan et mettrait un terme à la guerre civile.
Ce n’est pas la première fois qu’Israël tente en vain de négocier un accord de paix avec la Syrie.
Rappelons brièvement, la Conférence de paix de Genève en 1974 et les accords de désengagements de Tsahal après la guerre de Kippour, ainsi que les nombreuses navettes d’Henry Kissinger, Warren Christopher et James Baker à Damas. Les propositions à Hafez el Assad de Benjamin Nétanyahou en 1996, les négociations d’Ehoud Barak en 2000 et Ehoud Olmert en 2008, ainsi que la fameuse rencontre à Genève du président Bill Clinton avec Assad. En octobre 1991, lors de la Conférence de paix de Madrid, des délégations israéliennes étaient présentes pour la première fois pour négocier la normalisation entre les deux pays voisins.
Malgré toutes ces tentatives et tant d’autres pour aboutir à un accord de paix, les Syriens refusent tout compromis avec Israël et se préparent à récupérer le plateau du Golan par la force.
Aujourd’hui encore, Israël serait prêt à reprendre le dialogue pour aboutir à une normalisation diplomatique complète avec l’ouverture d’ambassades à condition bien entendu de prendre en considération tous les aspects sécuritaires et les garanties que nous avons obtenu de toutes les administrations américaines, notamment la reconnaissance de la souveraineté du plateau du Golan.
Voilà déjà 22 ans que Bachar el-Assad dirige la Syrie avec un bras de fer. Il maintient son pouvoir grâce au soutien de l’Iran et une présence militaire russe dans le pays.
La Russie est affaiblie par la guerre ukrainienne et ne compte pas retirer ses troupes de Syrie. Moscou est sanctionnée pour ses crimes contre l’Humanité et elle est isolée dans l’arène diplomatique.
En revanche, l’Iran sort de sa quarantaine et se renforce grâce à un nouvel accord sur le nucléaire approuvé par les Occidentaux. Les milices chiites au Liban, en Irak et au Yémen poursuivent leur combat.
Israël ne peut permettre le maintien d’Assad au pouvoir tant que le Hezbollah fait la pluie et le beau temps au Liban. Il devra exiger le départ du président syrien. Comment les Occidentaux peuvent gommer ses crimes de guerre, la terreur contre sa propre population, les armes chimiques et ses intentions de construire des sites nucléaires à des fins militaires.
Avant toute négociation, le départ de toutes les forces étrangères est impératif, puis œuvrer pour un changement de régime acceptable par la Ligue arabe et particulièrement par les pays voisins : la Jordanie et l’Irak mais aussi par la Turquie musulmane.
Dans le contexte géopolitique actuel et devant l’indifférence des Etats-Unis, le temps n’est pas encore propice pour entamer une normalisation avec Assad. Le boucher de Damas n’est pas un partenaire crédible pour la paix.