La leçon tunisienne et Israël

 La chute du président Ben Ali et son départ humiliant en Arabie Saoudite après vingt trois années de règne est certes un événement historique en Tunisie mais il marque surtout un début de révolte au sein des masses populaires dans le monde arabo-musulman antidémocratique.  Depuis son indépendance en 1956, la Tunisie n’a connu que Bourguiba et Ben Ali, deux présidents qui ont régné dans leur pays avec un bras de fer. Cette nouvelle “révolution des jasmins” devrait ébranler les autres régimes du Maghreb et fera sans doute effet de domino dans plusieurs capitales arabes. Face à la démocratie exemplaire d’Israël, nous assistons à des turbulences internes dans la majorité écrasante des pays arabes. Des émeutes violentes se propagent déjà en Jordanie. L’Irak est depuis la chute de Saddam Hussein plongé dans le chaos. Au Liban, la guerre civile est inévitable. En Egypte, l’opposition gagne des points et le président Moubarak achève son dernier mandat dans l’incertitude du lendemain. Le Soudan forme avec le Yémen deux Etats distincts. La Syrie est au bord du gouffre sur le plan économique et le président Assad sera un jour contraint à rejoindre ses confrères déchus. La Ligue arabe est moribonde et n’a plus de poids politique ni aucune influence. Quant aux Palestiniens, ils sont déchirés dans une guerre fratricide, entre le Hamas et le Fatah. Soulignons que toutes les agitations dans le monde arabe sont internes et n’ont aucun rapport avec Israël. Elles éclatent contre les dirigeants corrompus qui ont profité durant des décennies de la misère et de l’ignorance du peuple et ont volé le trésor de l’Etat en instaurant un régime policier et en véhiculant la terreur et le culte de la personnalité. Dans les années cinquante et soixante, les changements des régimes arabes se réalisaient dans l’ombre et par un coup d’Etat de colonels mégalomanes.  Aujourd’hui, les révolutions se réalisent, en plein jour, par la masse écrasante des jeunes chômeurs. Google et Facebook, les téléphones portables, et les satellites de télévision et de communication sont désormais les nouvelles armes pour manifester un mécontentement et un raz le bol des régimes totalitaires. En ce qui nous concerne, rappelons que Bourguiba, fondateur de l’Etat tunisien indépendant, a montré de la maturité politique en appelant à reconnaître l’Etat juif déjà en 1965, voire deux ans avant “l’occupation des Territoires” par la guerre des Six-Jours. Soulignons qu’il a été le seul dirigeant arabe à accepter l’installation du QG d’Arafat et ses troupes à Tunis suite à l’invasion de Tsahal à Beyrouth en 1982, et c’est aussi le même Ben Ali qui a ouvert en 1994, les portes d’un bureau israélien de liaison diplomatique et a permis ainsi à de nombreux juifs tunisiens à revenir comme touristes dans leur pays natal. Enfin, l’attitude frileuse de la France et le refus de Sarkozy d’accorder l’asile politique à Ben Ali rappelle le comportement de Giscard d’Estaing avec le chah d’Iran et son soutien à ayatollah Khomeiny. Les Etats demeurent des monstres froids, les chefs sont toujours vulnérables, et seuls les intérêts politiques et mercantiles dominent. Avec la révolte tunisienne, il semble qu’un air frais de démocratie se propage enfin dans le monde arabe.