La mise à mort de la raison

Richard Rossin

L’attaque barbare imprévue sur les localités du sud d’Israël le 7/10 2023 a jeté l’effroi de par le monde, et même, en partie, dans le monde musulman, ce qui n’est pas rien quand on se souvient de l’horreur des guerres menées par l’Islam jusqu’aux temps récents de l’Etat islamique avec les Yézidis et les hérétiques supposés, des exactions de Boko Haram… La planète fut donc largement sidérée par le spectacle de l’horreur, la pluie de missiles sur les civils encore endormis, les meurtres sauvages, les tortures, les viols, le massacre d’enfants et de bébés, les enlèvements d’otages dont des vieillards et des nourrissons. Pour une fois, Israël n’avait été immédiatement condamné pour avoir été attaqué. Je concède que cette vision peut être un peu abusive.

Comme est abusive l’idée d’une condamnation universelle de cette nouvelle attaque d’une sauvagerie renouvelée. Il y a eu bien sûr l’émotion. Nombreux parmi la population mondiale furent révulsés et l’ont exprimé, et des chefs d’Etats sont allés en Israël témoigner leur indignation et leur compassion. Il y en eut même un pour appeler à une coalition internationale contre le Hamas ; elle fit long feu. Finalement, seuls les Etats-Unis d’Amérique ont apporté un vrai soutien tout en affirmant vouloir réduire le risque d’embrasement régional en installant des porte-avions en Méditerranée orientale suivi rapidement en cela par la Grande Bretagne et la Grèce. Il a même été clamé qu’Israël a le droit de se défendre ! Une nouveauté. Pour le reste, derrière le voile de la communication de bien-pensance morale se cache une vraie rupture éthique.

Il y a ceux qui se taisent, les Caïn qui ne sont pas gardiens de leurs frères. Il y a ceux qui condamnent par avance toute réaction israélienne comme s’ils pensaient que le massacre en nombre de leurs propres concitoyens et de leurs enfants ne devrait pas provoquer de réaction contre les assassins. Ne rien faire devant ceux qui viennent jusque dans leurs bras égorger leurs fils et leurs compagnes. Je leur laisse liberté de leurs choix avec les inévitables conséquences. Il y a bien sûr aussi les antisémites obsessionnels, la grande majorité des Israéliens est juive. Pourtant, il y a parmi les otages, probablement aujourd’hui largement assassinés, aussi des Musulmans et des Chrétiens dont, en Occident, on tient rarement compte. Peut-être une terrible tentation suicidaire… Et il y a pire. Il y a la dérive de la Croix rouge, des agences de l’ONU et des humanitaires notamment français (MSF et MDM).

La Croix Rouge et toutes ces associations travaillent depuis longtemps et légitimement à Gaza comme les journalistes, au même endroit, qui risquent leurs accréditations s’ils ne relaient pas les informations du Hamas, elles n’ont rien vu ni rien entendu de la présence de terroristes internationalement reconnus comme tels, dans les hôpitaux et abusant de la population locale. Elles n’ont pas vu non plus les résidences, hôtels et môles luxueux, elles n’ont relayé que la misère du plus grand nombre. Ils ne voient pas les ratés des tirs de missiles de ceux qu’ils appellent résistants, comme si Jean Moulin avait fait assassiner des civils, déposer des bombes dans des autobus et des marchés, et elles en accusent immédiatement Israël. Elles ne cherchent jamais à vérifier leurs sources. Elles ne vérifient pas non plus et ne remettent pas en cause les chiffres avancés par le Hamas et son prétendu ministère de la santé. Pourtant, l’effondrement de 500 à 50 victimes lorsqu’il s’est avéré que le missile ayant atteint le parking de l’hôpital Shifta n’était pas israélien, devrait faire réfléchir, une règle d’un à dix ! Les membres de ces associations n’ont jamais vu les zones interdites des hôpitaux sous peine de mort dont a témoigné à la BBC un chirurgien associatif britannique. Bref, un parti pris bien au-delà de l’empathie naturelle des humanitaires auprès de ceux pour lesquels ils œuvrent. Ces acteurs prétendus du Bien sont, in fine, dans une idéologie haineuse qui se moque de toute vérité. Ils n’ont jamais tenté de porter assistance aux otages israéliens dont deux sont là depuis neuf ans !

Le drame est cette dérive éthique majeure qui transforme des humanitaires en complices de crimes contre l’humanité.

Comment en est-on arrivé là ?

A chercher la source de la dérive, il semble qu’elle émerge dans les philosophies de la fin du XIXe siècle.

Et je me souviens de la curieuse révolte étudiante mondiale de 1968 dans laquelle on se levait avec des objectifs radicalement opposés à l’Ouest et à Prague… A Paris, nous disions alors il est interdit d’interdire ! la sonorité nous plaisait, mais nous n’avions pas compris encore ce que Jacques Tarnéro met en lumière : cette revendication signifie que les lois sont interdites ! donc pas de société, ni de justice.

Plus tard, en 1992, sous la plume de Jean Daniel, l’autocrate du Nouvel Observateur, apparait l’idée de préférer avoir tort avec Jean-Paul Sartre que raison avec Raymond Aaron ! La mise à mort de la Raison devant l’idéologie, une radicalisation totalitaire des sociétés.

Et il me souvient qu’en 2011, un journaliste avait osé dire d’un bébé égorgé dans son berceau à Itamar, en Israël, qu’il n’était qu’un bébé colon…

Et les glissements sémantiques fous qui deviennent un florilège de mensonges mortifères comme par exemple : les frontières de 1967 qui sont en réalité, de la volonté des puissances arabes voisines d’Israël qui ne voulaient pas entendre parler de paix donc de frontières définitives, les lignes d’armistice de 1949 ! La Cisjordanie qui est une invention du roi Abdallah 1er de Transjordanie qui avait conquis des parties de la Judée et de la Samarie (nomenclature internationale à l’époque) et voulait l’annexer à son royaume, ce qui fut fait contre la volonté internationale1 et sans sanction. Il faut ajouter que la Jordanie fut le seul pays arabe à donner sa nationalité aux habitants arabes de la région (mais en avait expulsé ou massacré les Juifs), nationalité qu’elle leur retirera en 1994. L’occupation de Gaza est une désinformation puisqu’Israël a totalement évacué la bande en 2005, il n’y a là plus aucun Juif (apartheid ?). De même le blocus de Gaza qui reçoit d’Israël des centaines de camions d’aide tous les jours n’est qu’un embargo militaire… et d’où viendrait les milliers de tonnes de béton utilisées pour la réalisation des fameux tunnels au détriment de la construction civile… voire d’abris pour les gazaouis, Etc… la liste est longue.

Ces dérives-là sont clairement aussi inscrites dans le terme de vengeance que certains appliquent à la réponse militaire israélienne, dans les relativismes absurdes, dans les oui, mais. Face à l’inhumanité absolue de l’attaque, une attaque qui prit alibi de la défense d’un peuple mais dont l’objectif réel est l’instauration d’une théocratie moyenâgeuse, la réponse est une guerre contre le totalitarisme avec ses ostracisations, l’asservissement des femmes, le massacre des homosexuels, la dhimmitude imposée aux non-musulmans, une guerre pour des valeurs et pour la justice, réponse qui se trouve être, le voir ou non est une défense de ce qui fit le monde démocratique occidental. C’est une guerre mondiale lancée (et non déclarée) par un Islam présenté pour radical et dont la ligne de front la plus violente est aujourd’hui en Israël comme elle fut en Irak en Syrie et au Nigéria. Les cibles dans le monde occidental (Paris, Madrid, Londres, New York…) sont plus dispersées. Une guerre mondiale totale sans limite à l’inhumanité.

Richard Rossin est ancien Secrétaire Général de MSF et co-fondateur de Médecins du Monde, ancien Délégué Général du Collectif Urgence Darfour, ancien Vice-Président de l’Académie Européenne de Géopolitique.


  1. Seuls l’Irak et l’Angleterre avaient voté pour cette annexion ! Quid du droit international ?↩︎